Si nous devions désigner un bastion corporatiste dans notre beau pays, il ne
fait aucun doute que la représentation syndicale de l’éducation nationale
viendrait tout naturellement en tête de liste, suivie de près par celle des
magistrats.
Deux citadelles retranchées dans leurs murailles quasiment intactes, et dont le
premier des principes est de repousser les assauts réformistes de tout ministre
un tant soit peu motivé. Et si par mégarde il s’en présente un plus motivé que
les autres, il est immédiatement indiqué à cet insolent à quel endroit il peut
se mettre ses projets de réforme.
Darcos, la maternelle et les couches
Une sorte de protectionnisme catégoriel qui donne à ces deux irréductibles le
droit moral de considérer que les aspirations et exigences d’un état en quête
de modernisation de ses institutions, et bien ça n’est pas pour eux !
Heureusement, quelques ministres, plus ou moins adroitement il est vrai, ont
décidé de tenir tête à ces "techniciens" de la contestation absolue qui avaient
pris la détestable habitude de traiter par le plus morne des mépris, des
flopées de leurs prédécesseurs.
Le buz invraisemblable savamment entretenu autour de Xavier
Darcos et de sa sortie sur les enfants en bas âge à la maternelle,
illustre bien cet état d’esprit.
Alors que nous sommes les seuls sur cette planète à confier nos bambins à peine
"propres" aux services de l’école, il aura suffit qu’un ministre s’interroge
sur l’opportunité d’une telle disposition pour que nous assistions à ce
déchainement incroyable de barrissements horrifiés et de cris d’orfraie.
Est-il possible dans ce pays, de s’interroger sur l’utilité de certaines
affectations de fonctionnaires dont le niveau de compétence permet d’exercer
d’autres fonctions que la surveillance de mômes qui vont passer un tiers de
leur journée à dormir et les deux autres à jouer ?
La réponse est non !
D’ailleurs, est-il seulement possible, même pour un ministre de tutelle, de
s’interroger sur quoi que ce soit dans le fonctionnement de l’éducation
nationale ?
La réponse là aussi est non, et l’historique de cette administration est truffé
de ces obstructions corporatistes, que l’on érige fièrement comme des mises en
garde à quiconque s’imaginerait qu’il est possible d’imposer quoi que ce soit
au corps enseignant…
Là ou n’importe ou dans le monde la question n’a pas de raison d’être,
chez nous elle n’a même pas le droit d’être posée sans provoquer un séisme
d’amplitude majeure.
Irresponsable, provocateur, démago, asocial, destructeur, bientôt
bourreau d’enfant et pourquoi pas infanticide tant qu’on y est !
Les syndicats d’enseignants, comme d’habitude "vent debout", se sont fait un
plaisir de remplir la musette du ministre d’une moisson de quolibets et autres
procès d’intention, que les éternels brailleurs du Parti Socialiste ont
évidemment repris mot pour mot, soucieux de leur rappeler que quoi qu’il
arrive, ils leur colleront fidèlement aux basques comme une colonie de
moucherons sur un lampadaire.
Dans les premiers à s’insurger, le ministre "à vie" de l’éducation nationale.
Le seul à avoir compris que pour s’attirer les bonnes grâces de son turbulent
auditoire, il suffisait de ne rien proposer pendant son mandat et de remuer
systématiquement la tête de haut en bas devant chaque revendication.
Cet incorrigible et indétrônable pitre de Jack Lang demande, à
je ne sais quel titre, les excuses immédiates et publiques de Xavier
Darcos et nous gratifie de son numéro défraichi de tribun ulcéré sur
tous les plateaux télé.
Déshonneur de la République, mépris des enseignants, fonctionnaires
insultés, exclusion, massacre sans précédent du système éducatif, tout y
passe du verbiage théâtral grotesque qui nous est invariablement resservi au
moindre pet de travers du sémillant député du Pas de Calais
!
Une routine à laquelle nous sommes malheureusement habitués…
Quant au Snuipp-FSU et au SE-Unsa, eux, ils
s’horrifient d’un acharnement gravissime contre l’école maternelle et hurlent
au scandale de ce ministre qui méconnaitrait tellement son administration qu’il
ne saurait pas que seuls les enfants propres sont admis dans les classes.
On avait remarqué que le complexe de supériorité que leur confère leur pouvoir
de nuisance les poussait parfois à nous faire passer pour des crétins
décérébrés. Mais de là à vouloir nous faire avaler qu’ils ont pris cette petite
phrase de Xavier Darcos sur les couches au premier degré, c’est carrément nous
prendre pour des quiches.
Bien sûr que les déclarations du ministre avaient pour but de provoquer le
débat.
Bien sûr que la forme est provocatrice et que cette image de l’enseignant qui
change un bébé n’est pas un hasard.
Il n’y a bien que vous, messieurs les délégués, à faire semblant de croire,
comme les idiots que vous n’êtes pas, que vous avez pris cette déclaration dans
son premier degré !
Vous êtes juste fidèles à vos méthodes qui consistent à infantiliser l’opinion
publique en déclenchant des procès en sorcellerie dont les ficelles sont
grosses comme des cordes de chanvre, et qui commencent sérieusement à sentir le
moisi.
Alors qu’il est légitime chez bon nombre d’entre nous, pourquoi ce
questionnement sur le bénéfice pédagogique et les contraintes budgétaires de la
scolarisation dès deux ans serait-il moins légitime chez un ministre, qui plus
est en charge de ce dossier ?!
Parce que cela indispose quelques syndicalistes qui refusent catégoriquement
que l’on puisse mettre le nez dans leur chapelle ?
Car si comme on l’entend partout, l’accueil des bambins en très jeune âge dans
nos maternelles est une bénédiction que nous envie toute la planète, il faudra
en faire la démonstration autrement qu’en se contentant de l’affirmer.
On nous parle ça et là de statistiques indiscutables qui confirmeraient
l’impact salutaire de la maternelle dès deux ans sur l’avenir scolaire de
l’élève.
On nous vante les bienfaits de l’apprentissage du langage oral à cet âge
précoce sensé donner à nos élèves les bases de leur réussite future.
On nous affirme que plus il y a d’années de maternelle moins il y a d’échec
scolaire...
Soit.
Mais alors il faudra nous expliquer comment, en dépit de toutes ces excellentes
raisons qui nous sont brandies comme des évidences, nos petits français se
trainent aux 17eme et 19eme rangs des 30 pays de l’OCDE en mathématiques,
sciences et compréhension de l’écrit.
Il faudra aussi nous préciser à quel moment sont intervenus les effets soit
disant bénéfiques de ces années de pré-maternelle sur les 10% de gamins qui, en
fin de scolarité obligatoire, ne lisent ni n’écrivent correctement.
Et si comme on le prétend, le langage oral indispensable à l’éveil développé
entre 2 et 3 ans est un gage d’épanouissement, il faudra nous dire pourquoi 1
élève sur 4, du cours préparatoire à la 3eme, ne comprend même pas ce que son
professeur lui demande de faire.
Je veux bien tout entendre, mais quand on affiche des performances qui
ne nous permettent pas d’atteindre ne serait-ce que la moyenne de celles de nos
voisins, le tout en disposant du budget de fonctionnement par élève le plus
confortable du lot, on est bien mal inspiré de venir donner des leçons à ceux
qui sont en droit et en devoir de s’interroger sur les carences du
système.
Mais évidemment personne n’est dupe.
Nous avons tous compris qu’au-delà des grandes envolées sur fond d’éthiques
dénonçant le sort funeste que réserverait Xavier Darcos à nos
tout petits, c’est surtout la gâche des quelques milliers de profs qui
en ont la charge qui préoccupe les syndicats.
Considération inavouable bien sûr.
Alors on se précipite de rappeler à qui veut l’entendre que ce sont les parents
qui sont en demande de cette disposition !
Une évidence…
Demandez donc à papa s’il préfère plomber son pouvoir en règlant un an de
prestation à nourrice agrée ou confier sa petite progéniture gratos à
l’éducation nationale pour la même période.
A moins d’avoir quelques neurones atrophiés, son choix ne souffrira d’aucune
hésitation, surtout si on prend bien soin de lui dresser le portrait d’un
ministre suffisamment irresponsable et incompétent pour anéantir les chances de
réussite de son enfant.
A se demander si un jour nous serons débarrassé de cette plaie que sont les
corporatismes crasses, qui verrouillent toute forme de débat, imposent leur
dogmes et s’arqueboutent sur leur pensée unique.
Espérer que les syndicats d’enseignants acceptent un jour de revoir certaines
de leurs copies pour laisser un peu de place à la contradiction est
parfaitement illusoire !
Car pour cela il leur faudrait revenir sur au moins deux de leurs devises
fondamentales:
S’opposer par principe.
N’écouter que soi.
Débrouillez vous avec ça M. le ministre…