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Quand la veille devient une chasse aux sorci??res

Publié le 14 novembre 2008 par Francois Jeanne-Beylot

Le 31 octobre la Délégation à la communication des Ministères de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur ont lancé un appel d'offres pour une prestation de veille de l'opinion dans les domaines de l'éducation, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Selon le cahier des clauses particulières de cet appel d'offres, "le dispositif de veille en question vise, en particulier sur Internet, à :
- Identifier les thèmes stratégiques (pérennes, prévisibles ou émergents)
- Identifier et analyser les sources stratégiques ou structurant l’opinion
- Repérer les leaders d’opinion, les lanceurs d’alerte et analyser leur potentiel d’influence et leur capacité à se constituer en réseau
- Décrypter les sources des débats et leurs modes de propagation
- Repérer les informations signifiantes (en particulier les signaux faibles)
- Suivre les informations signifiantes dans le temps
- Relever des indicateurs quantitatifs (volume des contributions, nombre de commentaires, audience, etc.)
- Rapprocher ces informations et les interpréter
- Anticiper et évaluer les risques de contagion et de crise
- Alerter et préconiser en conséquence les informations signifiantes pertinentes sont celles qui préfigurent un débat, un « risque opinion » potentiel, une crise ou tout temps fort à venir dans lesquels les ministères se trouveraient impliqués
."

On peut également lire dans ce document que "la veille sur Internet portera sur les sources stratégiques en ligne : sites « commentateurs » de l’actualité, revendicatifs, informatifs, participatifs, politiques, etc. Elle portera ainsi sur les médias en ligne, les sites de syndicats, de partis politiques, les portails thématiques ou régionaux, les sites militants d’associations, de mouvements revendicatifs ou alternatifs, de leaders d’opinion." (...) "Plus particulièrement en matière de veille Internet, l’analyse permettra un suivi précis de l’évolution de l’opinion internaute et des arguments émergents relayés et commentés sur ce canal."

Notons que les appels d'offre de surveillance de l'opinion dans les médias ont toujours existé pour tous les ministères ; Ils intègrent depuis peu Internet comme source d'information. Concernant celui du Ministère de l'Education Nationale, il s'agit du renouvellement de la procédure de 2006. Et pourtant, depuis quelques jours, les syndicats (Sgen-CFDT et Se UNSA) crient au flicage des personnels de l'éducation nationale et au retour de la "chasse aux sorcières" ...

En tant que veilleur et indépendamment de toute opinion politique, cette polémique me fait rebondir sur deux points :

- Il convient de distinguer la veille (ici surveillance de l'opinion, écoute de ce qui peut se dire à son sujet, veille image) de l'usage que l'on peut faire de l'information collectée. Notre métier de veilleur consiste à fournir des éléments d'aide à la décision. Le décideur agit par la suite en toute connaissance de son environnement. A confondre les métiers de veilleur et de décideur, on a vite fait de juger notre profession de collaborationnisme ; Profession qui faute d'être dignement représentée et défendue n'a pas besoin de cela en ce moment. A titre purement méthodique, il convient en effet dans toute démarche de veille de distinguer l'information (les faits) de toute analyse (embryon de décision), au risque d'orienter ses recherches et de ne collecter que des informations venant alimenter sa thèse en éludant toutes les autres informations contradictoires. C'est pourquoi nous distinguons les métiers de veille et d'analyse et nous consacrons qu'à la collecte et la veille, laissant à nos clients le soin de l'analyse.

- Il me parait nécessaire d'accompagner la mise en place de toute démarche de veille d'explication sur sa finalité. Sinon, une démarche de veille (et plus particulièrement de veille interne) peut être perçue par certain comme un outil de flicage. Il nous arrive fréquemment d'expliquer en entreprise ou administration que la veille n'est pas un outil de flicage de la productivité personnelle de tel ou tel individu. Souvent une démarche de veille commence par la mise en commun d'information, une meilleure circulation des informations en interne, une cartographie des connaissances, etc. Autant d'outils qui peuvent être perçus comme des outils de flicage. Pour revenir à l'appel d'offre du Ministère de l'Education Nationale, n'est il pas compréhensible que le Ministre de tutelle s'intéresse à ce qui se dit sur son ministère ? Toute entreprise sensibilisée aux démarches de veille fait de même.

François JEANNE-BEYLOT


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