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Samedi 1er novembre 2008, Tomar, Batalha, Alcobaça : monastères et abbayes pour un Dieu

Publié le 15 novembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

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Si l’on veut changer la vision que les touristes portent sur un pays, il faut du temps et une grande volonté. Et le Portugal porte avec lui une aura de soleil dont il a du mal à se défaire. 

Bien entendu le recentrage vers le tourisme culturel peut compter sur certains clichés historiques ou littéraires que l’Institut National du Tourisme a su regrouper pour constituer un catalogue séduisant

Pour n’en citer que quelques-uns, mais le premier est rien moins que structurant : « les océans », un thème comptable de l’expo 98 et de la renommée de l’Infant, Henri le Navigateur, Grand Maître de l’Ordre du Christ Roi, que la regrettée Helena Vaz da Silva avait mis en avant pour proposer un thème au Conseil de l’Europe concernant les « Villes des Découvertes », au moment de l’expo en question et du 500e anniversaire d’Henri.

Et autour de la personnalité de l’Infant se profilent ainsi les Templiers, héros des croisades, protecteurs des pèlerins, devenus au Portugal après la dissolution de l’ordre d’origine, l’ordre du Christ Roi, chevaliers et navigateurs qui au début du XVe siècle partent vers l’Afrique, les Indes, la Chine et le Japon et…le Brésil.

Et Tomar devient le lieu central d’un réseau, d’une aventure internationale, dont l’histoire contemporaine coloniale et migratoire témoigne toujours, tandis que le couvent devient le lieu même d’un centre perdu qui se reconstitue dans le symbole et le transfert : le tombeau du Christ laissé aux infidèles prend place ici sous une coupole qui restitue la communication directe avec le ciel.

L’histoire se poursuit avec Manuel Ier du Portugal, continuant lui-même à donner l’impulsion d’un style architectural où l’union de la terre natale, de la mer offerte et des terres lointaines porte un message de grandeur universelle. Vient la Renaissance : celle de Jean III qui fait revenir en force l’ordre et le style cistercien pour recadrer les chevaliers qui doivent retourner aux préceptes des moines et celle de Philippe II, dans le temps de l’unification ibérique. 

Les Océans, les grandes découvertes, l’histoire des relations tumultueuses entre la papauté, les ordres armés et les princes régnants. Voilà un axe de l’interprétation ouvert sans difficultés majeures.

Deuxième phrase clef : « les échanges culturels », entre variétés des religions et exotisme des styles,  porcelaine de Chine et végétaux américains qui pimentent de neuf la cuisine.

Troisième mot clef : les « azulejos ». Faut-il commenter plus ce terme là ? quatrième : « le fado » dont les auteurs du catalogue enferment dans un rideau de fumée commode l’origine incertaine et multiculturelle, les accointances un peu sauvages et malfamées, les branches étudiantes à Coimbra et les aventures modernes de Lisbonne au Bairro Alto. 

Et ainsi de suite : « la fête », les racines anciennes celtiques ou romaines, les murailles de défense, contre l’Islam ou Napoléon, les musées, « l’éternel avenir » des architectes qui, comme Paulo Mendes da Rocha est longuement venu nous parler de son concept du Museu Nacional dos Coches qui lui a valu le prix Pritzker 2006.

Un parcours historique où le chapitre consacré aux lieux sacrés confronte hardiment saint Michel, l’ange du Portugal et saint Georges, tous deux porteurs d’épées et, comme l’affirme étrangement le catalogue : « Catholique dans son patrimoine et sa foi, mais universel et ouvert d’esprit, le Portugal a préservé des témoignages d’autres croyances, en particulier des religions musulmane et juive, ces trois religions ayant en commun l’existence d’archanges protecteurs et de messagers… » Ma foi, puisque cela est dit !

Religions en effet. 

Tomar, Batalha, Alcobaça, trois lieux majeurs avec un centre dont on ne parlera pas de la journée, tout en le contournant comme s’il risquait d’être trop « attractif » à tous les sens du terme : Fatima, dont le maire (on dit ici Presidente) est venu nous parler hier. 

J’apprends aussi par le Directeur du Centro Nacional de Cultura qui nous accompagne aujourd’hui qu’un travail a été entamé pour joindre saint Jacques de Compostelle à Fatima, puisque le chemin des pèlerinages est le même, mais pour le pèlerinage moderne, dans un parcours inversé. Trois enfants en mal de bergerie, alors que règne une des guerres les plus meurtrières jamais connues, inaugurent en 1917 un cycle marial, après que, deux années auparavant, un ange a offert des prémisses, dans cette fin des terres européennes où les défenseurs du Christ Roi avaient installé un point de résistance de la Foi et de la Reconquête.

Décidemment, nous n’en sortons pas.Mais que raconter ?

Je ne voudrais pas aller plus loin pour aujourd’hui, puisqu’il fallait d’abord installer le contexte. 

Les responsables du Ministère du Tourisme ont posé des cartes, ont désigné des lieux et ainsi consacré un lieu narratif. Ils ont devant eux des dédales, des scènes de théâtre, des histoires de pierre et des légendes.Il faut maintenant organiser le lien culturel, le sens du parcours et l’environnement de la visite.

Il y a toujours des hypothèses au récit de la Foi immanente, aujourd’hui, dans un monde où la Foi n’est rien moins que centrifuge.

Si l’Ange affirme la résignation : « De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice et un acte de réparation pour les péchés par lesquels il est offensé, et de supplication pour la conversion des pécheurs. De cette manière vous attirerez la paix sur votre patrie. Je suis son Ange Gardien, l’Ange du Portugal. Surtout acceptez et supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra. », Henri le Navigateur lance ses troupes dans un cabotage très incertain, certainement protégé par le ciel, et un petit peuple conquiert une grande partie du monde.

Entre résignation et courage, toute l’histoire du Portugal est à raconter.

Photographies : La “Charola” de style roman puis gothique, puis Manuelite : une Jérusalem au Portugal 


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