L'or noir du Xishuangbanna

Par Soiwatter
N'ayez peur, même si ma profession est assez directement liée aux énergies fossiles, je ne vais pas vous parler d'huiles lourdes. L'or noir en question a quelque-chose de beaucoup plus envoûtant...
Le Yunnan est bien connu pour ses pu ehr. Ses thés noirs aussi dans les régions de Simao et de Feng Qing. Mais le Xishangbanna est bien le fief incontesté des galettes de thé depuis des temps innénarables. Donc quel n'avait pas été ma surprise lors de ma dernière commande chez Yunnan Sourcing (une brique de Xiaguan 2007, deux mini-galettes de Gong Ting 2005, un morceau de melon de 2001 comme thé de tous les jours et de la dinette) de recevoir en cadeau un bel échantillon (50g) de Dian Hong du Xishuangbanna. Ce thé du tout début du printemps 2008 provient du village de Pu Wen, à la frontière avec le Simao.
Jusqu'alors, à part le luanze oolong rouge de Stéphane, les thés rouges étaient classés dans la gamme des mauvaises expériences. Mais à ma grande surprise, j'ai trouvé un thé très intéressant, qui m'a redonné envie de découvrir cette grande famille. Les feuilles sont composés de bourgeons et de premières feuilles (environ 50-50), sans aucune brisure, leur couleur va du brun profond au doré et ont une odeur douce, légèrement boisée.
Mais avant d'aller plus loin, une petite chanson de la Tordue (je sais, sacrées références...):
Sous les étoiles de septembre
Notre cour a l'air d'une chambre
Et le pressoir d'un lit ancien
Grisé par l'odeur des vendanges
Je suis pris d'un désir étrange
Né du souvenir des païens
Couchons ce soir tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie
Couchons ce soir tous les deux sur le pressoir
Margaux, Margaux ma jolie

Mais où est donc le rapport? Et bien justement, il est là, sur ces souvenirs des païens, sur ce pressoir. Une fois réchauffées par la vapeur de la théière chaude, une odeur emplit la pièce, celle du muscat ou du traminer, accompagnées des odeurs boisées du pressoir ancien, cette odeur de jus ruisselant de la presse jusqu'en la tonne, ce raisin nouveau encore chargé de ses odeurs de presse et des années de vendanges...

J'ai fait deux essais d'infusion, la première en gaiwan... et ce matin en grande théière, que j'ai acquise samedi soir au Palais des Thés répondant au doux prénom féminin de Midori rappelant la couleur verte. Deux infusions totalement différente...
Les feuilles infusées rappellent très nettement ce muscat et cette presse, accompagné d'une odeur très douce, dans un premier temps. Puis demi-tour complet: Mars... et ça repart, chocolat, caramel, amandes, comme la barre chocolatée... Changement de cap... ça vire au Nesquick... (Ah! les desserts de notre enfance...) Etonnant, non?
La liqueur coule orange-dorée de la théière... A l'odeur, on commence à nouveau par cette odeur de vendange (les feuilles radotaient: Vous allez voir ce que vous allez voir!) puis apparaissent des odeurs cacaotées, chocolatées et caramélisées puissantes... Au goût, c'est très malté, un peu cacaoté dans un premier temps, puis ça vire au chocolat avec une pointe de vanille et ça finit au fil des tasse sur une grande douceur miellée et caramélisée, laissant en bouche un goût caramélisé et boisé.

Mais en parallèle de cette douceur, on a de la puissance qui nous emplit, un chi phénoménal, peut-être trop, même pour réveiller le matin. Décidément ce n'est pas un thé du soir... nuit blanche garantie.
Au gaiwan, on est sur une liqueur différente. Les odeurs et goûts de pressoirs sont beaucoup plus présents et tenace. Le chocolat n'est pas là, ou à peine, le malt est puissant et la douceur de caramel met du temps à pointer son nez...
Voilà une belle révélation qui m'a donné envie de me plonger dans les rouges de Chine. Son seul inconvénient, c'est qu'il manque à ce thé puissant et aux nombreuses facettes un peu de finesse, de subtilité...