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Un monde multipolaire

Publié le 10 octobre 2008 par [email protected]

En parcourant un quotidien national, j'ai lu hier un article traitant des avantages et des inconvéniants d'un monde multipolaire. 
Surpris par le fait qu'un monde multipolaire, et donc à mes yeux plus riche et plus libre, ne fasse pas l'unanimité je me suis penché sur la question et ai fait quelques recherches.
Je tiens ici à vous faire partager les arguments que j'ai trouvé et non à prendre partie pour l'une ou l'autre des deux théories.


 

Doit-on souhaiter un monde multipolaire ?

La crise irakienne a ouvert un débat essentiel sur l’avenir du système mondial. En Europe, cette crise a mis en évidence deux conceptions antagonistes de ce système. D’une part la volonté française de rester fidèle à ses valeurs et de s’affirmer face aux Etats Unis et d’autre part la conception anglaise visant à se ranger derrière les Etats-Unis.

Cette opposition amène à se demander s’il faut souhaiter l’émergence d’un monde multipolaire ? Afin de répondre à cette problématique il convient de définir ces notions. Un monde unipolaire est bien sûr un monde où une seule puissance émerge très loin devant les autres, alors qu’un monde multipolaire voit la coexistence de plusieurs puissances. Pour éviter les interprétations subjectives, le calcul de la puissance d'un État est codifié. C'est un agrégat de son Produit Intérieur Brut, de ses dépenses militaires et de sa capacité corrélée à faire la guerre, qui comprend la population totale, la population urbaine, la consommation d'énergie, la production d'acier et de fer, ainsi que les dépenses et les effectifs militaires.

I/ Rappels historiques

Dans l'histoire récente on peut distinguer plusieurs périodes :

 
1870-1872 : Ce qu'on a appelé la « Pax Britannica », mais qui était en fait un monde multipolaire, quadripolaire plus précisément, avec un léger avantage pour la Grande-Bretagne mais trois autres puissances la talonnaient de peu, la France, la Russie et les Etats-Unis.

1950 : Phase 1 de la bipolarité : Où les Etats-Unis et l'Union Soviétique, à peu près sur le même pied, distancent très nettement les autres puissances.

1985 : Phase 2 de la bipolarité : Où les Etats-Unis et l'Union Soviétique distancent toujours les autres puissances, mais où la Chine et le Japon émergent.

1990 à aujourd'hui : Unipolarité : Où les Etats-Unis ont une avance écrasante sur les autres puissances. La Chine et l’Inde émergent, mais les autres puissances sont très largement distancées, et leur poids devient négligeable.

Ce phénomène a plus précisément pris racine en 1989 avec la chute du mur de Berlin. Depuis, les États-Unis apparaissent comme la seule puissance capable d’intervenir partout dans le monde. Malgré un fort endettement, ils ont gardé une grande capacité militaire et ont conservé leurs alliances.

Les États-Unis sont aujourd’hui qualifié de superpuissance. La "guerre du Golfe", de janvier à mars 1991, contre l’Irak illustre ces caractères du nouvel ordre mondial : les Américains n’ont tenu aucun compte des tentatives de médiation de la part de la Russie. La construction européenne quant à elle n’est pas assez avancée pour contrebalancer le poids des Etats-Unis, la crise Yougoslave l’a suffisamment démontré. Le Japon, géant économique, a peu de poids sur le plan politique et encore moins sur le plan militaire.

Cependant, le monde est aujourd’hui interdépendant: l’Amérique s’en aperçoit, constatant par exemple sa faiblesse financière face à une Chine qui possède 30% de ses bons du Trésor, mais aussi sa faiblesse militaire pour régler certaines crises.

La montée en puissance de l’Asie est évidente. Chine et Inde sont aux avant-postes du développement économique et technologique. La Chine fait preuve d’une croissance impressionnante de l’ordre de 6 à 8 % par an. Même si son excédent commercial est important, elle importe de plus en plus de biens de consommation, de matières premières, de céréales, et de pétrole... De plus la Chine, entraîne, par contagion, toute l’Asie du Sud-Est et le Japon.

II/ Les dangers d’un monde multipolaire et les difficultés rencontrées pour y accéder.

Tout d’abord, l’idée d’un monde multipolaire ne fait pas l’unanimité. Ainsi, certains auteurs, américains principalement, font l’apologie d’un monde unipolaire en prétendant qu’il est un facteur de stabilité inégalée.

Les partisans de l’unipolarité, annoncent qu’ils ne voient pas très bien en quoi un monde multipolaire permettrait de contrebalancer et d’équilibrer l’unilatéralisme. En effet, un monde multipolaire peut être unilatéral, et donc instable et dangereux si chacun des pôles décide en fonction de ses seuls intérêts. Autant dire qu’un monde multipolaire, si l’on entend par pôle une entité dotée d’un fort potentiel économique et militaire, n’est pas préférable à un monde unipolaire.  

De plus, les Etats-Unis sont la seule superpuissance et l’Europe n’est pas en mesure actuellement d’assurer seule sa défense, ni de mener à bien une politique de puissance. Cependant les Etats-Unis et l’Europe partagent les mêmes valeurs. Seule la puissance des Etats-Unis, élément moteur de l’Occident, peut permettre une relative stabilité du monde. La conséquence logique de ce constat est que pour la stabilité du monde, et pour que l’Europe continue de jouer un rôle, même par « procuration » sur la scène internationale, il faut que les Etats-Unis restent la seule superpuissance face à ses futurs concurrents potentiels (Chine, Inde…).

Enfin, il convient de noter que même dans les visions les plus optimistes, un monde multipolaire restera  très hiérarchisé. Avec des pôles majeurs (la Triade), des pôles secondaires ou régionaux ( Russie, Chine, Inde, Pakistan, Brésil, Afrique du Sud).

Si la notion de multipolarité ne fait pas l’unanimité cette idée est également difficile à mettre en œuvre.

Tout d’abord, pour y parvenir, il faut l’émergence de super puissances, comme l’Europe ou l’Asie, ce qui est en train de se produire. Cela implique une démographie soutenue en Europe, la constitution d’une Europe forte qui est contrée ouvertement par les Etats-Unis, la nécessité de l’Europe militaire, une augmentation des budgets militaires en Europe, et une croissance des dépenses de recherche.

L'un des principaux éléments d'un monde multipolaire est la démocratisation des relations économiques internationales, et tout d'abord le renoncement à l'utilisation des moyens économiques pour des fins politiques égoïstes. On peut citer comme exemple la loi Helms-Burton qui vise à punir ceux qui coopèrent avec Cuba. Les efforts déployés pour punir les compagnies qui sont liées par des intérêts commerciaux communs avec des partenaires iraniens sont de même nature.  

Pour mettre fin à un monde unipolaire, une réforme des instances internationales comme l’ONU est indispensable. En effet, les Etats-Unis sont souvent critiqués pour avoir aliéné l’ONU.

Les instances internationales se doivent d’être plus écoutées pour respecter au mieux l’intérêt de tous et permettre l’équilibre entre tout les pôles.

Enfin, un monde multipolaire n'est valable que si les pôles peuvent s'équilibrer. Or la situation actuelle vient de prouver qu'un ensemble France-Allemagne-Russie-Chine ne pouvait contrecarrer la volonté des Etats-Unis.

 
 

III/ Pourquoi souhaiter un monde multipolaire ?

Le traitement du 11-Septembre par la diplomatie américaine, et notamment la crise de l'Irak, a conduit à un affaissement des alliances politico-militaires autour des Etats-Unis, et à une crise sérieuse du leadership américain, ce qui rend aujourd'hui l'unipolarité de moins en moins crédible.  

C’est pourquoi la tendance à vouloir constituer l'Europe en opposition aux Etats-Unis se traduit par la thèse de la multipolarité. Face à l'unipolarité du système international en matière de sécurité et de politique, la solution résiderait dans l’instauration de contrepoids qui donneraient sa forme à un monde multipolaire, où les grandes puissances s’équilibreraient mutuellement.

Cette vision du monde fait beaucoup d’émule. Ainsi, le Président Poutine a déclaré que «La Russie préconise la création d'un monde multipolaire, parce que le monde ne peut pas se développer de manière efficace et positive si un seul Etat monopolise les décisions». C’est également la vision du monde promue par J. Chirac.

La Chine aspire aussi à une multipolarité. Ainsi, les présidents russe et chinois ont signé une déclaration commune. Le texte dit : «Aucun pays ne doit rechercher l’hégémonie, pratiquer une politique de puissance ou monopoliser les affaires internationales».

Un monde multipolaire est également le meilleur garde-fou face à la montée des extrémismes. 

De plus, la puissance des Etats-Unis ne peut être ni éternelle, ni source de stabilité à l’avenir. Les Etats-Unis et l’Europe partagent un certains nombres de valeurs, mais avec des différences. Cette dualité devrait aller en s’accentuant à l’avenir. La conséquence est donc que pour survivre et espérer jouer un rôle de "modérateur" dans les relations internationales, l’Europe est condamnée à développer une politique de puissance et devenir l’un des pôles de l’avenir multipolaire du monde.

Il semble donc que le monde ne peut être que multipolaire. La stabilité du monde ne viendra que de la présence de plusieurs pôles de puissance s’équilibrant. Là est l’enjeu d’aujourd’hui, notamment si l’on veut enclencher une dynamique de paix. Cela passe par le respect des différences collectives, sociales, politiques, religieuses, économiques et culturelles.

 
 

Conclusion

Le monde est aujourd’hui unipolaire. Les Etats-Unis sont la seule superpuissance et dominent tous les autres états. L’émergence de nombreux pôles comme l’Asie du sud-est, le Brésil, l’Europe, peuvent modifier la donne mondiale. Néanmoins, un monde multipolaire est perçu par certains comme un danger qui risque de troubler l’ordre mondial. De plus, pour arriver à une multipolarité efficace il est nécessaire qu’un  réel équilibre s’installe entres les différentes nations et que les relations économiques internationales se démocratisent. Cependant cette multipolarité apparaît nécessaire. A la fois pour le développement du monde, la dynamique de paix et pour amener à une plus grande stabilité mondiale. 


  

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