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Des notes au cœur des systèmes financiers mondiaux

Publié le 31 juillet 2007 par Sia Conseil

Acteurs incontournables des marchés financier depuis vingt ans, les CRAs (Credit Rating Agencies) plus connues sous le nom d’agences de notation financière se sont rendues indispensables en proposant un double service : une évaluation de la solvabilité financière des émetteurs de dettes (Etats, collectivités locales, institutions financières, compagnies d'assurances, entreprises) et en participant à l’aide à la décision financière en évaluant les risques des obligations émises.
Ces services, résumés en une note, reflètent à eux seuls l’appréciation d’une agence et de ses analystes et peut provoquer dans le cas d’un « downgrade » ou d’un  « upgrade », d’importantes répercutions sur les coûts d’emprunts, de refinancement ou sur le cours de bourse d’une entreprise. 

Le processus de notation

Apparue aux Etats-Unis, la notation financière s’est développée de manière exponentielle à cause de l’internationalisation des marchés. La notation est un service facturé par l’agence à l’émetteur et permet aux investisseurs de comparer la situation financière de deux secteurs, de faciliter l’accès d’un marché étranger et de juger rapidement de la situation financière globale d’une entreprise. Cette note constitue un indicateur de risque de défaut qui vient en complément des analyses provenant des cabinets d’audit et des analystes des banques d’investissement. Elle permet à la structure émettrice de négocier ses taux d’intérêts pour son financement bancaire ou ses émissions d’obligations.

Malgré des clients et des investisseurs communs, le système de notation n’est pas uniforme entre chaque agence même si une harmonisation a souvent été évoquée. Chaque agence possède donc son propre système de notation qui distingue principalement les dettes long terme et court terme, et les divise en plusieurs strates qui permettent de différencier la catégorie investissement (High Grade) de la catégorie spéculative (Speculative Grade) cette dernière s’adressant principalement aux investisseurs recherchant un haut niveau de rendement.

Les limites de la notation

Le marché de la notation financière est sujet depuis quelques années à de nombreuses critiques. En effet, ce sont les émetteurs qui rémunèrent les agences mettant en doute l’indépendance de celles-ci. Comment rester neutre sachant que l’émetteur n’a besoin que d’une seule note ? Il aura donc tendance à rémunérer l’agence lui attribuant la meilleure note. Les multiples critères d’analyse ne sont, pour des raisons évidentes de confidentialité, jamais dévoilées ce qui augmente un peu plus l’opacité du processus de notation qui peut être conditionné à l’achat de services annexes couramment appelé « notching ».

En se focalisant sur le secteur des établissements de crédits français, le tableau ci-dessous qui récapitule la notation des principaux acteurs laisse apparaitre une forte tendance à l’alignement des notations (tous ces établissements se situent dans les cinq premières strates). Cette convergence rend délicat le choix d’investisseurs qui peuvent estimer ne plus avoir à disposition une échelle de notation proportionnelle aux risques encourus.

Les trois leaders sur le marché de la notation financière sont aujourd’hui : Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings. Ce quasi monopole (Moody ’s et S&P détiennent 80% de parts de marché) fait dire aux organisations internationales et aux régulateurs, que le marché est cloisonné et anticoncurrentiel. De plus, on peut constater depuis une vingtaine d’années l’éviction des firmes de plus petites tailles (IBCA, ADEF, Duff & Phelps), surtout via des processus de fusions-acquisitions ce qui peut, à terme, devenir un frein à l’impartialité et à l’innovation.

Un code de bonne conduite pour une autorégulation

Un contexte post « Enron, World Com et Parmalat » ainsi que l’existence d’un marché prospère et oligopolistique a fortement obligé l’OICV[1] à réagir sur les limites des agences de notation à travers la publication d’un code de bonne conduite « IOSCO CRA code »[2]. Le CESR[3] a quant à lui plaidé en faveur d’une autorégulation sous surveillance suite à quoi les agences de notation ont manifesté leur volonté de collaborer.

En janvier 2006, la commission européenne a jugé la mise en place d’un cadre réglementaire destiné à encadrer les activités des agences de notation superflue, et à donc demandé officiellement en mai 2006 au CESR de réaliser un bilan annuel sur la prise en compte par les agences de notation des principes édictés par l’OICV (qualité et intégrité du processus de notation, indépendance et  prévention des conflits d’intérêts, transparence et pertinence des notes, confidentialité des informations).

Aux Etats-Unis, c’est la SEC qui accrédite les agences de notation pouvant noter les émetteurs, d’un statut particulier, le NRSRO[4]. Celui-ci est aujourd’hui détenu par les cinq principales agences de notation qui représentent 98% du marché américain. Les deux nouveaux challengers ont pu obtenir ce statut, prélude à toute tentative d’internationalisation, en 2003 pour le canadien DBRS (Dominion Bond Rating Services) et en 2005 pour l’américain A.M Best, qui s’est spécialisé dans la notation des sociétés d’assurance. 

L’innovation dans la notation

Cette demande d’autorégulation a poussé les agences de notation en une refonte de leurs pratiques au niveau méthodologique et déontologique. En effet, des approches trop quantitatives et souvent opaques ont abouti à de « très bonnes » notations d’acteurs financiers aux risques dissimulés, ou ayant émis des obligations de type « financements structurés » en dépit des risques liés à la nature même de ces produits.

Ainsi en mars 2007, Moody’s a revu sa méthode de notation des institutions bancaires en réduisant la prise en compte du soutien de l'Etat ou des autorités de tutelle afin d'éviter de masquer le risque de crédit intrinsèque à chaque banque. En juin de la même année, S&P a révisé ses critères d'appréciation des véhicules de titrisation des financements à effet de levier afin de prendre en compte les contrats de prêts ayant des clauses de protection très allégées appelées « cov-lite ».

Le 25 juin 2007, la commission bancaire française a rendu public[5] la liste des OEEC[6] qui distingue sept acteurs : la banque de France, la Coface, DBRS, Fitch Ratings, Moody’s, S&P et Japan Credit Agency. Ce statut, permet aux établissements de crédit d’utiliser  les notations des ECAIs[7] précédemment cités pour la France afin de déterminer les exigences en capital réglementaire qui découle de la réglementation Bâle 2.
Le marché de la notation financière est donc en pleine mutation au vu des innovations internes, des nouvelles réglementations et des craintes des investisseurs. Ce phénomène cache de nouveaux acteurs qui se focalisent sur des objectifs différents : Vigeo, Innovest ou BMJ Ratings pour la notation sociale et environnementale, MorningStar pour les fonds, ou la COFACE pour l’assurance crédit et l’affacturage…

Sia Conseil


[1] Organisation Internationale des Commissions de Valeurs qui regroupe les principaux régulateurs des bourses du monde y compris la SEC (Securities and Exchange Commissions) et l’AMF (Autorité des Marchés Financiers) et a, entre autres, pour objectif la protection des investisseurs, le renforcement de l’efficacité et de la transparence des marchés de valeurs mobilières ainsi que la simplification de la coopération entre régulateurs
[2]
http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD173.pdf
[3] Commitee of European Securities Regulators
[4]
 Nationally Recognized Statistical Rating Organization
[5]
http://www.banque-france.fr/fr/supervi/supervi_banc/communiq/20070625.htm
[6] Organisme Externe d’Evaluation du Crédit
[7]
 External Credit Assessment Institutions

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