Connaît-on la chanson ?

Mes lectures du moment ne sont ni des livres, ni des médias. Ce sont des chansons.
J'écoute, je regarde. Ces mots-là parlent et montrent. En fermant les yeux, on imagine assez bien l'index tendu qui indique la direction. GPS des cordes.
Mes chansons du moment me conduisent dans des pays immenses et je m'y baigne dans une mer parfaite. J'avais délaissé la chanson française, ces derniers mois. Elle m'est revenue en force au sortir du concert de Alain Bashung.
Sur le coup, et quelques jours après, je ne pensais qu'être sous le coup de l'émotion phénoménale jaillie de cette messe. Car c'est bien à une messe que j'ai assisté, une grand-messe, sans Dieu ni apôtres mais avec communion et cette image gravée depuis dans ma tête : cet homme sous son chapeau qui attire à lui toute une chambrée avec ses seules mains tendues, crochues parfois. Cet homme qui décoche des phrases et qui dit tellement de choses en plus et sans mot dire. Cet homme aux portes de la mort ivre de vie et qui est venu transmettre cela.
Les mots des autres, je les fais miens, petit à petit, prenant des bribes ici et là, retenant des formules, opinant lorsqu'au détour d'une phrase, d'un refrain, d'un couplet, je me dis que c'est ça, exactement ça. Ne notant rien. Retenant tout. Je me nourris.
Je suis très impressionné par certains textes, écrits il y a longtemps et d'une force extraordinaire actuellement.
On vend même de la musique, chantent les Têtes Raides dans Gino. La poésie se vend comme un paquet de viandes, dit Ferré. Thiéfaine évoque Les dingues et les paumés qui se greffent un pavé à la place du cerveau. Couture parle des peurs et de la parano ambiante. Le Forestier évoque les jours meilleurs et Cabrel les cardinaux en costume qui voient le monde à travers leurs vitres teintées.
Les artistes ont su garder ce fabuleux pouvoir de ressentir et de dire, ont su creuser leur sillon pour trouver leur propre langage et nous offrir cela en partage.
Pourquoi les entendons-nous si peu ? Pourquoi les entendons nous si mal ? Pourquoi les entendons nous si tard ?