Plus je découvre ce qui se passe dans le système de santé, plus je suis convaincu que tous les problèmes découlent simplement d'une mauvaise gestion.
Dans son texte, Benoît Aubin nous apprends qu'en 2006 le personnel infirmier a cumulé 143 800 heures d'absence et fait 83 480 heures de temps supplémentaire. Donc, en contrôlant les absences il serait possible d'éliminer le temps supplémentaire. De plus, une étude récente de l'IÉDM démontre clairement que l'organisation inadéquate du travail et le manque de flexibilité des organismes publics de santé sont la source du manque de personnel infirmier.
Ces données semblent donner raison aux défenseurs du système public qui prétendent qu'il est possible de l'améliorer sans faire appel au privé. Toutefois, cela fait plus de vingt ans que l'on nous sert cet argument. Pourtant, malgré les milliards additionnels, le système continu à se détériorer.
Pourquoi?
Simplement parce que le système est un monstre ingérable. Même si en théorie il serait possible d'améliorer l'efficacité du système, en pratique, à quelques exceptions près, cela s'avère impossible.
Des conventions collectives anachroniques et rigides, une bureaucratie hautaine et déconnectée, l'interférence politique à des fins électoralistes sont tous des éléments qui empêchent les intervenants de première ligne de s'organiser librement et efficacement. Seul une menace réelle et permanente peut amener les groupes d'intérêt impliqués à accepter les changements nécessaires à l'amélioration de l'efficacité du système.
Cette menace, c'est le privé.
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Catch 22 à l'hôpital
Benoît Aubin
Le Journal de Montréal, 29/10/2008 07h00
Catch 22, le titre d'un roman-culte des années 1960, est devenu un synonyme pour : le cercle vicieux absurde.
Il raconte l'histoire d'un aviateur américain basé en Europe qui essaie de se faire passer pour un fou, pour éviter d'aller se battre. Mais l'article 22 du règlement de son escadrille dit : "Un gars qui refuse d'aller se battre n'est pas un fou."
Ceci nous amène directement au cercle vicieux du monde de la santé que débusque Gabrielle Duchaine, dans une série de reportages qui se poursuit demain.
Dans notre système de santé dysfonctionnel, des infirmières, qualifiées, et de bonne volonté, mettent parfois la santé, sinon la vie de patients, en danger parce qu'elles sont surmenées.
Elles sont souvent sollicitées, et régulièrement même obligées, de faire un nombre croissant d'heures supplémentaires de travail. La charge d'heures supplémentaires imposée à chacun a explosé pour atteindre des proportions qui seraient ridicules, si elles n'étaient pas tragiques.
Au Centre hospitalier de Sherbrooke, par exemple, le personnel infirmier a travaillé 83480 heures supplémentaires en 2006 - l'équivalent de 42 emplois à temps plein, à raison de 40 heures par semaine, 50 semaines par année.
Le catch 22, ici, c'est que cet important surmenage a des effets néfastes non seulement sur la santé et le bien-être des patients, mais aussi sur ceux du personnel hospitalier. Parce qu'ils sont surmenés et travaillent dans des conditions parfois éprouvantes, plusieurs employés tombent malades ou se déclarent malades -par crainte de se faire imposer des heures supplémentaires s'ils vont au travail - pour remplacer les cas de burn-out !
Ainsi, au CHU Sherbrooke, les 83 480 heures supplémentaires sont accompagnées de 143 800 heures d'absentéisme, l'équivalent de 71 postes.
Voici le cercle vicieux administratif dans toute sa splendeur: le recours excessif aux heures supplémentaires provoque maladie, absentéisme et dépassements de coûts. Les dépassements mènent à des abolitions de postes, qui amplifient la demande d'heures supplémentaires créée par l'absentéisme et le surmenage...
PLUSIEURS RESPONSABLES
Voilà des informations utiles à retenir à la veille d'une campagne électorale - au cas où les libéraux voudraient nous dire que les problèmes de la santé sont en voie de règlement. Ou au cas où le PQ aurait oublié qui a instauré toutes ces coupes, la source du problème, dans les années 1990.
Gabrielle Duchaine nous montrera demain des exemples de centres hospitaliers qui ont réussi mieux que d'autres à gérer ce problème d'heures supplémentaires, la preuve que des gestionnaires astucieux et motivés peuvent encore faire la différence.
Mais le diagnostic du système de santé est bien connu. Des conventions collectives rigides et étouffantes, qui ont empiété sur les prérogatives des gestionnaires. Des gestionnaires souvent moyens, dépassés par l'ampleur de la tâche, ou qui ont abdiqué. L'inefficacité bien documentée des bureaucraties, et celle des monopoles.
Les problèmes sont trop compliqués pour qu'on puisse montrer du doigt un seul responsable. Et comme l'ont démontré une succession de commissions d'étude, il n'y a pas de solution simple à portée de la main non plus.
C'est l'ensemble qui est déficient. Le Système quoi - qu'on appelle, par ici, le modèle québécois.