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A quoi joue la FED ?

Publié le 23 novembre 2008 par Objectifliberte

A quoi joue la FED ? J'avoue avoir été pas mal perplexe lorsque j'ai vu cette courbe éditée par la FED de Saint-Louis sur le niveau de la base monétaire (en gros, les liquidités en circulation) aux USA:

A quoi joue la FED ?
source: FED St-Louis

Non, ce n'est pas une courbe de réchauffement climatique trafiquée par le GIEC ! Entre le 10 septembre et le 5 novembre, la base monétaire est passée de 873 milliards à 1265 Milliards. En à peine deux mois, 44% d'augmentation !

Voilà qui tendrait à accréditer une menace inflationniste, non ?

Mais en ce moment, de nombreux économistes n'ont que le mot déflation à la bouche: en cause, le deleveraging des banques qui va réduire le crédit donc l'émission monétaire des banques. Il est vrai que la base monétaire n'est qu'une petite partie des masses monétaires en circulation. Alors, qui croire ?

Ajoutons que à l'heure ou j'écris ces lignes, je n'ai pas trouvé de graphe similaire pour la zone Euro. Sur le site de l'ECB, les données sur la base monétaire s'arrêtent en septembre, juste avant le gros de la crise. En septembre, les chiffres de la masse monétaire de la BCE étaient stables... Comme ceux de la FED !

Certains observateurs parient sur la résurgence d'une hyper-inflation: une telle innondation de liquidités ne peut qu'à long terme provoquer une forte hausse des prix. C'est l'avis de Pierre Leconte, analyste économique suisse (et "autrichien" d'esprit), qui se montre plus que pessimiste, dans cette analyse pour "le temps":

"En choisissant de faire exploser les déficits publics et de détruire la crédibilité des bilans des banques centrales, par la fourniture illimitée de liquidités aux banques et entreprises et la reprise inconditionnelle de leurs produits toxiques, les mêmes pouvoirs publics ont accéléré le processus de destruction des monnaies de papier fiduciaires les unes après les autres. Ce qui nourrit déjà la prochaine crise, laquelle se traduira par l'effondrement des obligations d'Etat dans le contexte de l'hyperinflation qui ne manquera pas de se développer prochainement lorsque les centaines de milliards de dollars distribués par les pouvoirs publics à des taux d'intérêt voisins de zéro cesseront d'être thésaurisés et se mettront à circuler dans le système économique."

Je tends à partager au moins en partie son pessimisme. Même si je pars d'un raisonnement micro-économique, j'arrive à la même conclusion: tout taux d'intérêt artificiellement bas, qui ne reflète pas réellement la couverture de la prise de risque du prêteur de ne pas voir son argent revenir, porte en germe le risque de mise en circulation excessive de liquidités sans création de contrepartie en valeur, donc d'inflation monétaire. Si l'attentisme actuel des agents économiques donne l'illusion que l'inflation s'éloigne, toutes ces liquidités sans contrepartie vont bien finir par revenir dans le circuit.

Loïc Abadie -- The Tropical Bear -- se montre plus circonspect et croit au contraire dans une longue période déflationniste : Selon lui, en ces temps d'incertitudes économiques, les emprunteurs ne sont pas intéressés par l'endettement, et les banques vont thésauriser les masses de liquidités injectées par la FED, tout en améliorant leurs ratio bilan/fonds propres: la chute de la quantité de crédit sera donc supérieure à l'injection de liquidités.

La politique de "quantitative easing" (c'est le nom doux qu'on donne à "la planche à billets") de la FED n'aura qu'un effet très limité sur le crédit, et n'aboutira qu'à soutenir artificiellement les banques les plus médiocres, au détriment des banques les plus performantes. Cette politique a lamentablement échoué au Japon, comme l'a écrit... La FED en 2006. Faut il voir dans ce revirement un signe supplémentaire que Bernanke, sous la pression, a perdu les pédales ? Voici la conclusion de l'ours des tropiques:

"Voici le bilan de la FED depuis le début 2008 :

A quoi joue la FED ?

Nous voyons très bien la politique de gonflement très important du bilan de la FED depuis 2 mois (celui ci est passé de 900 à 2200 milliards de $).

Si on se reporte à l'expérience japonaise, il y a encore de la marge, vu que la banque centrale du Japon avait à l'époque "grossi" son bilan jusqu'à 30% du PIB. Pour la FED cela correspondrait à un bilan d'environ 4500 milliards de $.

Qu'est ce que le "quantitative easing" japonais a produit comme résultats ?

Pas grand chose si l'on en croit un article ...de la réserve fédérale, à une époque (en 2006) où elle n'imaginait pas se lancer un jour dans ce type de politique. (lien)

(...)

En clair : le quantitative easing n'a pas été efficace en matière de relance du crédit, et a surtout servi à soutenir les banques les plus mauvaises (donc à retarder les réformes structurelles indispensables). Avec 2 ans de recul supplémentaires, nous constatons que le Japon est en train de replonger dans la récession et que la menace de déflation y est plus présente que jamais.

(...)

Nous avons confirmation (pour ceux qui en doutaient) que la FED est bien en train de tenter (à mon avis sans aucun espoir de réussite) de lutter, comme le Japon l'a fait, contre la déflation naissante via la politique de quantitative easing, et reconnaît donc plus que jamais la réalité de cette menace.

L'expérience japonaise de 2001-2005 a montré que l'inflation et la croissance n'avaient pas été relancées de façon significative par cette politique. Ce qui est logique : en l'absence d'emprunteur intéressé, le crédit ne repart pas même si les liquidités sont abondantes. La petite reprise de l'économie japonaise après 2003 doit bien plus à la conjoncture mondiale qu'à la politique monétaire (le Japon étant de nouveau en récession depuis 2008).

La croissance ne se décrète pas par du "pilotage monétaire" ou de la "stimulation de consommateurs"... Pour cela il faut travailler et produire, c'est tout."

Bref, entre risque d'inflation et risque de déflation, bien malin celui qui peut prévoir l'avenir au delà de quelques jours. J'aurais plutôt tendance à parier, avec un risque d'erreur certain, sur une reprise forte de l'inflation sous quelques mois, au pire un an ou deux, car ce sera le seul moyen pour les états d'apurer leurs abyssales dettes, en massacrant le pouvoir d'achat de leurs populations, mais en évitant la banqueroute, ce qui menacerait gravement leur capacité à maintenir l'ordre public et la démocratie. En espérant me tromper.

Ce qui est certain, c'est que les manipulations monétaires auxquelles nous assistons ne sont que de mauvais cautères sur une jambe de bois, et qu'elles ne seront d'aucun effet pour créer de la richesse durable. Tout porte à croire que les appels à la mise en oeuvre de politiques favorables à la croissance par formation de capital sain ne seront pas entendus.

Ce qui me fait le plus enrager, c'est que le microcosme politico-médiatique désignera le "grand méchant marché ultra libéral" comme coupable du marasme à venir, et qu'il n'y a nulle part où se réfugier pour éviter la tempête.

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