Pendant des années, je n'ai pas été capable d'évaluer pleinement les conséquences de mes achats. Il semble que j'aie contribué sans le savoir à la lente extinction des orangs-outangs d'Indonésie et au déboisement des forêts humides dans le monde.
Comment ? En me lavant les mains de la situation... littéralement. L'huile de palme, l'un des principaux ingrédients du savon, est souvent transigée sur le marché des denrées, d'après Shelley Simmons, porte-parole de Body Shop. Il est ainsi impossible de retracer les origines de cet ingrédient, et trop souvent des forêts de grande valeur en Indonésie et en Malaisie sont incendiées et détruites lors de la récolte des palmiers.
«La confection d'huile de palme entraîne la destruction des habitats des orangs-outangs, qui sont au bord de l'extinction», explique Mme Simmons. Body Shop pour sa part, s'approvisionne en huile de palme pour ses savons - l'entreprise écoule 14 millions de savons par année, ce qui en fait le produit le plus vendu -dans des fermes familiales colombiennes, qui respectent les règles strictes édictées par la Table ronde sur l'huile de palme durable.
BODY SHOP
En collaboration avec des organisations non gouvernementales (ONG), Body Shop a mis sur pied cette table ronde afin de trouver une solution à ce problème. «De cette manière, nous savons que les arbres seront replantés et que les forêts continueront à croître», affirme Mme Simmons.
Après de modestes débuts, la chaîne de magasins Body Shop est devenue une marque de commerce reconnue internationalement, avec 2 265 boutiques à travers le monde. Sa fondatrice, Anita Roddick, avait une simple vision il y a 32 ans, lorsqu'elle a ouvert son premier magasin dans la ville côtière de Brighton, en Angleterre -bien avant que le documentaire Une vérité qui dérange n'ait médiatisé le problème du réchauffement climatique planétaire.
L'écologiste voulait que les femmes retournent à la terre pour leurs soins de beauté et tenait à leur procurer un moyen socialement responsable de le faire, d'après Mme Simmons. Aujourd'hui, le programme de commerce équitable de la compagnie, qui s'approvisionne en ingrédients de façon respectueuse chez ses fournisseurs, remplit en grande partie de ce mandat.
ZAMBIE
Une coopérative de Zambie, par exemple, fournit à la compagnie du miel organique pour ses shampoings au miel, qui agissent comme un baume hydratant pour les cheveux secs. Les apiculteurs locaux recréent l'habitat naturel des abeilles en sculptant des ruches dans des troncs d'arbre. Puis, ils les placent au sommet de l'arbre, hors de la portée des importuns. Les abeilles peuvent donc faire leur travail en toute tranquillité.
«C'est une très belle méthode... Vous pouvez voir les apiculteurs grimper au sommet de l'arbre, mettre leurs mains dans la ruche et en ressortir avec le miel. Ils en laissent un peu pour les abeilles, en mettent dans leur seau et redescendent de l'arbre», relate Mme Simmons.
De façon similaire, une coopérative de 400 femmes en Namibie fournit la compagnie en huile de marula. Les femmes récoltent les noix de marula, recherchées pour leurs propriétés hydratantes, et traitent l'huile qui servira à faire de l'ombre à paupière. L'entreprise a vu le jour il y a 10 ans.
Aujourd'hui, la coopérative a grandi et rassemble maintenant une petite armée de 5 000 employées. Elle a également inauguré une nouvelle usine. Les dirigeants de l'entreprise savent combien d'huile Body Shop achètera durant l'année suivante et ils planifient leur production en conséquence. Ils sont heureux d'être en mesure prévoir leurs activités et leurs revenus, ce qui leur permet de se bâtir un avenir.
Mais en dehors de ces pratiques socialement responsables, certains s'inquiètent du rachat de la firme en 2006 par le géant des cosmétiques L'Oréal, qui risque d'affaiblir les valeurs de Body Shop.
Dans un Rapport sur les valeurs de l'entreprise datant de 2007, un groupe d'actionnaires composés d'ONG telles Greenpeace ou Oxfam a remis en cause le parcours de la société, affirmant qu'elle avait délaissé l'environnement et qu'elle tentait maintenant de se rattraper.
Ce rapport a été diffusé sur Internet par la compagnie, en vertu de ses engagements de transparence, selon Mme Simmons.
RÉCUPÉRATION
L'augmentation de 30 % à 100 % du nombre de bouteilles de plastique récupérées d'ici 2010 et l'utilisation de sacs en plastique biodégradables comptent parmi les objectifs de Body Shop. Cependant, le groupe d'actionnaires a appelé à un retour aux principes de base énoncés par Anita Roddick.
PLAINTES
«Dans certaines régions où la compagnie était en tête, nous nous sommes rendu compte qu'elle arrivait maintenant derrière d'autres entreprises équitables, particulièrement en matière d'environnement», écrivent-ils.
C'est une remarque que la compagnie a déjà entendue en prenant connaissance des plaintes de ses clients, signale Mme Simmons. «Nous continuons à nous informer des préoccupations de nos clients et à y répondre», ajoute-t-elle.
Comme toutes les autres entreprises qui doivent concilier profits et engagements éthiques, Body Shop tente de déterminer la mince frontière entre ces deux objectifs. Mais avec une compagnie multinationale comme L'Oréal à la barre, ce sera plutôt aux consommateurs de décider s'ils veulent que l'une des plus anciennes et des plus prospères compagnies de produits durables demeure responsable et aussi fidèle que possible à sa vision originale.
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Photo : Les noix de marula contiennent des huiles hydratantes utilisées dans la fabrication des ombres à paupières.
© Courtoisie de Body Shop