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Bilan des élections américaines : “John McCain avait le meilleur programme, mais il a été incapable de le diffuser” - 2/2

Publié le 25 novembre 2008 par Delits

Suite et fin de l’interview que nous a accordé Pierre Toullec, membre du comité John McCain France, sur l’élection présidentielle américaine, et notamment sur les perceptions de l’opinion française par rapport aux candidats Obama et McCain.

Délits d’Opinion : Quel est votre sentiment sur la façon dont les trajectoires qu’ont connu les deux candidats dans cette campagne (thèmes abordés, programme de campagne, gestion des évènements, boulettes, modes de communication…) ?

Pierre Toullec : Il y a ici beaucoup à dire. Tout d’abord à propos du candidat qui a emporté l’élection : Barack Obama a conduit une très bonne campagne. Peu d’erreurs ou de gaffes de sa part. La seule erreur aura été de prendre Joe Biden pour la Vice-Présidence, qui, de son côté, a enchainé les gaffes orales. En dehors de cela, d’un point de vue strictement électoral, sa campagne restera un modèle du genre. Dans le même temps, elle restera sûrement aussi la plus vide que les Etats-Unis aient connue depuis longtemps. Pas de programme, peu de solutions apportées sur les sujets majeurs, et lorsque des solutions ont été apportées, Barack Obama s’est contredit à plusieurs reprises (Irak, Iran, Impôts, Commerce international, valeurs, etc…).

A l’inverse, la campagne de John McCain sera vue comme celle qu’il ne faut pas faire : le modèle même d’une campagne qui ne peut que vous conduire à la défaite. L’organisation sur le terrain était quasiment absente. Elle était en réalité recréée par les militants eux-mêmes, mais rien ne venait de la tête. Les interactions nécessaires n’étaient pas présentes, ou peu efficaces. Le message était dilué, et bien que cohérent, la manière dont il était exprimé a fait que les Américains ne l’ont pas entendu. En fait, John McCain avait le meilleur programme, mais il a été incapable de le diffuser.

DO : Quel est votre bilan sur le rôle de Sarah Palin ? Les dernières révélations sur les conflits internes au sujet du rôle de la colistière sont-ils révélateurs d’une erreur de casting ou d’un manque d’unité au sein des républicains ?

Pierre Toullec : Je me suis longtemps fait l’avocat de Sarah Palin en France tout au long de cette campagne. Cependant, il est vrai que les informations commencent à sortir maintenant que la défaite est arrivée. Et il semble que Sarah Palin ait effectivement pu nuire à la campagne de John McCain. Cependant, toute l’histoire n’est pas encore sortie. Ne jugeons pas trop vite.

En revanche, le traitement de Sarah Palin par les médias américains et français a été honteux. Il est aujourd’hui prouvé que tous les procès d’intentions, voire les vrais procès juridiques, intentés contre elle ont été des constructions médiatiques sans fondement. Ainsi le procès contre elle qui l’accusait d’avoir réalisé un abus de pouvoir en Alaska pour licencier un fonctionnaire s’est révélé faux. Elle a été blanchie le lendemain de l’élection. Et hélas, il est à craindre que dans cette affaire, le calendrier ne soit pas innocent.

DO : Quelles différences avez-vous pu observer sur les méthodes de communication entre les deux candidats ? Et entre une campagne américaine et une campagne française ? 

Pierre Toullec : La campagne de Barack Obama a été un succès et restera comme un modèle pour les années à venir. Celle de John McCain comme un échec complet, qui est venu notamment du fait que McCain n’a pas repris les méthodes qui ont mené George W Bush deux fois au succès.

En France, 2007 a montré le chemin vers une nouvelle campagne. Mais en fait, d’un point de vue des méthodes de communications, la campagne française de 2007 a plus ressemblé à la campagne américaine de 2000. Concrètement, en France, nous avons huit ans de retard sur les américains en terme de communication politique.

DO : Etre pro-MC Cain en France : un sacerdoce ?

Pierre Toullec : A priori, ce pari de soutenir John McCain semblait gigantesque. Nous nous demandions comment nous parviendrions à faire passer notre message. Puis, au fil des semaines, nous nous sommes rendu compte que ce n’était pas aussi difficile que cela. Pour une raison simple : nous avions les faits de notre côté, le programme le plus structuré et un candidat opposé, Barack Obama, réellement difficile à défendre si l’on prend son programme et les faits dans le détail. Le problème pour John McCain est que cette campagne s’est réalisée sur l’image, et non sur les faits.

Sur les difficultés, la principale aura été de faire passer notre message sans être caricaturés. Les faits ont été ce qui a conduit toute notre campagne. Et il me semble aujourd’hui que cela nous a permis de faire passer notre discours tel que nous le souhaitions.

DO : Comment êtes vous arrivé à développer ce mouvement en France ?

Pierre Toullec : Il y avait une demande évidente. Les Français n’étaient pas autant pro-Obama que l’ont affirmé les médias. En réalité, 38% des Français soutenaient Obama, 7% soutenaient John McCain, et 55% n’avaient pas d’opinion selon les sondages. Les médias ont choisi de ne pas préciser que 55% des Français n’ont pas d’opinion, ce qui faussait totalement les chiffres. Les soutiens de McCain se sont parfaitement rendu compte de cette réalité et de la démagogie des médias. Les militants de droite ont tout simplement été scandalisés par la déformation et la démagogie ambiante. Cela les a encouragé à agir en nombre.

DO : Entretenez-vous des relations avec des associations pro MC Cain dans d’autres pays (et notamment aux Etas-Unis ) ?

Pierre Toullec : Oui, nous travaillions directement avec l’équipe de John McCain. Cependant, cela a été une preuve supplémentaire du manque d’organisation de l’équipe de McCain. L’action a été très mal coordonnée à l’international, permettant aux Démocrates de récupérer bien plus de voix à l’étranger que les Républicains. Pourtant, en 2000 et 2004, George Bush était celui qui avait recueillit le plus de voix de la part des Américains vivant à l’étranger. Enfin, je suis aujourd’hui incapable de vous dire quelles ont été les actions menées en Europe à l’exception de l’Angleterre, de l’Allemagne et de l’Espagne. Mais cela n’était du qu’à des liens directs que j’ai du me créer moi-même pour avoir ces informations. En 2004, la situation n’était en rien si chaotique. Cela n’est qu’une preuve supplémentaire que la victoire de Barack Obama a été permise par l’incapacité de John McCain à mener efficacement une campagne politique.

Propos recueillis par Olivier pour Délits d’Opinion


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