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L'impossible mission de dissuasion militaire dans un océan Indien livré aux pirates

Publié le 26 novembre 2008 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

Une dizaine de navires entre les mains des pirates, 2 millions de kilomètres carrés de mer à surveiller au large d'une côte livrée au chaos, cent trente-trois attaques recensées depuis janvier, trente-neuf piratages effectifs... Le vice-amiral Gérard Valin, commandant les forces françaises dans l'océan Indien, se demande comment gagner la bataille contre les pirates somaliens. "Ils ont des lance-roquettes, des GPS, des téléphones satellite. Ils connaissent nos méthodes, les règlements internationaux. Ce ne sont pas des amateurs", constate-t-il, lundi 24 novembre, à quelques heures du départ de la frégate de surveillance Nivôse. Le bâtiment français escortera deux navires dans le golfe d'Aden.

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"Désormais, il n'existe plus de zone sûre, assure le vice-amiral. On ne peut pas sécuriser ce secteur, il est trop vaste, il n'existe pas de bouclier parfait. Donc, les pirates vont continuer..." Et depuis la fin de la mousson, ils semblent s'enhardir. En témoigne l'arraisonnement, mi-novembre, du supertanker saoudien Sirius-Star. Du jamais-vu dans les annales de la piraterie.


"Les pirates sont entre 400 et 500 et ils font du business, c'est clair", affirme Gérard Valin. Aucun lien, assure le responsable militaire, n'a été établi avec des réseaux terroristes. Certains groupes islamistes somaliens verraient d'ailleurs d'un mauvais oeil ces actes de piraterie qui ne financeraient pas la nébuleuse Al-Qaida, croit savoir le vice-amiral. "En revanche, ajoute-t-il, on sait qu'ils blanchissent l'argent des rançons, souvent dans les Emirats."

Quatre navires militaires français sont disposés au long du rail océanique où défilent 16.000 bateaux chaque année. Mais cette présence couvre à peine 4% de la zone dangereuse. Autant dire que, pour les forces françaises présentes à Djibouti, la seule méthode valable demeure l'escorte de navires commerciaux, bien plus que la patrouille au hasard. Signe de l'insécurité croissante, les autorités françaises ont reçu plus de 200 demandes d'escorte. Une dizaine de commandos français montent à bord des navires escortés afin de les sécuriser, mais les effectifs restent limités. En outre, il est compliqué de différencier barques de pêcheurs et embarcations pirates, et la réglementation internationale autorise la détention d'armes en haute mer.

La marge de manœuvre des militaires demeure donc étroite. Ils ne peuvent qu'intervenir a posteriori, comme lors de la prise d'assaut du voilier français Carré-d'As, le 16 septembre, qui se solda par un mort chez les pirates. "A chaque fois qu'on fait des morts, on fabrique des pirates ou des terroristes, avertit le vice-amiral Valin. On ne tue pas des criminels, on doit les attraper pour les remettre à la justice."

Et s'il n'y avait que les navires commerciaux ! Ces jours-ci, par exemple, six voiliers, dont certains français, viennent d'arriver à Aden, au Yémen. Ils ont fait part de leur intention de traverser la zone dangereuse. "Ce sont des proies faciles pour les pirates, je l'ai dit aux skippers. Se jeter ainsi dans la gueule du loup, cela devient de la folie", tempête le responsable militaire. Ces voiliers devaient quitter Aden la semaine prochaine. Les militaires estiment que les opérations menées contre les pirates du Ponant, en avril, et du Carré d'As ont un peu dissuadé les assaillants de s'en prendre aux bateaux battant pavillon français. "On a remarqué qu'ils hésitaient, au moment de s'en prendre à des objectifs français. Tant mieux", indique le vice-amiral Valin.

La mise en place, début décembre, de l'opération européenne "Atalanta" devrait soulager les efforts français. Mais ce n'est pas une solution miracle. Pour améliorer les choses, le vice-amiral Valin fait une proposition "personnelle" : interdire la détention d'armes sur les bateaux croisant dans le golfe d'Aden. En attendant, le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer sur le renouvellement de la résolution 1816, adoptée début juin pour renforcer l'action internationale contre les pirates somaliens. Le texte expire le 2 décembre.

Source du texte : LE MONDE.FR


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