Ce billet est un complément du précédent.
ELLE avait peut-être comme toi écouté et cru fortement pendant trop longtemps des hommes et des femmes enfermés dans leur étroit univers trop sûrs de leur supériorité à l’autre, et qui n’avaient souvent comme richesse que cette GROSSE CHIMERE.
Ce qu’on avait fait croire à ELLE pendant trop longtemps s’effondra brutalement avec ces évènements de Mauritanie auxquels tu as fait allusion. Elle eut un gros doute le jour où les siens furent une cible, et qu’elle réalisa plus tard beaucoup d’autres choses qui n’étaient que des mots pour elle.
Un jour, ELLE illustra ce profond trouble par cette petite provocation : «peut-être bien que les Blancs nous sont supérieurs puisqu’ils nous ont vendus et colonisés. » Toi, tu n’as pas eu de doute. Tu t’es dressée, très choquée, tu lui as répondu sans concession : « Peut-être qu’ils sont supérieurs à toi, moi, c’est NON !! ».
Si cette réponse la rassura, elle ne lui suffisait pas. Il lui a fallu du temps pour restaurer certaines convictions ou se débarrasser de certains préjugés, bien qu’ancrés. Tu ne voulais pas abandonner ce qu’on t’a inculquée, tu tenais à cet univers de douceur que génèrent les peluches. Celle qu’on pourrait prendre pour une conservatrice, tenait à garder l’oreiller remplis de duvets si doux pour sa tête et son âme. Même si c’est sans mondanités ni extravagances. (pas de griots ni autres tintamares).
Tu as si bien entretenue cet univers qu’on t’a souvent répété que son budget additionné aux sommes données par « solidarité », auraient pu te servir à acheter des villas. (Thiello n’avait donc pas tort en te disant qu’heureusement tu n’as pas poursuivi tes études en pharmacie, « toi qui est parente avec tout le Fouta, ta pharmacie n’aurait pas tenue 2 jours ».. concluait-il.) Bref.
L’image de Tante Kardietou Alpha Ba qui avait une très haute estime d’elle même, se tenant droite et regardant de haut sa voisine Kleïzima ,une arabo-berbère, illustre cette éducation ancrée. C’était bien longtemps avant les évènements de Mauritanie. Durant leurs disputes presque quotidiennes dues à la promuscuité, la manière de tante Kardietou Ba de distiller un peul raffiné parsemé de dictons et de proverbes traduisait nettement que c’était à Kléïzima de faire un effort pour comprendre sa langue et non pas le contraire.
Kleïzima, calait alors contre le mur son corps qu’elle avait entretenue pour qu’il se transforme en une masse moelleuse et dont elle était toute fière. Elle arrachait son sein de la bouche de son bébé, l’attachait à sa cheville pour l’empêcher de ramper, et répondait arrogante, à cet affront en débitant haut et fort son hassanya en même temps qu’elle donnait exprès des ordres à Moilla , sa petite « esclave » noire croulant dans les tâches ménagères. Alors, son mari, un homme d’une grande gentillesse quittait aussitôt leur maison.
Les deux femmes pouvaient passer ainsi une matinée à se disputer sans qu’aucune ne comprenne ce que l’autre disait. Chacune méprisait royalement l’autre, et toutes les deux réunies, méprisaient la petite « esclave ». Il ne venait pas à l’esprit de l’une, qu’immanquablement cette enfant esclave est sa lointaine descendance, et l’autre, pire, la considérait à peine comme un être humain.
Le jour où ELLE réalisa que face aux mains nues de son peuple, un Etat avait opposé des armes, elle comprit aussi que c ‘est le même déséquilibre qui soumit un jour les aïeuls de la petite Moilla en état d’asservissement, et que, ni ELLE, ni sa tante, ni Kleizima ou un autre ont quelque chose de supérieure à cette petite victime.
ELLE s’excuse d’avoir été si longue et déviée un peu. Mais Le PS de ton joli billet qui a l’air d’avoir beaucoup de succès, imposait cette petite explication. En guise de cadeau, voilà ce bœuf du Nil pou toi, Dienguel Ba ! Ce bœuf originaire du Kenya aura fait moins de temps que celui qu’une certaine attend depuis trois ans.
ELLE
PS : Ah, cette chère et attachante Boudy, il va falloir un jour lui consacrer un billet entier.