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Entre les roues

Publié le 28 novembre 2008 par Gaby

Je n’aime pas trop faire des notes comme ça, ça fait un peu « ouuuh la guerre c’est nul, vive la paix », mais bon, quand c'est vrai …
Je les croise tous les jours, matin et soir. Ils me sourient et me saluent de la main. Je leur réponds, par politesse, c’est le minimum que je puisse faire. Je les vois tout le temps mais je ne connais pas leur prénom, ni leur nationalité ou leur âge. Et quelque soit le temps, ils sont là, à respirer la pollution au pied des feux de signalisation.
Bon Iver - Skinny Love
Ils viennent peut-être d’Afrique sub-saharienne, ils sont peut-être arrivés dans une barque chargée comme cinq, ils sont peut-être là depuis longtemps. Et ils tentent de vendre aux automobilistes quelques produits pour essayer de survivre.
Tous les jours je me dis que ce n’est pas à moi, étudiant, de les aider de nouveau ; que je peux pas donner à chaque fois ; que c’est plutôt aux cons qui tracent en 4x4 de faire des efforts, que c’est rien pour eux ; que je me rattraperai quand je serrai ingénieur, plus tard. Tous les jours j’essaie de m’en convaincre, on ne peut pas donner tout le temps, on ne peut pas donner à tous, même s’il faudrait.
Ce matin je l’ai fait pourtant, parce qu’il fait froid et que je pense à eux toute la journée. J’ai donné quelques euros, pas grand chose, même pas le prix du taxi que j’ai économisé la veille en rentrant en velib’. Mais c’est toujours ça. Il m’a remercié des yeux, m’a souri et le feux est passé au vert.
Je suis parti, avec le souvenir de sa figure joyeuse dans ma tête. Ça a égayé toute ma journée. Ce sont sûrement les personnes les plus démunies que je croise quotidiennement mais ce sont toujours les plus souriantes. Joli paradoxe et bel exemple pour les autres …
Quand on croise des SDF ou des mendiants comme ça, régulièrement, une sorte d’intimité se créé parfois, même sans se parler. On les retrouve, jour après jour, toujours au même endroit et on s’inquiète quand ils ne sont plus là. À Clermont-Ferrand, il y en avait un qui me surnommait Laspales. Je ne sais pas pourquoi – pour mon humour vaseux ou parce que j’habitais près de la gare peut-être – mais même s’il aurait pu mieux choisir, c’était touchant.
© dave s
Longtemps, quand j’entendais la question « préférez-vous donner ou recevoir ? » je la trouvais idiote. Comment pouvait-on préférer donner alors qu’on donne déjà tout le temps pour les impôts, le gaz ou l’inscription à la fac ? Comment le pouvait-on, sans hypocrisie et sans faire semblant ?
Et puis un jour j’ai compris. Compris qu’on pouvait gagner beaucoup plus en donnant qu’en recevant. Compris que ce qu’on recevait n’était pas matériel et qu’on ne pouvait pas l’acheter. Ce matin après avoir donné ces quelques pièces, je me suis senti bien. Un sentiment de bonheur a traversé mon corps, j’étais heureux comme après une bonne soirée en tête-à-tête. C’est peut-être très con, c’est peut-être le sentiment d’avoir fait quelque chose de bien gratuitement, et c’est pas grand chose pourtant, presque rien, mais j’avais un sourire sur mon visage.
Un des types parmi ceux que je croise est passé à la télé nationale en Septembre car il avait retrouvé un portefeuille dans la rue et ramené au commissariat. Il y avait 700 ou 800 euros en liquide dedans et le propriétaire lui en a donné 50 car il n’y avait pas touché. C’est normal qu’il disait, on ne vole pas. Normal, oui ça l’était. Mais aurait-on tous fait la même chose dans sa condition de misère ? Car elle, elle est anormale.
Il disait ça en souriant, je me rappelle. Ça m’a fait sourire et passer une bonne journée. Décidément, ce sont vraiment des beaux exemples ces types-là …

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