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L’archéologie de l’immédiat

Publié le 29 novembre 2008 par Christophe Benavent
Une nouvelle a été reprise par de nombreux sites : Google est capable de prédire l’épidémie de grippe mieux que les organismes spécialisés. Internet-actu , dont on soulignera l'excellence des analyses, en donne une analyse forte intéressante qui met l’accent sur l’aspect méthodologique : l’exploitation des traces sous la forme de bribes d’information, en rappelant justement qu’il ne fallait pas attendre l’internet pour cela.

Développons cette idée de trace. Au fond, la qualité de prévision est essentiellement liée à la qualité du codage des données. La technique de Google, qui s’appuie sur le dénombrement des requêtes, a sans doute été affinée par un choix judicieux de mots clés. Le terme grippe (flu) bien trop générique a sans doute été précisé par d’autres combinaisons. On imagine qu’un « guérir la grippe », est plus pertinent que l’énonciation seule de la maladie, mais que la rareté de cette formulation peut apporter de la fragilité. De petites expériences simples avec le générateur de mots-clés de Google illustrent le caractère fruste de la plupart des recherches qui se constituent d’un seul mot en général, de deux au mieux. On imagine aussi que la méthode puisse être contextuelle, une recherche n’est que rarement unique, nous cherchons en rafale.

On peut généraliser la méthode. Après tout ce que Google fait, il est quasiment le seul a pouvoir le faire, puisqu’en situation de monopole de l’utilisation des recherches…tant mieux que par certains outils Google nous donne des informations. Hormis Google peu pourront offrir de tels terrains d’étude. Mais la généralisation ne concerne pas que la trace laissée par les mots d’une recherche. On a connu des études qui s’appuient sur l’étude de nos poubelles, ce qui d’ailleurs a donné naissance à une forme de trash–journalisme, internet-actu cite l’utilisation de GPS, et là aussi le suivi de nos localisation s’avère intéressant.

Mais, au fond, nous réinventons l’archéologie, depuis longtemps les historiens se sont rendus maîtres de ces techniques. L’élément neuf est que c’est une micro-archéologie, une archéologie de l’immédiat. L’archéologie d’une société de l’oubli, d’une société qui enfouit aussitôt ses poubelles, et se donne de matière étonnante la possibilité de prédire son proche futur.

Le vrai défi au fond, est de savoir si ces traces abondantes que nous laissons de notre passage permettront de prédire au-delà de l’immédiat, au-delà de quelques mois ce qui adviendra de nous. Cette nouvelle archéologie en scrutant la surface de nos actes a-t-elle la force de deviner nos devenirs ?

Sans nul doute, il y a des vertus à prédire l’immédiat, mais cette vertu est sans doute moins celle d’une connaissance profonde que celle d’un contrôle défini depuis longtemps comme étant celui de la surveillance. Nous retrouvons dans ce dispositif un bon vieux concept de feed-back, pas forcément le sens de l’histoire. En une formule, l’épaisseur des données n’en fait pas la longueur…


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