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La vengeance du pied fourchu : 33

Publié le 03 décembre 2008 par Porky

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Ils étaient alignés au bord du gouffre, chacun tenant la main de l’autre. Même Missia sentait son cœur battre à grands coups dans sa poitrine. Au dernier moment, elle hésitait. Si elle s’était trompée ? Si elle allait les précipiter définitivement, sans retour possible, vers leur damnation ? Martin sentit sa soudaine réticence et s’agita. « Qu’y a-t-il ? demanda-t-il. On dirait que tu n’es plus si sûre de toi… » « Si, affirma Missia. Simplement… Je suis comme vous : j’ai peur. Cela te semble donc si étonnant ? » « Venant de toi, oui », rétorqua Martin et il pressa tendrement les doigts de la jeune fille. « Tu as pleinement confiance en moi ? » interrogea-t-elle en resserrant son étreinte. « Je sais que je ne le devrais pas, soupira Martin, vu la fêlure cérébrale qui court dans ta famille, mais oui : j’ai confiance en toi. » Elle respira profondément. « Arnaud, tu es prêt ? Alors, à Dieu va ! » Et tous quatre basculèrent dans l’abîme.

D’abord, ils ne virent rien. Un rideau de fumée empêchait de discerner l’endroit où ils se trouvaient. La chaleur était épouvantable. Ils avaient l’impression d’être environnés de flammes et vu la lueur qui traversait par à coups la fumée qui les enveloppait, ce ne devait pas être qu’une impression. A travers les volutes blanchâtres, ils arrivèrent peu à peu à voir ce qui les entourait. Ils étaient sur la berge d’un lac aux eaux noires, sur la surface duquel couraient des flammèches qui semblaient à tout moment vouloir prendre leur envol et s’abattre sur eux. L’eau elle-même ne bougeait pas ; et de cette stagnation montait une odeur putride, si écoeurante qu’elle dut se plaquer la main sur la bouche et le nez pour pouvoir avancer sans être indisposée. L’odeur paraissait moins incommoder son compagnon. Posant la main sur le bras de la jeune femme, il la guida le long de la rive, sur le chemin qui faisait d’abord le tour de l’étang puis s’enfonçait dans une masse de rochers sombres d’où jaillissaient par intermittences des gémissements et des ricanements. « Il va falloir les trouver, à présent », chuchota Sigrid qui évitait de regarder la surface ténébreuse du lac. Elle eut un mouvement de frayeur lorsqu’une flamme s’éleva plus haut que les autres et fondit sur elle ; tendant instinctivement la main, elle repoussa l’assaut de feu avec l’aide du rubis dont le flamboiement devenait d’instant un instant plus fort et plus sinistre. « Ils ne doivent pas être loin, répliqua Louis. L’incantation est suffisamment précise pour nous éviter toute erreur. Je suis sûr qu’ils sont à l’entrée de cette grotte, là-bas. » Il désignait du doigt un renfoncement à l’écart du chemin et qu’on ne pouvait atteindre qu’en traversant une sorte de rivière de charbons ardents. « Dépêchons-nous, dit Sigrid en hâtant le pas. Si nous pouvions éviter la confrontation, cela n’en serait que mieux. » Abandonnant le sentier, les deux jeunes gens se dirigèrent vers ce qui semblait être une barrière infranchissable, le ruisseau de charbons ardents. Mais ni l’un ni l’autre n’hésitèrent à poser le pied sur les pierres brûlantes et sans qu’ils subissent un seul dommage, ils traversèrent la rivière et parvinrent devant la grotte. Louis s’y engouffra aussitôt, puis ressortit, l’air intrigué et déconcerté. « Personne, chcuhota-t-il. J’aurais pourtant juré… » Au même moment, un rire puissant éclata derrière eux. Ils se retournèrent aussitôt. Il était là, au bord du lac, les bras croisés sur la poitrine. Il les regardait en souriant, moqueur et sûr de lui. « Erreur sur toute la ligne, mes bons amis, dit-il. Vous n’avez vraiment pas de chance… »

« Je suis morte, se répétait-elle. Je suis morte et je me regarde être morte… » Elle se voyait, en effet, allongée au milieu du sentier, la tête contre un amas de pierres. Elle avait les yeux clos, elle ne respirait plus. Puis tout s’effaça. Elle ouvrit les yeux. Elle n’était pas morte, se trouvait bel et bien étendue de tout son long sur le chemin qui menait à la cabane d’Asphodèle. Sa tête lui faisait mal. Elle tâta précautionneusement l’endroit d’où venait la douleur ; une belle bosse commençait à s’arrondir au sommet de son crâne. Elle se redressa, regarda autour d’elle. Et puis, la mémoire lui revint. Elle se releva avec précipitation ; mais le mouvement avait été trop violent. Un vertige la saisit qui l’obligea à s’asseoir sur un rocher. Lorsque le paysage redevint immobile, elle se leva de nouveau. « Ca a marché, dit-il tout haut. Je suis revenue exactement au même endroit d’où je suis partie. Enfin, à l’endroit où ce qui se faisait passer pour Catherine s’est emparé de moi. Peut-être au même moment ? » Elle regarda autour d’elle. Non. Le temps, visiblement, avait poursuivi sa course. La nuit n’était pas loin lorsqu’elle s’était rendue en haut de la montagne. A présent, le jour venait de se lever, de la vallée montaient les bruits familiers du village. « Je suppose que les autres sont eux aussi revenus à l’endroit où ils ont été transformés, murmura-t-elle. Il faut à présent les retrouver, en prenant garde de ne pas les confondre avec les autres… »

Ignorant que seul Martin possédait encore son double maléfique, Missia descendit rapidement vers le village tout en scrutant attentivement les alentours. Lorsqu’elle parvint en vue de la demeure de sa sœur, elle découvrit, debout devant la porte, Philippe qui semblait guetter quelqu’un ou quelque chose. Lorsqu’il la vit approcher, il courut vers elle. Missia s’arrêta, le regarda approcher avec une certaine appréhension. Etait-ce son beau-frère ou… « Tu avais raison, cria tout à coup Philippe. Je me suis retrouvé à la maison, dans la chambre, là où Catherine… » Il n’acheva pas sa phrase, prit la jeune fille dans ses bras et l’embrassa sur les deux joues. Une telle démonstration d’affection de la part d’un homme qui ne l’avait jamais beaucoup portée dans son cœur étonna Missia mais l’exubérance joyeuse de Philippe la convainquit qu’il s’agissait bien de lui. Surtout lorsque, l’ayant relâchée, il avoua qu’il avait cherché sa femme partout et ne l’avait pas trouvée. Il paraissait réellement inquiet, et désemparé. « Nous la retrouverons, affirma Missia à qui le fait d’avoir réussi à duper son ennemi avait rendu toute son énergie. Le plus urgent à présent est de retrouver les deux autres. Rendons-nous chez ma mère, nous y trouverons certainement Arnaud. »

(A suivre)


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