La bataille de la Marne vient tout juste de s’achever (nous sommes en 1914 et non en 1918) que l’état major français se rend compte qu’une énorme brèche défensive menace Paris sur son sud-est, chemin qu’emprunta d’ailleurs l’armée prussienne en 1870 avant d’envahir Paris. La belle bourde ! Et pas la dernière de l’état major français de l’époque. (Je me demande en l’écrivant s’il est bien utile de préciser de l’époque ! Les successeurs ne firent guère mieux). Toujours est-il qu’on mandate aussitôt Lyautey afin d’y réaliser un système défensif efficace basé sur des tranchées, boyaux de liaison, tourelles d’artillerie, abris, etc. Un ensemble qui n’eut jamais à prouver son efficacité car il ne servira jamais. Pourtant plus de 10 000 hommes s’y escrimèrent pendant l’été 1915.
Je collecte ces informations en visitant ce dimanche un ancien relais de ch
asse royal, le pavillon de l’ONF « la Faisanderie » de la forêt de Sénart, celle ou s’égara Louis XVI. Les lieux habituels ont fait place nette pour recevoir l’exposition « Sénart, forêt retranchée » dont le thème illustre in situ le système défensif installé autour de Paris à cette époque. Ne nous leurrons pas, de tout cet appareillage, il ne reste que des vestiges, quelques brusques ruptures du nivellement du sol, creux, trous et fossés. Impossibles à reconnaître si on ne les cherche pas. La plupart des promeneurs et visiteurs s’imaginent au cœur d’un terrain de jeu de quads et de VTT.Une outarde et un loup empaillés figurent dans le salon de la Faisanderie. La taille de l’un comme de l’autre est stupéfiante. Ils ont tous deux été chassés dans la forêt de Sénart. Si le loup est bien connu – alors que pratiquement personne n’a pu en admirer un de visu – rares sont ceux qui connaissent l’outarde, un oiseau pourtant magnifique, que l’on peut toujours surprendre – très occasionnellement car extrêmement méfiante - dans nos régions.
Lors de ma promenade commémorative – n’oublions pas que fêtions le 11 novembre - je rencontre Guy, un charmant retraité qu’accompagne sa voisine dans une cueillette de champignons prometteuse. Il possède déjà dans son panier d’osier, sur un tapis de fougères, un magnifique cèpe, une bonne douzaine de morilles, quelques coulemelles – dénomination que j’aime moins que celle de Saint-Michel, telle que nous l’appelons dans le midi.Il est accompagné de sa voisine, une antillaise joyeuse et enthousiaste, qui a réservé son propre panier pour une espèce bie
n particulière, les Clitocybes nébuleux, des champignons ignorés en général. Guy, qui semble être là tout autant pour les champignons que pour transmettre son savoir à sa voisine et à moi-même, nous explique qu’ils sont excellents dès lors qu’on connaisse la méthode de cuisson ; les brosser bien entendu et surtout les faire bien suer, afin d’en extraire toute l’eau qu’il renferme. Puis les griller, soit à la poile dans de l’huile d’olive, soit directement au barbecue accompagné de gros sel. Mais le plus important est « que comme tous champignon, il ne vaut mieux manger que de jeunes sujets. Et attention, ne touchez jamais à ce qui vous semble être un clitocybe, si son pied ou ses lamelles ne sont pas d’un blanc comme neige !- Ou bleu ! rajoute la voisine>
- oui, on peut parfois confondre le clitocybe et le pied bleu. Mais ce n’est pas grave, Bien au contraire, car le pied bleu est excellent.
- surtout en salade, rétorque la voisine.
Remarquant le sourire et le regard tendre qu’adresse Guy à sa voisine, je lui adresse ses mots « Je constate que votre élève est douée » et les laisse à leur quête.
Je suis étonnée par l’absence de cépée dans cette forêt. Sans doute, l’effet d’une étroite surveillance de l’ONF. Ses employés doivent sans doute éliminer tout arbre dont le tronc ne serait pas unique et parfaitement rectiligne. Plus loin, Je ramasse à terre un
e samare d’érable, le fruit sec à aile que produisent également les ormes et les frênes, et la lance en l’air pour admirer son vol, semblable à celui des hélicoptères, et me souvenir de mon enfance dans le Sud Ouest. Avec mon frère, on faisait des concours de vol prolongé en sélectionnant quelques échantillons susceptibles de voler le plus durablement possible. Le fait de décorer nos champions leur ôtait souvent leur capacité d’endurance… Mais qu’importe, nous étions fiers des couleurs apportées sur leurs ailes et des effets qu’elles prenaient dans leurs circonvolutions.Pour ceux qui ne connaissent pas l’outarde, je vous renvoi au site http://www.oiseaux.net/oiseaux/photos/outarde.canepetiere.html).
Pour les champignons, j’aime bien consulter, assez régulièrement, surtout à cette époque de l’année: http://www.termelleries.fr/spip.php?rubrique27