C'est la déprime totale. Je viens de prendre conscience de l'inanité de mon existence. Quelques exemples glanés au fil de mes lectures ou de mes séances télé récentes m'ont fait sauter cette évidence à la face. Tiens, hier soir, j'ai vu qu'à Harar, en Abyssinie, les murailles de la vieille ville sont percées de trous étranges, que les hyènes empruntent la nuit en bandes inquiétantes, pour sillonner la ville désertée par le couvre-feu et se goinfrer des ordures ménagères déposées exprès par les habitants. Arthur Rimbaud habita ici vers 1878 (sa maison et le bureau de commerce qu'il y ouvrit existent toujours). Il fit une dizaine de fois le trajet entre la ville aux 99 minarets et la mer Rouge, sous le cagnard et sous la menace des maladies et des attaques des terribles Danakil. Ses petits business foireux (ventes d'armes, commerce de l'ivoire, des peaux, de l'or…) ne lui rapportèrent pas grand chose en définitive, hormis un petit pécule déposé au Caire et une tumeur au genou qui devait l'emporter.
J'ai vu tout ça dans un épisode de la série "Des trains pas comme les autres", sur Planète Thalassa. Et moi, pendant ce temps là, j'habite dans le 1er, mon business n'est pas hyper clair, et je rouspète contre les habitants de mon immeuble qui s'embrouillent dans les poubelles jaunes et vertes. Il leur faudrait quelques hyènes sanguinaires aux trousses, pour leur apprendre le tri sélectif. N'empêche, tu parles d'un aventuriuer... Ma vie est nulle.

Et moi, je suis allé au Vieux Campeur acheter une parka Lafuma, que je mets quand on passe sous les 10°C. Le matin, je m'habille cérémonieusement dans l'entrée en remontant la fermeture très haut et en rabattant les scratchs sur le menton. Quand je suis paré, je m'attaque au trajet "ma-maison-l'école de mes enfants", par la face nord dite "Palais-Royal". Et je suis filmé en chemin par les caméras de surveillance de la Banque de France. Ah, le montagnard… Je rigole jaune. Ma vie est nulle, on ne peut pas le nier.

Moi, je me suis à moitié frité l'autre jour avec un gars qui m'était passé devant dans la file d'attente du comptoir Gold, à l'agence Hertz de l'aéroport de Marseille. C'est d'un romantisme... Ma vie est nulle, je vous dit.
