Session Tupperwine 13.0 en compagnie de Benoit Tarlant: démocratiser et comprendre le vin

Par Ochato

Plaisante, libérée, fraîche et animée...

C'était la dégustation "Tupperwine 13.0" organisée par Fabrice Le Glatin, producteur de chroniques oenophiles sur son fameux blog Vin sur Vin.

Ca se passait chez Alex caviste, 42 rue Vaneau dans le 7e à Paris.

Belle occasion de baptiser ce nouvel endroit dédié aux vins de producteurs indépendants.

On connaissait les dégustations horizontales (la gamme du vigneron sur un même millésime), et les dégustations verticales (un même vin sur différents millésimes). Hier soir a été ajoutée une dimension au mode de dégustation, avec la dégustation... évolutive!

Cékoissa ?

Pour s'accorder au but pédagogique que se donnent les Tupperwine, Benoît Tarlant, producteur en Champagne, avait pris l'initiative de présenter sa cuvée Louis à différentes étapes de sa conception. Ludique et éducatif, ce type de dégustation permet de présenter le vin non pas comme un produit banal voire "à risques" selon la récente étude du CREDOC (nous en reparlerons)  mais comme un vaste univers fait de paris, de passion, et d'incertitudes. Depuis la description du terroir qui fait le raisin jusqu'au Champagne mature, le dégustateur pouvait sentir l'évolution du vin à plusieurs étapes notoires : fermentation, prise de mousse, commercialisation, vieillissement.

Retour sur les temps forts de la démonstration.

La présentation du terroir sensibilise le dégustateur au rôle de l'environnement sur le développement du raisin. Une approche descriptive minutieuse transporte le dégustateur en Champagne : à 10kmd'Epernay, un bas de coteau en bord de Marne, un mois de septembre radieux, les oiseaux qui gazouillent. L'impact du fleuve sur le raisin : les courants frais de la Marne permettent une évolution douce des températures et donc des fruits. A cet endroit, la parcelle est crayeuse, 50 ares de pinot noir font face à 50 ares de chardonnay. Règle de l'are : Benoît Tarlant produit cette cuvée Louis uniquement quand l'assemblage à parité des deux cépages donne un vin subtil.

Dégustation des vins clairs : Décembre est une période privilégiée pour goûter le vin clair, c'est à dire le produit de la récente fermentation. De cette étape méconnue le goûteur retient le jus troublé par les levures, le nez d'un raisin encore fruit et une bouche indélicatement acide (Ph de 3). Souvenir impérissable mais boisson imbuvable.

Dégustation du vin récemment mis en bouteille : au printemps le vigneron fait le choix délicat des assemblages (de cépage, de parcelle, de millésime) puis les vins clairs assemblés sont mis en bouteille et chaptalisés pour déclencher la prise de mousse typique du champagne. Benoît Tarlant a donc ouvert une cuvée Louis 2006, ce qui correspond à un vin jeune. L'AOC Champagne impose un délai avant commercialisation d'au moins 3 ans en bouteille. Dans le cas de la cuvée Louis le vieillissement en bouteille avant commercialisation dure 10 ans !

L'ouverture de ce champagne en devenir a été l'occasion d'assister à un dégorgement. Juste avant la commercialisation, cette action vise à supprimer de la bouteille les lies rassemblées sous le bouchon (les bouteilles sont conservées sur pupitre goulot vers le bas pour faire glisser le dépôt levurien responsable de la prise de mousse). Quand on n'a pas sa saumure près de soi, ça devient rock'n roll : la bouteille appuyée sur l'aine, encolure inclinée vers le bas, il faut faire remonter la bulle d'air prisonnière jusqu'au goulot en ramenant celui-ci vers le haut. Dès que la bulle touche la capsule, tout s'accélère : les lies peuvent retomber dans le liquide alors un décapsulage vif libère les 6 bars de pression. Le dégorgement dans Paris comporte ses risques : adieu les lies, vive la vitrine d'Alex crépie ! A cette étape, le vin est effectivement effervescent, la bulle sauvage, les arômes primaires.

Dégustation des vins finis : un saut de 10 ans en arrière est nécessaire pour découvrir la cuvée Louis prête à consommer. Le champagne n'a plus rien à voir. En bon champagne non dosé, l'acidité est nette, les bulles se sont affinées et une franche sensation de beurré / toasté est venu équilibré le vin.

Et comme le vin continue son évolution, Benoît nous a offert l'occasion de comparer Louis 98 avec... Louis 88. Malgré l'âge la bulle est toujours présente, régulière et fine. La palette d'arômes est large, le gras s'est un peu estompé au profit d'arômes plus longs en bouche (noisette, vanille). 

 

Plaisante, libérée, fraîche et animée...

Cette dégustation proposait un beau spectacle orchestré par l'oenophile passionné, animé par le vigneron engagé et supporté par les amateurs ou novices s'extasiant.

Une dégustation aux antipodes d'un milieu élitiste, conservateur, corporatiste.

Si l'ouverture du monde du vin passe par l'éducation des non initiés, ce genre d'initiative est à souligner car mardi soir le vin était une oeuvre bien plus qu'un produit. Tous, même ceux qui ne boivent pas, y ont trouvé de la poésie.

Le site des Champagnes Tarlant 

Le blog de Benoit Tarlant