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La vengeance du pied fourchu : 34

Publié le 05 décembre 2008 par Porky

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Effectivement, lorsqu’ils parvinrent à la maison familiale, ils découvrirent Arnaud qui faisait les cent pas dans la grande salle, l’air si désemparé que Missia s’inquiéta aussitôt. Sans même prendre le temps de se réjouir avec lui de la réussite de leur plan, elle s’enquit de ce qui semblait le troubler si profondément. « Regarde, dit le jeune homme en tendant la main vers la niche qui abritait naguère la statue de la Vierge. Elle a disparu. L’un de nos doubles l’a volée ou l’a cassée. » Missia ne put retenir un petit cri de frayeur. Puis elle devint tout à coup très pâle. « Je me souviens, enfin, je crois me souvenir que c’est moi qui l’ai cassée, murmura-t-elle. Pas moi, mais l’autre. Est-ce que vous arrivez à vous rappeler de ce qui s’est passé après notre transformation ? » Les deux hommes hochèrent négativement la tête. « Pour moi, c’est le trou noir complet, avoua Philippe. Tout ce que je me rappelle, c’est la grotte, l’obscurité, enfin, ce fameux rêve dans lequel nous étions. » « J’ai la mémoire aussi vide que celle de Philippe, renchérit Arnaud. J’ai la très, très vague impression que j’ai dû faire des actes assez peu recommandables, mais c’est tout. » Missia resta silencieuse un instant, contemplant la niche vide au-dessus de la porte. « C’est étrange, murmura-t-elle. Moi, j’ai comme des éclairs de souvenirs qui me reviennent. Par exemple, je me revois très bien… Martin ! s’écria-t-elle soudain d’une voix angoissée. Où est-il ? Il devrait être ici… » « Tout dépend de l’endroit où sa transformation a eu lieu », dit Arnaud. « C’est mon double qui l’a métamorphosé. Et c’était devant la cabane d’Asphodèle. Je revois parfaitement la scène. Seigneur, comme c’est étrange !... Pourquoi ma mémoire a-t-elle gardé des événements vécus par une autre ?... » « Alors, il doit encore être dans la montagne, dit Philippe. Allons à sa rencontre et voyons ce que nous pouvons faire pour récupérer Catherine et votre mère. » « Nous n’avons plus de protection, rétorqua doucement Missia. Et nous ne pourrons probablement rien faire. A moins que la voix que j’ai entendue chez Asphodèle n’existe réellement. Mais à qui était-elle ?... »

Les deux jeunes gens contemplaient sans peur le maître de l’Enfer ; une répulsion indicible se lisait cependant sur les traits de leur visage. « Erreur, répéta l’apparition qui se délectait visiblement du trouble de ses visiteurs. Ils ne sont pas dans mon royaume. Votre petite visite de courtoisie était inutile. » « Où les as-tu emprisonnés ? » demanda Louis d’une voix que la colère et la déception faisaient trembler. « Ailleurs, mes bons amis. Un ailleurs où vous n’avez pas accès. » Louis leva la main. Le rubis flamboya ; le rayon vint frapper l’ennemi en pleine poitrine. Il poussa un cri, chancela. Immédiatement, Sigrid obligea son compagnon à baisser la main. « Non, s’écria-t-elle. Tu t’acharnes en vain, il est indestructible. Et puis, nous avons besoin de lui pour récupérer l’esprit de Catherine et de Marie. Et celui de Rosette. » « Mais serais-je prêt à vous les rendre ? » répliqua l’apparition qui avait retrouvé toute sa superbe. « Tu n’as pas le choix, affirma Louis. Les rubis nous rendent invincibles. Nous ne pouvons pas t’éliminer mais nous pouvons t’obliger à restituer ce que tu as volé. » « Oh, si vous tenez tant à retrouver l’esprit de ces trois idiotes, libre à vous, fut la réponse dédaigneuse. Elles ne me sont d’aucune utilité. Mais les autres… Rien ne pourra me forcer à vous révéler où ils sont, pas même vos armes de pacotille. Elles ont leur limite, hélas pour vous. » « Il dit vrai, murmura Sigrid. Si les prisonniers ne sont pas en Enfer, notre pouvoir n’a aucun effet. » Il y eut un silence. Les trois adversaires se dévisagèrent pendant quelques secondes. L’homme noir souriait toujours tandis que Louis et Sigrid essayaient désespérément de trouver une solution à leur problème. « Chaque chose en son temps, dit enfin Louis. Rends les esprits. Nous aviserons ensuite pour les autres… » Et comme l’apparition ne bougeait pas, ne semblait nullement décidée à obéir, Louis releva la main. « Pourquoi t’énerver ainsi ? demanda aimablement le pied fourchu. Je vais te les donner, tes esprits. Tu permets seulement que je me concentre un peu ? » « Fais vite, ordonna Sigrid. Ma patience commence à s’effriter et si je ne peux pas te tuer, je peux par contre te faire beaucoup souffrir. » Le rubis scintilla à son doigt. « Tu en veux encore une petite dose ? » « Non, non, se hâta-t-on de répliquer. Je sais me reconnaître vaincu quand il le faut. »

Le démon ferma les yeux et parut rentrer en lui-même. Soudain, ses traits se contractèrent et une expression de rage intense envahit son visage. Il rouvrit les yeux, darda sur ses ennemis un regard où la colère le disputait à la frustration. Attentive à ces changements de physionomie, Sigrid comprit aussitôt ce qu’ils signifiaient. « Tu les as perdus ! s’écria-t-elle, la voix vibrante. Ils ne sont plus là où tu les avais cachés ! Ils ont trouvé le moyen de t’échapper ! C’est ça, n’est-ce pas ? ! » Et comme elle estimait que la réponse ne venait pas assez vite, elle projeta sur lui les rayons sanglants du rubis. Il poussa un rugissement de douleur. « J’ai obéi ! cria-t-il en se débattant contre la lumière qui l’emprisonnait. Les esprits ont réintégré les corps ! Lâche-moi, sinistre abrutie ! » « Je te parle des autres, dit Sigrid en se gardant bien d’obéir à l’injonction. Missia, Philippe, Arnaud, Martin : ils t’ont eu, hein ? Ils ont réussi à s’enfuir ? » « Ils ne pouvaient pas savoir ! cria le démon. Ils n’avaient aucun moyen de comprendre ! Comment ont-ils pu… » Louis éclata de rire. « Et bien voilà ! Ta vengeance tourne court. Ils se sont libérés et nous avons à présent le moyen de les protéger tous contre toi. » Un deuxième rayon vint frapper la créature qui se tordait dans la lumière rouge. « Voilà pour t’apprendre à t’attaquer à plus fort que toi, dit Louis. Va maintenant panser tes plaies dans ton bouge, et laisse désormais ces gens et ce village tranquilles ! » Les rubis cessèrent de flamboyer. Toujours hurlant, le pied fourchu disparut dans les ténèbres. « Regagnons la terre, murmura Sigrid. Notre mission touche à sa fin. »

(A suivre)


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