Je ne vais pas commenter le plan de relance français, les media s’en chargent très bien, avec l’absence de nuance qui caractérise en politique les pro-majorité et les anti. Cela n’est que du théâtre. La réalité est que nous nous enfonçons dans une crise économique annoncée qui tétanise les investisseurs et assèche les liquidités. Dès lors, les étapes déjà évoquées sont indispensables à franchir une à une, et de façon à peu près coordonnées : rétablir un système financier capable de fonctionner, relancer la demande et conforter l’investissement d’avenir, redonner confiance en impliquant la puissance publique. Ensuite, à chaque État de suivre sa structure d’offre et demande (qui n’est pas la même), pour peser au mieux sur la conjoncture en fonction des leviers dont il dispose.
Nous l’avons dit, les leviers sur l’activité ne sont que 4 : le budget national, la politique monétaire des Banques centrales, les parités devise et la psychologie. Chacun les actionne à son rythme et selon les caractéristiques de son économie. Les banques françaises ou japonaises ont par exemple moins besoin de soutien que les banques américaines ou anglaises, les PME en France sont plus fragiles que les PME allemandes, et ainsi de suite.
Le budget permet la relance en baissant les impôts ou la TVA, en augmentant les minimas sociaux ou en allouant des aides aux défavorisés, en prêtant aux secteurs en difficultés ou en prenant des participations « souveraines ». En créant un fonds souverain de participation, en soutenant par des mesures ciblées l’automobile et le bâtiment, en aidant les ménages modestes sur le fioul, la réhabilitation du logement, les allocations familiales, le revenu minimum, la France va dans le bon sens. Certains regrettent l’absence de relance par la consommation, mais c’est sans doute trop tôt pour être efficace dans la conjoncture actuelle et trop douloureux pour le déficit (déjà grand) ; autant garder cette arme pour la suite, si l’emploi se dégrade encore plus.
La politique monétaire est en général indépendante, mais elle est très liée au pouvoir politique en Angleterre, au Japon et, dans une moindre mesure, aux États-Unis. Seule la Banque Centrale Européenne fonctionne comme un organisme collégial qui n’a pas de vis-à-vis politique européen. D’où sa préoccupation unique de l’inflation – la seule que les États ont consenti à mettre dans ses statuts. Tout ce qui est budget et fiscalité, ou aides sectorielles, reste du ressort des États membres, dans le cadre général négocié par les Traités sur la concurrence et les limites d’endettement. La baisse simultanée pour la seconde fois des taux de la Banque d’Angleterre et de la Banque Centrale Européenne crée un choc bienvenu. Les taux anglais sont au plus bas depuis 1951 et jamais la BCE n’avait baissé d’autant ses taux d’un seul coup. A respectivement 2% et 2.5%, les taux sont suffisamment bas pour rendre le crédit plus facile. Les prêts immobiliers devraient en profiter, ainsi que la dette des États qui coûte désormais moins cher. Cela fera baisser aussi le taux du Livret A, épargne de l’épargne, incitant ainsi à sortir les fonds stérilisés pour les dépenser, peut-être.
Les devises varient peu entre elles, toutes les grandes économies étant à peu près dans la même situation. Mais notons que le dollar a repris du poil de la bête depuis août : en cas de crise majeure, les États-Unis inspirent plus confiance que l’Eurozone, avec une capacité de rebond bien plus forte, moins de lourdeurs et une société plus réactive à chercher son intérêt. L’euro s’affaiblit, mais le pétrole baisse (44$ le baril aujourd’hui), ce qui ne pénalise pas trop les Européens. Seule la Chine laisse glisser un peu sa devise contre dollar, dans l’espoir d’exporter encore. Mais le discours officiel reste tourné vers l’équilibre confucéen : Zhou Xiaochuan, gouverneur de la Banque centrale chinoise a recommandé aux États-Unis, comme « la plus large et la plus puissante économie de la planète », de « prendre l’initiative d’ajuster sa politique, de remonter son taux d’épargne de façon appropriée, et de réduire ses déficits fiscaux et commerciaux. »
La psychologie est du ressort du théâtre politico-médiatique et chacun fait ce qu’il peut, même Gordon Brown, habituel Droopy. Il faut que le public n’ait plus peur d’une faillite de sa banque, qu’il soit assuré de son emploi ou des aides nécessaires, que son pouvoir d’achat ne sombre pas. Côté investisseurs, la saisonnalité traditionnelle de novembre à mai devrait aider la bourse. Mais la vérité exige de dire qu’un effet marqué cette année semble peu probable tant que la situation économique n’est pas anticipée pire de mois en mois, que les annonces négatives des sociétés ne semblent pas devoir finir et que les prix ne sont pas ajustés. La volatilité des cours est très forte, les volumes faibles, les hedge funds continuent à sortir sur tout rebond, anticipant d’inévitables rachats, les investisseurs ‘value’ (valeurs d’actifs) sont aux abonnés absents faute de visibilité à long terme sur ce qui survivra et comment. Tout signe d’enlisement supplémentaire dans le marasme alimente ces anticipations négatives qui se nourrissent d’elles-mêmes. Ce pourquoi le chiffre du chômage américain est scruté avec une particulière attention : l’emploi fournit la consommation qui permettra seule de repartir.
Les traders mordus joueront les écarts entre les rebonds ; les investisseurs longs termes attendront d’y voir plus clair – pas avant le printemps.