Derrière tout projet se cache une banque. Dans les pays du Sud, les banques régionales de développement tiennent ce rôle de prêteur de fonds pour la mise en place de projets de développement économique et social. De la mise en place d’un système d’alerte pour les tremblements de terre à la création d’un réseau d’assainissement de l’eau, les projets supportés par les banques régionales de développement visent à améliorer le quotidien des populations les plus démunies.
Banque africaine du développement (BafD), Banque inter-américaine du développement (BID), Banque asiatique du développement (BasD), banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) : il existe une entité financière principale par zone géographique. Sans oublier d’autre structures plus spécialisées comme la Banque islamique de développement (BisD), ou concentrées sur des zones géographiques réduites, comme la Banque nordique d’investissement (BNI) et les différentes banques africaines.
Toutes sont chapeautés, de plus ou moins près, par la Banque Mondiale, le chantre du multilatéralisme, elle-même composée de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et de l’Association internationale de développement (IDA). Toutes ont le même objectif : « réduire la pauvreté et améliorer le niveau de vie des populations à travers le monde » via des prêts à faible intérêt, des crédits sans intérêt et des dons.
Mais, la Banque Mondiale, comme le Fonds monétaire international, l’autre grande institution multilatérale née après-guerre, ont vu leurs finances diminuer ces dernières années – la générosité des donateurs traditionnels, les grands pays occidentaux, se réduisant – et leurs missions se multiplier. Aujourd’hui, avec la crise économique, c’est non seulement le Sud qu’il faut « monitorer » mais aussi le Nord.
Qui aujourd’hui a les moyens de financer le développement des pays émergents alors que les caisses des institutions financières locales se vident ? Pourquoi pas les fonds souverains. Ceux-là même qui ont fait parler d’eux en prenant, depuis le déclenchement de la crise financière, des participations dans les fleurons de la finance occidentale. Mises à l’index, ces réserves d’argent parfois colossales témoignent pourtant de la capacité de certaines économies du Sud à dégager des ressources. Les pays riches en matières premières, comme le pétrole et les minerais, ont accumulé de belles fortunes : le fonds souverain des Emirats Arabes Unis, créé en 1978, se chiffre à 875 milliards de dollars ; celui de l’Arabie Saoudite à 350 milliards ; celui de la Norvège à 401 milliards ; celui de l’Alaska à 40 milliards…
Les fonds souverains sont aussi alimentés par les réserves de changes de pays qui se sont imposés dans le commerce international : le Government of Singapour Investment Corporation possède 330 milliards de dollars ; le fonds souverain chinois, le CIC, 200 milliards ; celui de Hong Kong 151 milliards…
Des sommes qui n’ont rien à voir avec les avoirs détenus par les banques régionales de développement, bien qu’obtenir des chiffres à ce sujet soit ardu. Une seule comparaison suffit pour se rendre compte de la puissance de ces fonds ou de l’impuissance des organismes multilatéraux : en 2007-2008, la Banque mondiale a accordé pour 13,5 milliards de dollars de prêts et, la main sur le cœur, a promis de tripler cette somme pour 2008-2009. 35 milliards de dollars, une bien maigre enveloppe comparée aux 3 500 milliards de dollars détenus par les fonds souverains du Moyen-Orient et d’Asie.
Une aide d’un maigre secours quand on songe que la Chine a débloqué une ligne de 4 000 milliards de yuans, soit plus de 580 milliards de dollars, pour appuyer son développement en ces temps plus difficiles. Quand elle fait son New Deal, la Chine n’y va pas de main morte. Certes, les besoins sont grands dans l’Empire du Milieu, le développement des zones rurales ayant été délaissé aux profits des côtes industrialisées à outrance, surpeuplées et noyées sous la pollution. La crise a fait comprendre à Pékin le besoin de rééquilibrer son propre paysage économique et social interne.Au moins doit-on lui reconnaître ce mérite.
Mais quid des pays africains qui n’ont pas encore atteint ce stade d’avancée économique ? La Chine s’offre comptant son plan de relance alors qu’ailleurs certains projets de développement « primaires » seront sans doute gelés, faute de moyens.
Difficile de dire d’où viennent ces yuans : des caisses de l’Etat chinois ou de celles de son fonds souverain. Toujours est-il qu’aujourd’hui les fonds souverains sont les plus à même de mettre au pot du développement. Encore faut-il que cette volonté politique existe. Grâce à ses ressources pétrolières, le Nigeria a accumulé 17 milliards de dollars dans son fonds alors que 60 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté et que le rapt d’Occidentaux est devenu une véritable économie parallèle.
Pas de New Deal en vue pour le continent noir. L’aide au développement risque, au contraire, de s’y raréfier et devenir plus sélective, laissant la porte ouverte à un impérialisme chinois plus prompt à cannibaliser les ressources plus qu’à jouer au bon samaritain. Les fonds souverains sont avant tout souverains…
Alexandra Voinchet