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Vendredi 5 décembre 2008, Avignon : la rencontre des patrimoines

Publié le 07 décembre 2008 par Memoiredeurope @echternach

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Il faut tout le même le dire, le Palais des Papes à Avignon reste un endroit particulièrement propice à accueillir une réunion de réflexion sur la notion de patrimoine européen. A mon sens, le lieu fait partie d’une liste restreinte, implicite, écrite nulle part celle-là, sinon ici et là dans les pages de ce blog et dans notre imaginaire littéraire. Un environnement où on se dit qu’il en est comme de Delphes ou de l’Alhambra, de Topkapi, de Sighet, de Santiago de Compostelle…l’entrée dans les lieux et la découverte des paysages qui leur sont liés est comme l’entrée dans un livre d’histoire qui juxtaposerait d’un coup tous les épisodes.

Même restaurés et parfois interprétés par les restaurateurs, ces lieux indiquent immédiatement que l’on peut s’asseoir et discuter, voire se disputer au sens philosophique du terme, en tout cas, prendre le temps de se préparer, par la lecture du sens des lieux de manière, à mieux se comporter vis à vis des épreuves à venir.

Mais il faut immédiatement ajouter que l’occasion qui a amené pendant deux journées une petite centaine de participants, responsables pour la plupart des affaires européennes dans les administrations centrales de la culture, accompagnés d’une vingtaine de responsables de sites envisagés par la Liste du patrimoine européen, à réfléchir ensemble, se doit de se renouveller pour continuer encore cette réflexion, et j’ajouterai même:  longuement. 

J’ai en effet cru bon d’insister hier sur le fait que cette initiative qui consiste - ou à mieux dire, compte tenu de la prospective communautaire qui s’ouvre, consistera - à identifier des patrimoines pour lesquels une appartenance européenne devrait être partagée, avait plutôt commencé son processus par la fin.

Comme s’il s’agissait d’une évidence ? Nominons car c’est urgent, il en restera toujours quelque chose ! 

Certes pour tous ceux qui travaillent sur ces questions depuis des années, c’est bien d’une évidence qu’il s’agit. Mais dès l’instant où l’on sort des cercles de réflexion et des colloques universitaires, de la mise en perspective faite par des historiens et par des « grands témoins » de la mémoire récente, pour s’exposer et pour parler avec le public, l’initiative prend une toute autre dimension : sociale et politique, pour le moins.

Le public est celui qui visite aujourd’hui le Palais des Papes (je ne mets pas à part de cette catégorie, ayant visité les lieux une dizaine de fois en cinquante ans) comme une entité française, voire provençale, marquée par le théâtre populaire, dressée sur du légendaire, sur des chansons populaires et des contes de Noël.

De ce fait, sauf erreur de ma part, la notion de « patrimoine européen » reste bien entendu à constituer, à justifier, à rédiger et à raconter. 

Il y a déjà, sur ce monument, une plaque qui indique qu’il fait partie de la Liste du Patrimoine Mondial. On trouvera sur le site de l’UNESCO un descriptif de l’objet intitulé « Centre historique d’Avignon : Palais des papes, ensemble épiscopal et Pont d’Avignon ». La simple lecture montre d’ailleurs que le premier classement international n’est pas lui-même dénué d’ambiguïté. S’il est là pour dire qu’il s’agit d’un ensemble architectural qui mérite une attention internationale, et par conséquent une responsabilité largement partagée sur son état, sa substance et sa valorisation, toute l’argumentation repose cependant sur la présence des papes. On peut le comprendre dès la première phrase : «Cette ville du midi de la France fut le siège de la papauté au XIVe siècle »… et à la dernière : « …un exceptionnel ensemble monumental qui témoigne du rôle éminent joué par Avignon dans l’Europe chrétienne au XIVe siècle » 

On a bien entendu tout de suite envie d’ajouter que les  œuvres de Simone Martini et Matteo Giovanetti ne sont pas là par hasard et qu’il faudrait alors expliquer quel est le rapport à l’Italie et pourquoi cette enclave papale sera aussi un territoire d’accueil et de protection pour les juifs. Et ajouter une lecture du rôle de ces papes là dans l’histoire de la chrétienté et le pourquoi du terme « éminent ». Mais ce n’est pas d’abord le rôle de cette Liste de parler d’histoire. Elle marque des patrimoines à l’attention, d’abord sur le plan architectural, quand il s’agit d’un patrimoine bâti. Cependant, comme le rappelait ce matin Mechtild Rössler, chef de section Unité Europe et Amérique du Nord au Centre du Patrimoine mondial de l’UNESCO, que je connais depuis qu’en 1994 nous avions travaillé à Madrid à la rédaction d’un article additif à la Convention du Patrimoine mondial sur la notion d’itinéraire culturel, superposer deux labels sur un même lieu ne peut se faire en considérant a priori que les distinctions ne sont pas de même ordre. Elles sont complémentaires et on doit donc veiller à la synergie. La remarque vaut bien entendu également pour les synergies qui doivent être établies avec les itinéraires culturels européens.

Alors en quoi le lieu est-il tellement important dans le cadre d’une Liste du patrimoine européen ? La réponse devrait se trouver dans le livret qui nous a été fourni et où sont décrits les sites déjà présents sur une première série qui tend à devenir une « Liste d’honneur ».

Je ne prends que des extraits relatifs à la dimension européenne : «L’installation des papes à Avignon résulte de la querelle qui opposa au début du XIVe siècle le roi de France Philippe IV le Bel au pape Boniface VIII. Cet épisode aboutit en 1305 à l’élection sur le trôle de Saint Pierre de Clément V, archevêque de Bordeaux qui s’installera à Avignon en 1309…Pendant plus d’un siècle, sept papes se succéderont. La présence des papes en Avignon, vaudra à la cité d’Avignon et au comtat Venaissin un rayonnement européen et international…Le Palais des papes tomba alors en désuétude (après la révolution française) jusqu’en 1947, date à laquelle le metteur en scène Jean Vilar créa un festival de Théâtre qui est à ce jour l’un des plus grands festivals européens de création théâtrale contemporaine ». 

Si un porteur de projet me demandait ce que je pense de cette idée, après lui avoir indiqué d’enrichir son dossier et son argumentaire, je tâcherais avec lui de mieux cerner ses idées : le rayonnement lié à la papauté et le rayonnement lié à Jean Vilar ? Est-ce bien de cela qu’il s’agit ? Est-ce bien cela que l’on raconte ? Et quelle est la relation ? Celle du pouvoir de la transcendance et du pouvoir de l’imaginaire, dans le contexte des fastes théâtraux du religieux et des fastes spirituels du théâtre dans les civilisations de l’Europe ?

Je voudrais que l’on entende par-là une véritable interrogation et certes pas une moquerie, car les discours sont significatifs de ce que l’on veut défendre et c’est la première démarche, fondée sur des critères clairs, qu’il s’agit d’initier. 

Si l’entrée dans la mise en place d’un programme communautaire fait que l’on récupère les éléments d’une architecture encore bancale et d’une maison dont on a posé le toit en équilibre sur des échafaudages, sans véritables fondements, pour en faire une construction fondamentale à la compréhension des symboles, des pratiques et du tissu qui constituent la citoyenneté européenne, alors l’Institut Européen des Itinéraires culturels sera heureux d’y coopérer, et à double titre avec l’UNESCO.

Mais il me faut certainement encore une journée pour aller plus loin dans mes réflexions imédiates, car entre histoire et mémoire, la notion même de patrimoine européen reste un processus, pas un achèvement !

Photographies : Avignon en hiver, du marché de Noël aux marches du Palais  


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