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Droits de l'Homme, un triste anniversaire

Publié le 08 décembre 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
(La liberté décapitée, par Tomi UNGERER. Musées Strasbourg)

Désinformation, surveillance généralisée et une justice aux ordres sont les manifestations d'une société qui tourne le dos aux droits de l'Homme.

Par Corinne Lepage

Nous fêtons le 10 décembre le 60e anniversaire de la déclaration des universelles des droits de l'homme .Bien triste anniversaire en vérité qui consiste à constater que la seule chose qui soit vraiment universelle en matière de droits l'homme, c'est leur violation. Certes, sur le papier , la commission des droits de l'homme, la sous commission chargée de la promotion des droits de l'Homme le Haut Commissariat aux droits de l'Homme existent et travaillent.

Mais, depuis que la Lybie et d'autres grands exemples démocratiques président aux destinées de ces grandes institutions, la caricature est devenue totale. Les droits de l'homme, en tant qu'ils constituent avant tout le droit à vivre de manière décente, le droit à être éduqué, à pouvoir s'exprimer librement, à pouvoir être jugé équitablement, à pouvoir prétendre à l'égalité en particulier pour les femmes sont en réalité plutôt en régression qu'en progrès.

La responsabilité principale en incombe aux pays industrialisés, qui, depuis des décennies, ont accepté pour des raisons commerciales et dans leur intérêt propre de fermer les yeux sur les exactions qui pouvaient être commises, sur la corruption à laquelle certains ont du reste participé, sur les violences perpétrées contre les femmes, les dissidents ou les adeptes d'une religion autre que la religion principale.

Pour avoir privilégié nos intérêts économiques sur notre plus grande richesse, à savoir nos valeurs humanistes et universalistes, nous avons perdu sur les deux tableaux. Il en va d'autant plus ainsi que bien loin d'améliorer les libertés démocratiques dans nos pays, nous sommes pour nombre d'entre nous en profonde régression démocratique.
Al Gore, dans « La raison assiégée » décrit minutieusement la manière dont le mensonge et la peur sont devenus les outils politiques de destruction du système démocratique. Nous n'avons rien à envier aux américains. La passivité organisée par la société médiatique, le règne de «l'insignifiance » aux lieux et places de l'information et du débat, « la vente du temps de cerveau disponible » pour acheter du Coca-cola ne sont pas nouveaux.

Mais, nous sommes aujourd'hui entrés dans le « dur » c'est à-dire dans l'organisation du verrouillage de la société directement en opposition à la liberté d'expression et à la liberté du choix politique que celle-ci conditionne. Le vote de la loi sur l'audiovisuel qui vise à détruire la télé publique pour en faire la chose du pouvoir et non la garantie de l'information des Français est un acte grave qui nous ramène 40 ans en arrière.

Le flicage qui se met en place par un fichage généralisé que George Orwell n'aurait osé imaginé est la deuxième pièce du puzzle.

Certes, Edvige a été tenté, raté grâce à une mobilisation très large. Mais c'est reculer pour mieux sauter. D'une part, toutes les données collectées peuvent être archivées et donc utilisées sans aucun contrôle, d'autre part, Edvirsp, Cristina, demain un fichage ethnique et de couleur de peau peut-être, en violation des principes républicains les plus élémentaires qui viennent s'ajouter aux 7,5 millions de personnes déjà recensées par M.Bauer en 2005 dans les fichiers STIC et JUDEX. Sans parler de la veille mise sur Internet pour repérer les contestataires potentiels ou tout simplement les lanceurs d'alerte ou d‘idées et le projet de loi de contrôle d'internet sous prétexte de respect de la propriété intellectuelle, qui doit effectivement être respectée.

Ainsi, le contrôle de la société est en place, les moyens nouveaux, conçus comme des libertés supplémentaires devenant des outils de surveillance, voire d'intimidation. Dans la même veine, les intimidations sur les journalistes depuis les licenciements de ceux qui déplaisent jusqu'à l'embastillage de M.de Fillipis, sans s'attarder sur les pressions des annonceurs, des actionnaires ou du pouvoir cherchent à priver la liberté d'expression de toute réalité.

La 3éme étape est la mise en coupe réglée de la justice par la privation de moyens, la suppression de toute indépendance de la magistrature et donc de la confiance nécessaire du justiciable dan son juge. Le procès équitable l'est d'autant moins qu'une justice à deux vitesses s'est mise en avec une pénalisation accrue de la délinquance ordinaire et une dépénalisation du droit des affaires particulièrement adéquate au regard des agissements actuels.

La répression des jeunes et la surveillance pénale des enfants devient une nécessité ; celle des copains et des coquins une atteinte aux libertés !

Désinformation, surveillance généralisée et une justice aux ordres sont les manifestations d'une société qui tourne le dos aux droits de l'Homme. Certes, le terrorisme, la violence et même les incivilités doivent être combattues. Mais, les progrès de la civilisation ont précisément permis de doter les sociétés d'outils pour faire croître démocratie et développement économique .

Et l'outil majeur est précisément la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, qui réunit l'un et l'autre car toucher à l'un, c'est nuire à l'autre. Pour y tourner le dos, nous risquons de compromettre un équilibre déjà fragile et de nous exposer au retour à la barbarie.

Corinne Lepage

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