Philippe Marini a déposé (et fait voter au Sénat) un amendement visant la disparition de l’avantage fiscal dont bénéficiaient jusqu’à présent – et jusqu’à la fin de leur vie - les personnes ayant élevé seule un ou plusieurs enfants. Il souhaite qu’il soit supprimé dès lors que les enfants ne vivent plus sous le toit familial.
J’ai été alertée par la newsletter Les mots ont un sens : Philippe Marini coupe la bourse… aux parents isolés… Je suis allée à la pêche dans la presse que je consulte habituellement, et 17 h 30, il n’y a que Le Monde.fr qui relaie cette information (normal, c’est un journal du soir).
Un autre amendement Marini supprime la demi-part des parents isolés qui n’ont plus d’enfants à chargeLEMONDE.FR | 09.12.08 ©
Or donc, voilà la première des «niches fiscales» à laquelle prétend s’attaquer Philippe Marini ! Qui ne manque décidément pas d’air…
Il est évident que cet amendement devait faire écho à celui qu’il a dû retirer en catastrophe hier devant le tollé général, lequel prévoyait d’accorder une déduction fiscale fort substantielle – jusqu’à 10 700 euros : approximativement le montant annuel des retraites de mémé Kamizole ! - aux contribuables ayant subi des pertes boursières… pourtant vraie «niche fiscale» s’il en fut !
Parfaite illustration de Montaigne : «Le profit de l’un est dommage de l’autre»…
Décidément, Nicolas Sarkozy, le gouvernement, la majorité au Parlement et l’UM/Posture en général n’ont même plus la décence de cacher l’arrogance prédatrice et le mépris dans lequel ils tiennent le vulgum pecus – aussi bien taillable et corvéable à merci que le Tiers-Etat sous l’Ancien Régime ! – lors même que les privilèges et les «cascades de libéralités» selon des titres du Monde diplomatique (en 1986 et 1993 : retour de la droite !) sont accordées sans restriction aux plus riches parmi les nantis…
Cela ne me surprend nullement : je subodorais depuis longtemps que la chasse aux «niches fiscales» telle que conçue par la droite viserait prioritairement les diverses exonérations d’impôts sur le revenu bénéficiant aux plus modestes et aux couches moyennes. J’en avais traité ici même à partir d’un document produit par Le Figaro.La raison en est plus que simple : les montants accordés à chaque foyer fiscal modeste sont incomparablement plus faibles que les sommes astronomiques dont bénéficient les très gros contribuables, mais les pauvres, ont le grand tort d’être autrement les plus nombreux - comme le soulignait Jules Renard ! Et chacun sait que les petits ruisseaux font les grosses rivières… (de diamant ?).
Cette demi-part supplémentaire concerne en grande majorité les mères célibataires et dans une moindre mesure, les divorcé(e)s et les veufs/ves. Elle bénéficie à 4,3 millions de ménages pour un avantage moyen de 400 euros par an et par foyer fiscal et devrait coûter à l’Etat 1,7 milliards d’euros en 2009..
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec les 12 milliards par an que coûtera dès 2009 le «bouclier fiscal» généreusement accordée dès juin 2007 aux «pauvres riches» assujettis à l’Impôt sur la fortune…Mais il est bien vrai que j’ai fort mauvais esprit !
L’amendement prévoit de réduire cette demi-part supplé-mentaire pour les parents «isolés» dès lors que les enfants ne vivent plus au foyer familial, chaque année de 10 % à partir de l’exercice fiscal 2010 (portant sur les revenus de 2009) jusqu’à sa suppression totale en 2018…
«Tanguy» ! reviens à la maison : Maman a besoin de toi…
Philippe Marini a reçu le soutien d’Eric Woerth, ministre du Budget, qui y voit – sans rire ! – une «mesure de justice» ! Au prétexte que «des contribuables continuent de bénéficier de cette demi-part alors que leur enfant déclare ses revenus séparément».
Et alors ? A franchement parler, je ne vois pas où se situe le problème, ni surtout le lien qu’il établit entre la situation fiscale du parent et celle de son ou ses enfants… Jusqu’à présent, il me semblait que l’impôt était strictement personnel et non «familial», en dehors du «quotient familial» qui sert de références au nombre de «parts» tant que les enfants sont mineurs et à la charge de leurs parents.
Et sur le plan de la «justice», il m’apparaît qu’Eric Woerth n’a rien compris au film…
Chacun sait que les parents isolés, et notamment les mères célibataires, occupent des emplois souvent subalternes, mal payés et très souvent à temps partiel - non choisi ! la plus part du temps - comme c’est très souvent le cas dans la grande distribution où elles sont fort nombreuses.
Le niveau de leur retraite s’en ressent évidemment et, contrairement aux divorcé(e) et veufs/ves, elles ne percevront aucune «pension de reversion». 400 euros en moins par an, cela fait un sacré trou dans le budget d’une retraitée qui gagnera péniblement aux alentours de 900 euros par mois !…
Mais cela, il faut sans doute vivre sur la «Planète pauvre» pour en avoir pleinement conscience. Ce n’est le cas ni de Philippe Marini ni d’Eric Woerth.
Je note toutefois que Jean-François Copé – président du groupe UMP à l’Assemblée nationale -a une vision plus réaliste – nouveau COUAC ! COUAC ! en perspective ? – quand il trouve «cette proposition un peu surprenante», disant n’être «pas certain que dans le contexte de crise, avec les problèmes de pouvoir d’achat que l’on connaît, ce soit une mesure qui soit d’actualité»… la voix de la raison.