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La géographie électorale du PS à l’issue de la bataille de Reims - 1/2

Publié le 10 décembre 2008 par Delits

Au terme des trois scrutins internes qui ont profondément agité et animé le Parti Socialiste et vu se dérouler un affrontement d’une rare violence, nous souhaitions par delà les chiffres nationaux revenir sur les résultats de ces élections afin d’apporter des éléments de réponse à différentes questions. Quel rôle et quelle influence ont eu les notables locaux dans l’issue du scrutin ? Quelle est la nouvelle géographie électorale socialiste et en quoi porte t’elle les marques d’affrontements antérieurs ? Et enfin, comment se sont comportés les courants et quels ont été les ressorts des dynamiques observés ?

Le soutien des premiers fédéraux, une condition nécessaire mais pas suffisante

Durant toute la campagne interne pour le vote au congrès, les différents candidats ont tous recherché à obtenir la signature des premiers fédéraux. Disposer du soutien du « patron » d’une fédération devait assurer un bon résultat dans son département et permettait d’aligner au plan national davantage de partisans de poids que les concurrents. Si l’on considère uniquement la métropole, c’est Bertrand Delanöe, fort du soutien des proches de François Hollande notamment, qui remporta cette manche avec 33 signatures de premiers fédéraux contre 29 pour Ségolène Royal, 25 pour Martine Aubry et 6 pour l’outsider Benoît Hamon. Or c’est Ségolène Royal qui vira en tête lors du vote des motions. Le maire de Paris ne devança que d’un cheveu Martine Aubry, Benoît Hamon obtenant quant à lui un résultat conséquent. Le soutien de nombreux premiers fédéraux ne semble donc pas être une condition suffisante pour assurer une victoire au plan national. Est-ce à dire que dans un parti comme le PS, où l’appareil pèse fortement, les premiers fédéraux n’ont plus d’influence sur leur département ? L’analyse du score des différentes motions en fonction de l’orientation des premiers fédéraux ne permet pas de valider cette hypothèse radicale puisqu’elle démontre qu’ils possèdent encore un certain pouvoir d’entraînement…et/ou qu’ils demeurent, dans la majorité des cas, en phase avec leur base. Car comme l’indique le tableau ci-dessous, dans 70 % des cas la motion pour laquelle le premier fédéral avait signé est arrivée en tête dans le département en question.

La motion arrivée en tête en fonction des signatures des premiers fédéraux (métropole)

 

Néanmoins, dans 30 % des cas le « patron » de la fédération n’a pas été suivi par le suffrage militant. Cette proportion est plus élevée (36 % soit 12 départements) parmi les signataires de la motion Delanoë, ce qui peut laisser penser que les nombreux soutiens dont il a bénéficié dans l’appareil étaient loin d’être tous en capacité d’entraîner une adhésion massive à la motion A parmi les militants (dans le Rhône, le Loir-et-Cher, la Charente par exemple qui ont placé Ségolène Royal en tête, le Gers ou le Tarn où Benoît Hamon est premier).
Si la signature du dirigeant d’une fédération n’a donc pas assuré automatiquement la victoire de la motion ainsi soutenue, il semble néanmoins qu’elle se soit traduite par une prime locale. Comme le montre le tableau suivant, chacune des motions a ainsi enregistré un score moyen dans ses fédérations signatrices significativement supérieur à son résultat national.

Le score des motions en fonction des signatures des premiers fédéraux (métropole) 

 

C’est particulièrement vrai pour Benoît Hamon dont le résultat a été très fortement dopé localement mais il ne bénéficiait du soutien que de six premiers fédéraux en métropole (Landes, Essonne, Creuse, Manche, Ain et Pyrénées-Atlantiques). Bertrand Delanoë, en revanche, n’a pu profiter en moyenne (dans les 33 départements où le premier fédéral lui était acquis) que d’un sur-vote local de 8,7 points, soit une efficacité électorale bien moindre que pour ses concurrents. Cette impression d’un contrôle beaucoup moins étroit ou d’une influence nettement moins prononcée des dirigeants pro-Delanoë sur leur fédération respective est également corroborée par l’analyse des résultats du second tour.

Si Ségolène Royal arrive assez logiquement en tête avec une moyenne de 53 % dans les 29 départements où le premier fédéral avait soutenu sa motion, elle devance encore plus largement sa rivale (58 % contre 42 %) dans ceux où le dirigeant local avait soutenu Bertrand Delanoë lors du congrès, alors même que ce dernier avait pourtant appelé à voter massivement pour la maire de Lille…

Les ressorts de la dynamique Royal

 La présidente de Poitou-Charentes s’est placée en tête lors du vote sur les motions au congrès puis de nouveau au premier tour pour la désignation du premier secrétaire en progressant sensiblement (de près de 14 points) alors qu’aucun ralliement officiel en sa faveur n’était intervenu. Le lendemain, alors que Benoît Hamon, comme Bertrand Delanoë quelques jours auparavant, appelait à voter massivement en faveur de Martine Aubry, Ségolène Royal voyait son score augmenter de 7 points pour atteindre quasiment la barre des 50 %. Il ne nous revient pas ici de prendre position dans le conflit entre les deux finalistes mais de nous interroger sur les ressorts d’une dynamique suffisamment puissante pour contrebalancer les accords d’appareils et faire progresser la candidate de 29,5 % à 49,9 % en une semaine.

Le tableau suivant compare les évolutions de Ségolène Royal et de Martine Aubry entre le vote des motions et le second tour en fonction du score obtenu par la motion Delanoë.

Progression deux finalistes par rapport aux scores du congrès en fonction du poids de la motion Delanoë

 

Si la progression de Martine Aubry apparaît spectaculaire et très corrélée avec les scores de la motion A, les reports en provenance de cette motion ne sont pas allés pour autant dans une seule direction. Ségolène Royal, bien que ne bénéficiant pas d’un appel à voter pour elle a su, elle aussi, certes dans des proportions moindres, récupérer bon nombre de voix delanoëistes notamment dans certains départements acquis à la motion A (des fiefs hollandais : Corrèze, + 31 points pour S. Royal, Haute-Vienne + 33, Cantal + 39, Bas-Rhin + 36 ; la Loire-Atlantique de JM. Ayrault + 31 ; le Morbihan de JY. Le Drian + 43 ou le Doubs de P. Moscovici + 31 points). Le même phénomène semble s’être produit avec les voix de la motion Hamon, qui se sont très majoritairement reportées sur Martine Aubry, mais dont une partie a contribué à alimenter la dynamique Royal (progression de 37 points dans le Tarn, 29 points dans la Creuse ou 28 points dans les Pyrénées-Atlantiques par exemple, tous fiefs hamonistes).

Progression deux finalistes par rapport aux scores du congrès en fonction du poids de la motion Hamon

On peut penser que la volonté de renouvellement, qu’a incarnée Benoît Hamon de par son âge, a constitué le ressort qui a fait basculer certains de ses électeurs au second tour en faveur de Ségolène Royal plutôt que de Martine Aubry, certes plus à gauche mais soutenue par bon nombre d’éléphants. La thématique du changement a sans doute moins contribué aux ralliements d’électeurs de la motion Delanoë à la présidente de Poitou-Charentes qui, en revanche présentait un positionnement politique (vote « oui » au référendum et orientation de centre-gauche sur bon nombre de questions) plus conforme à leurs attentes.

Parallèlement à cela, il ne faut pas négliger une dimension psychologique dans la dynamique Royal. On peut ainsi penser que sa forte progression et le fait qu’elle soit arrivée en tête lors du congrès et au premier tour, en dépassant à chaque fois les estimations des experts et de ses adversaires, lui aient valu le soutien de militants impressionnés par la remontée de l’outsider et « volant au secours de la victoire ». Dans le même ordre d’idée, le fait que Ségolène Royal soit apparue seule contre tous (posture qui lui avait déjà profité lors des primaires) lui a sans aucun doute permis d’engranger des voix supplémentaires.

L’analyse des résultats fédération par fédération nous montre néanmoins que cette dynamique ne s’est pas manifestée avec la même force partout. Les marges de progression de Ségolène Royal ont été mathématiquement plus limitées dans les départements qui l’avaient plébiscitée lors du congrès comme on peut le voir dans le tableau suivant.

La progression a également été très faible, mais pour d’autres raisons, dans les fiefs fabiusiens (Seine-Maritime +12 points, Haute-Corse +10 points et Pyrénées-Orientales +16 points) ou bien encore dans le Nord (+14 points) ce qui est venu alimenter les soupçons dans le camp royaliste…


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