Plusieurs pays se montrent séduits, même si cette industrie n'est pas immunisée contre la crise.
Adapter sa législation aux banques islamiques? La Grande-Bretagne a montré la voie, la France et le Japon devraient suivre.
En période de fortes turbulences, chacun cherche des solutions alternatives. Les banques n'échappent pas à la règle. C'est ainsi que nombre d'entre elles se laissent de plus en plus séduire par la finance islamique, et donc par un retour à l'économie réelle, seule activité prise en compte dans ce type de finance. On estime son taux de pénétration à quelque 12% à travers le monde, pour une croissance annuelle variant entre 10 et 30% selon les classes d'actifs.
Après la Grande-Bretagne, plusieurs autres pays occidentaux ont déjà indiqué réfléchir à une adaptation légale afin d'ouvrir leurs portes aux banques islamiques. En tête de liste: la France. Christine Lagarde, ministre de l'Economie dans l'Hexagone, a annoncé que dès janvier 2009 de telles banques seraient autorisées à ouvrir des guichets. «Pour les banques qui souhaiteraient réaliser des opérations conformes aux dispositions de la charia, on les engage à considérer le territoire français comme une terre d'accueil», a-t-elle déclaré non sans ajouter qu'elle souhaitait faire de Paris une capitale de la finance halal, comme l'est déjà Londres.
Trois institutions pourraient être autorisées à pénétrer les frontières françaises dès juin prochain: la Qatar Islamic Bank, le Kuwait Finance House et la Al-Baraka Islamic Bank. Elles démarreraient leurs activités par du financement et de l'investissement, avant de se tourner d'ici 2 à 3 ans vers la banque de détail.
Raisons à la pelle Les Pays-Bas, l'Italie et le Japon ont aussi déjà marqué leur intérêt. Au pays du Soleil levant, le but est de devenir le plus grand pays industrialisé à émettre des obligations publiques coraniques, des «sukuks». Ces obligations respectueuses des préceptes islamiques et donc sans taux d'intérêt sont déjà distribuées en Malaisie, haut lieu de la finance islamique en Asie.
Pour le Japon, il s'agit non seulement d'une opportunité de diversification des sources de financement du tissu économique local, mais également d'attirer les pétrodollars. La recherche de nouvelles niches de marché est également en jeu. Et pour cause, les ressources des monarchies du Golfe semblent à l'heure actuelle inépuisables et dans les mains de personnes en quête d'investissements et prêtes à accepter des risques.
Pas d'immunité totale
On note donc une évolution des moeurs. Ce type d'institution financière est de moins en mois assimilée à l'intégrisme religieux ou au financement du terrorisme. Pourtant, elle ne devrait pas non plus être la panacée pour les banques occidentales.
L'industrie islamique a certes jusqu'ici échappé au brusque retour de manivelle tel que l'ont subi les banques conventionnelles. Et sa faible présence dans le marché des produits structurés associée à sa politique de non-versement d'intérêts l'a prémunie de tout investissement dans les produits qualifiés aujourd'hui de «toxiques».
Mais la finance islamique n'est pas pour autant immunisée de tout risque en raison, notamment, son manque d'instruments de liquidité et de l'absence d'un marché interbanque islamique. Les actifs de ces banques devraient ainsi, selon les agences de rating, progresser en 2009 de 10 à 15% contre 20 à 30% cette année.
Autre épée de Damoclès: la chute de la valorisation des actions mais également de l'immobilier dans la région du Golfe. Ces banques ont eu beau éviter les investissements spéculatifs et les instruments financiers complexes, leurs bilans restent confrontés à une disparité entre l'actif et le passif. Les banques islamiques devront donc, pour garder la tête hors de l'eau, diversifier leurs produits et afficher une meilleure gestion de leur cash repris dans leur bilan.
Dominique Liesse
Source: L'Echo du 10 décembre 2008