Magazine

Nicolas Sarkozy, ou la démocratie chronométrée

Publié le 10 décembre 2008 par Lgb

Le monde sarkozyste est un monde de vitesse. Le rythme y sert de postiche. Il masque commodémentNicolas Sarkozy, ou la démocratie chronométrée l’absence de pensée.

Car penser n’est possible qu’à la condition expresse de prendre le temps nécessaire: envisager les enjeux, développer les problèmes et les solutions, puis les objections que l’on pourrait soulever face à ces dernières, cela nécessite stabilité, échange, et réflexion. Donc du temps.

Pierre Bourdieu, il y a douze ans, dénonçait la télévision comme un espace où il est impossible de penser faute de temps. Les questions devant succéder aux interrogations, la réponse - et le travail qu’elle suppose - n’a plus de place. Avant lui, Périclès avait expliqué - du moins d’après Thucydide - ce qui faisait la spécificité de la démocratie athénienne: elle représentait le seul régime politique de son époque où il était possible de prendre le temps de la discussion et de la réflexion avant de se lancer dans l’action. Tout autre type de fonctionnement relevait, d’après Périclès, de l’exercice irréfléchi du pouvoir, et représentait par conséquent une tyrannie où la sagesse collective ne pouvait plus se faire entendre.

Nicolas Sarkozy, ou la démocratie chronométrée
Eh bien nous y voilà: Périclès aurait beaucoup à dire face au projet de loi organique sur les nouveaux droits du Parlement. On y prévoit en effet de limiter le temps alloué à l’examen des textes en séance. Ce qui signifie que, passé un certain délai fixé en amont, la discussion cessera. Chaque groupe disposera d’un “crédit-temps” qu’il pourra utiliser comme il l’entend, en le répartissant entre les séances et les commissions. La logique, on s’en doute, est celle de l’efficacité: plus question de perdre des heures à discuter à l’infini, alors qu’on a déjà tant de choses à faire.

Ainsi s’enracinera dans le fonctionnement des débats parlementaires le principe profond du présidentialisme qui putréfie chaque jour un peu plus ce pays.

Purement ornemental, le débat n’aura plus pour fonction que de maintenir l’apparence de la démocratie. Le fait

Nicolas Sarkozy, ou la démocratie chronométrée
même de limiter la discussion et l’échange dans le temps montre en effet qu’ils n’ont, aux yeux des satrapes qui assistent Notre Président, aucune valeur herméneutique et qu’ils ne représentent pas le moyen d’arriver à une décision éclairée.

Que l’on ait trouvé une solution ou non n’a pas d’importance: une fois le temps de discussion rempli, utilement ou non, on fermera le ban.

Téléplouk et l’ORTF auront filmé les débats, le bon peuple aura vu la plaisanterie démocratie en marche, et il n’y aura plus qu’à voter.

À voter quoi? Mais ce qui est était déjà décidé en amont, dans Son Infinie Sagesse, par Notre Président bien sûr! Puis transmis par ses séïdes invertébrés au godillot-UMP, puis aux Chambres d’Enregistrement des Volontés Présidentielles, puis, simultanément, aux hommes-carpettes qui ânonneront leur prompteur devant la caméra et aux gratte-papiers qui recopieront leurs dépêches en se mordant la langue d’application, puis au populo, qui n’aura plus qu’à fermer sa gueule - ou à faire la révolution.

La fin de la discussion est synonyme de la mise en place d’un pouvoir tyrannique, disait Périclès.

Bienvenue dans la fin de la discussion!

Nicolas Sarkozy, ou la démocratie chronométrée


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lgb 979 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte