Le jour oÙ la terre s'arrÊta

Par Rob Gordon
Attention, ceci n'est pas un remake. C'est un sacrilège, un gigantesque foutage de gueule, un bon gros navet, mais certainement pas un remake. Du grand film de Robert Wise (qui doit, si je ne m'abuse et sans consulter mes fiches, dater de 1951), seuls restent les noms des personnages (un type nommé Klaatu, ça ne s'oublie pas) et une ébauche du héros (en résumé, un E.T. venu sur Terre pour sauver la planète). Tout le reste a été savamment concassé, broyé, puis amalgamé pour donner un blockbuster avec son lot d'explosions, d'effets spéciaux et de suspense. La matière, elle, a disparu, tout comme le style et le message. Mais cela ne gêne visiblement personne, et surtout pas Scott Derrickson : déjà auteur d'un nauséabond Exorcisme d'Emily Rose, le tâcheron remet le couvert et saute consciencieusement dans chaque piège offert par le sujet.
Il y aura donc une intro prétendument mystérieuse mais surtout inutile, une ritournelle sentimentalo-écolo sur le thème "l'être humain est irrattrapable mais on l'aime quand même", des scientifiques bouche bée devant des aberrations scientifiques qui n'étonnent qu'eux... Vaste programme pour cette centaine de minutes d'une inénarrable bêtise, qui recrache quelques-unes des scènes du film de Wise, mais dans le désordre (ainsi, c'est in extremis que le film justifiera son titre). Yeux vitreux et visage inexpressif, Keanu Reeves n'était sans doute pas le pire choix pour entrer dans la peau de Klaatu. Le pauvre fait ce qu'il peut, mais se retrouve rapidement contraint à débiter des banalités sur le destin de notre bonne vieille planète bleue et sur l'ambivalence du genre humain. Il n'est d'ailleurs pas aidé par une Jennifer Connelly confirmant son statut d'actrice caméléon : à chaque film, elle parvient à se mettre au niveau général. Ici, donc, elle est d'une mollesse à faire peur.
Ne jouant même pas la carte du suspense pourtant offerte sur un plateau, avec la lancinante question "Klaatu vient-il nous sauver ou nous exterminer ?", Derrickson se contente d'aligner de longues scènes bien ennuyeuses et de courtes séances de pure démonstration technique. Il s'amuse bien à réduire en poussière un stade ou un gros camion, effets qui seraient assez convaincants si l'on ne s'était pas désintéressé du film depuis bien longtemps. En revanche, ces sphères translucides façon The fountain du pauvre ou cet indestructible géant rappelant les colosses du défilé France 98 ont quelque chose de passablement risible, comme si le prétendu fond du film ne suffisait pas à déclencher l'hilarité et la consternation. Le jour où la Terre s'arrêtera de produire de tels films, elle aura déjà fait un grand pas vers un monde meilleur.
1/10