Le roi Hui des Liang aimait la guerre avec passion. Un jour, il dit à Mencius :
"Je m'occupe des affaires de l'Etat avec le plus grand soin. Au cas où la disette sévit à l'ouest du fleuve, je fais émigrer une partie des habitants dans la régioon est, d'où je prends des vivres pour les transférer dans la région de l'ouest ; et je fais de même lorsque c'est dans la région est que sévit la disette. J'ai observé les rois des Etats voisins, ils sont loin de se préoccuper autant que moi de leur peuple et pourtant la population ne diminue pas plus dans leur royaume qu'elle ne s'accroît dans le mien. Pourquoi cela ?"
Mencius répondit : "Vous aimez beaucoup la guerre. Je vais vous expliquer la chose à l'aide d'une comparaison tirée de cet art. Déjà, la bataille s'engage au roulement du tambour, les soldats se jettent les uns sur les autres, l'épée à la main. Mais voilà que bientôt les vaincus arrachent leur épaisse cotte de mailles pour s'enfuir avec plus de légèreté, portant leurs armes à bout de bras. Supposez un guerrier qui, ayant accompli une cinquantaine de pas, s'aviserait de rire d'un autre qui en a fait cent. "Poltron, lui-dit-il, tu as peur de mourir ?" Cet homme a-t-il le droit de parler ainsi ?"
Le roi répondit : "Nullement. Pour n'avoir parcouru qu'une cinquantaine de pas, il n'en est pas moins un fuyard."
Mencius reprit : "Si Votre Majesté en convient, comment se fait-il qu'elle espère voir la population de son royaume augmenter davantage que dans les autres ?"
Fable de la Chine antique, 4ème-3ème siècle av. JC.