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Edito : La guerre de l’information autour des jeux olympiques de Pékin

Publié le 01 août 2008 par Infoguerre
Lors de la campagne de candidature pour le choix des jeux olympiques de 2008, un premier ouvrage signé par Ali Laidi et Eric Dénécé (Les secrets de la guerre économique, éditions du Seuil, 2004) révélait comment une initiative française avait été lancée par un cabinet de consultants afin de mener des opérations d’influence pour défendre la candidature de Paris. Cette mission échoua pour deux raisons : le consensus diplomatique du camp occidental autour de la candidature de Pékin ne laissait aucune chance à toute démarche concurrente et le refus de déstabiliser un certain nombre de membres du Comité International Olympique soupçonnés de corruption empêchait tout renversement du rapport de force. Des opérations d’influence avaient été menées à partir du continent nord-américain sur le non respect des droits de l’Homme en Chine. La candidature de la ville de Toronto avait retenue l’intention de Pékin qui soupçonnait les Canadiens d’être en partie à l’origine de cette campagne de dénigrement. A l’époque, les Chinois avaient riposté de manière assez simpliste en dénonçant l’agressivité canadienne. Six ans plus tard, les techniques d’attaque par l’information ont pris une toute autre dimension. Les évènements du Tibet ont été en quelque sorte le point de départ de cette nouvelle guerre de l’information. Comme cela a été déjà analysé sur le web (« Jeux olympiques 2008, la guerre de l’information a commencé »), les maladresses commises par certains médias occidentaux ont permis aux autorités chinoises d’adopter la posture de l’agressé et de « tuer l’information par la contre information » en démontrant la désinformation dont la Chine était victime lorsque des chaînes de télévision nord-américaines ou des médias européens montraient des images chocs en confondant la répression des manifestations du Tibet avec la répression des manifestations au Népal ou en Inde. Parallèlement à ces incidents, la propagande antichinoise qui circule sur le web comme l’illustre ce diaporama déjà ancien s’appuie sur plusieurs canaux de diffusion :

   * La secte Falun gong.

   * Les ONG qui luttent pour la défense des droits de l’homme comme RSF.

   * Les blogs spécialisés sur le reputation management comme celui de Laurent Magloire.

Les thèmes sont aujourd’hui beaucoup plus fouillés et variés. La secte Falun gong n’hésite pas à parler de l’arrestation de l’épouse d’un industriel français à Pékin ou encore de trafic d’organes. Ce sujet est à la mode puisque dans le dernier film d’X files-regeneration, êtes-vous prêt à affronter la vérité ?, le thème central de ce film est le trafic d’organes mené par des Russes sur le territoire américain. Les ONG du type RSF concentrent désormais leurs critiques sur la censure d’Internet lors des jeux olympiques à Pékin. Laurent Magloire va plus loin en étudiant la pratique d’influence à grand échelle orchestrée par le Parti Communiste chinois par le biais des astroturfers [1], c’est-à-dire les agents d’influence chinois sur Internet. Il a repris sur son blog l’interview d’une bloggeuse chinoise Oiwam Lan, réalisée par Thomas Crampton qui est journaliste à Hong Kong.

Cette guerre de l’information va-t-elle s’intensifier lors de l’ouverture des jeux ? Il est évident que des puissances étrangères ont intérêt à affaiblir la Chine en profitant de cette fenêtre de tir informationnelle. Contrairement au boycott des jeux olympiques de Moscou qui s’inscrivait dans une riposte à l’invasion de l’Afghanistan par l’armée rouge, cette guerre de l’information indirecte a pour toile de fond des enjeux beaucoup plus géoéconomiques. L’agressivité commerciale de la Chine pose un problème majeur au monde occidental. Contrairement à ce qui s’est passé avec le Japon au début des années 90, les Etats-Unis et l’Europe ont une marge de manœuvre plus réduite pour contenir une politique de puissance centrée su le développement économique. Si le Japon a été vaincu par les Etats-Unis en 1945 (des troupes américaines séjournent toujours sur son territoire), la Chine en revanche est un pays indépendant et dont la nature du régime communiste diffère fondamentalement du cadre politique nippon. N’oublions pas non plus les difficultés rencontrées par les forces armées américaines durant la guerre de Corée face aux troupes nord-coréennes et chinoises et la défaite psychologique subie au Vietnam par le Pentagone face à la guérilla du Viêt-Cong pilotée stratégiquement par le Nord Vietnam avec le soutien très actif de la Chine (plusieurs centaines der milliers de Chinois aidaient Hanoi à reconstruire les infrastructures détruites lors des bombardements sur le Nord Vietnam). Dans cette affaire des jeux olympiques, la question centrale sera une fois de plus la bataille de la légitimité. A priori, le camp occidental ne manque pas d’arguments (droits de l’Homme bafoués par Pékin, problèmes d’environnement, inégalités économiques). Mais il les affaiblit souvent par la fébrilité informationnelle des médias américains et européens qui font glisser sur le terrain de la polémique les preuves légitimant un droit d’ingérence à vocation humaniste. Les Chinois ne lui feront aucun cadeau dans ce domaine d’autant plus que les donneurs de leçon occidentaux ont une mémoire courte toujours aussi surprenante. Qui a colonisé une partie de la Chine au cours du XIXème siècle ? Qui a déclenché la guerre de l’opium ? Qui a laissé envahir la Chine par le Japon lors de l’occupation de la Mandchourie ? Les Chinois ont, eux, la mémoire longue. C’est à partir des fondements historiques et culturels ce rapport de forces entre le monde occidental et la Chine qu’il faut analyser la validité et l’efficience des opérations d’influence et d’information menées par les uns et par les autres dans le cadre des jeux olympique de Pékin. L’erreur serait de se focaliser sur l’a priori occidental du temps présent en omettant les failles héritées du passé dans notre légitimité de prendre la parole dans cette partie du monde.

[1] « Les astroturfers sont des sortes de propagandistes sur les média sociaux, rémunérés 50 centimes de Renminbis pour chaque commentaire favorable au gouvernement de Pékin posté sur Internet. Depuis environ 2 ans, ces agents d’influence sont recrutés dans les milieux étudiants et parmi les sympathisants politiques, les cadres du Parti et les journalistes par des professionnels directement rattachés aux autorités centrales. Selon les dires de Mme Lam, leurs interventions visent à influencer en douceur et sans entrer en conflit avec l’auteur des propos contestataires ». A côté de la censure stricte qui a conduit Google à restreindre son index chinois, Yahoo à communiquer certaines informations à propos de cyber-militants et plus récemment EutelSat à interrompre la diffusion de la chaîne dissidente NTDTV, on voit ici un bel exemple de stratégie d’influence exercée via les média sociaux.

Christian Harbulot


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