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(suite du Siddhamahârahasyam)
Deuxième jour,
en forme d'hommage auspicieux
[Un chapitre est souvent appelé "jour".]
Puissance écarlate, énergie de Vie illimitée,
Suprême séductrice, tu es une pluie de nectar d'immortalité
Qui se déverse
En moi, dans le lac aux mille pétales.
Assise sur un cygne, tu es la Puissance du maître
Que je célèbre !
[Les stances d'hommage sont censées contenir la totalité de l'enseignement. Cette stance pleine de suggestions est expliquée par l'auteur dans une annexe en langue hindie.]
Les maîtres divins, parfaits et humains
Forment la lignée traditionnelle.
Avec mon corps, ma parole et mon esprit,
Je salue leurs empreintes.
["L'empreinte des pieds du maître" est le principal support de la dévotion dans les traditions tantriques kaula.]
Au commencement de toute entreprise,
Le plus important est de se remémorer
Le dieu au beau visage,
Destructeur de tous les obstacles.
Je rend hommage au maître
De toutes les apparences et de toutes les pensées,
Au Soi, au "Je',
Au Fils de grand secours,
Toi qui est la Parole présente sous la forme du bourdonnement originel.
Puisse le Seigneur des démons anéantir l'armée des obtacles,
A l'image de la lune qui,
Surgissant de l'océan de lait,
A réjouit le monde !
[Ganesha, le dieu au visage d'éléphant, est le fils de Shiva. Il est le Seigneur des démons qui entourent son père. Ces démons, les ganas, symbolisent ici les phénomènes et les réactions correspondantes, tandis que Ganesh est "leur maître", car il symbolise le "bourdonnement originel", c'est-à-dire la parfaite conscience de soi - "je suis je". Cette conscience de soi est incarnée par Om dans les rituels védiques. Ici, elle est la Déesse, Hrîm. Ce bourdonnement est "originel" car il est énoncé au commencement de tous les textes qui forment le corps visible de la Parole, de la Déesse.]
Portant un crâne, des boucles d'oreille et le bâton,
Puisse le seigneur Vatuka
Au corps rouge comme le sindoura
Nous préserver des malheurs !
[Vatuka est un autre fils de Shiva selon la mythologie classique.]
Il porte la déesse en forme de croissant sur sa tête,
Sa peau se pare de cendre pâle,
Ses yeux sont de lune, de soleil et de feu :
Puisse Shiva nous protéger !
["La déesse en forme de croissant" : Shiva porte le croissant lunaire sur sa chevelure. Le vers dit littéralement, "la déesse ayant la forme de la lettre Aim", c'est-à-dire triangulaire. Aim est un mantra important dans la tradition de l'auteur, la Shrîvidyâ, et c'est aussi le mantra de la déesse Kubjikâ, particulièrement vénérée au Népal.]
Puissent les sanctuaires sacrés nous protéger !
Là où les pélerins peuvent discuter
Chemin faisant, jusqu'au terme du voyage
Quand les prêtres rasent leur cheveux.
[L'usage veut que les pélerins offrent leur chevelure au dieu à la fin de leur pélerinage. Mais le disciple de l'auteur suggère qu'il y a un second sens - et nous n'avons guère de peine à le croire ! : les sanctuaires sont les textes sacrés. En les interprétant mots à mots, ceux qui les méditent acquièrent le discernement qui permet de distinguer l'essentiel et sont ainsi initiés par les maîtres.]
Le maître qui inclut tous les autres, Krishna,
Accompagné de la meilleure des artistes,
est le bien aimé de Râdhâ et Rukminî :
Hommage à celui dont l'essence est Shiva !
["La meilleure des artistes" est la Déesse. Selon le Mahâbhârata, Krishna est un grand dévot de Shiva. Il est aussi une incarnation de la déesse Kâlî.]
Hommage au royaume éternel, sans défauts,
Evident, au seigneur Shiva que nulle parole,
Que nulle pensée ne peuvent atteindre.
["évident" : prouvé par soi, sans qu'il soit besoin de preuves, car il est à lui-même sa propre preuve. Le disciple de l'auteur suggère que cette stance peut également s'adresser à la déesse.]
Amritavâgbhava, Le Grand Arcane des Parfaits (Siddhamahârahasyam), Jammû, 1983.