En matière de changement, au delà d'étapes et méthodologies scrupuleusement prévues sur le papier, la culture d'entreprise, c'est la partie cachée de l'iceberg.
La culture d'entreprise ... quelle culture d'entreprise ?
La culture d'entreprise est l'élément de cohésion informel de l'organisation, sa structure de valeurs. Invisible par essence, elle est son âme, la tonalité sur laquelle s'accordent tous les instruments, l'aura qui englobe et adapte tous les éléments en une unique entité et régule ses échanges avec l'environnement, elle est la colle qui fait tenir ensemble les pièces du puzzle, l'huile qui permet aux rouages de tourner, le langage tacite, que chacun parle et comprend sans l'exprimer.
Même non formalisée, elle est présente, partout dans l'organisation, imprégnant chaque maillon du système et chaque axe relationnel. Parfois explicite au travers de valeurs affichées ou majoritairement partagées, elle n'est plus souvent - ou au delà de ces déclarations - pas quelque chose qui se voit, qui s'écrit, qui se dit.
Changer ... mais sans trop changer !
C'est, bien souvent sans en avoir une conscience claire, le rêve paradoxal de tout un chacun et de toute organisation : changer, mais avec le moins de bouleversement possible. Hop, une petite transformation - transportation - transmutation et on a tous les bénéfices du nouvel état et des objectifs visés ... mais surtout sans les inconvénients. "Oui, vous m'emballez ça, vous me faites un paquet cadeau (oui c'est à emporter), et je le consommerai plus tard, tranquillement installé dans mon fauteuil."
Hélas par définition le changement est le changement : d'un état A vers un état B. Etat B qui fera à tout jamais disparaître le A. Etat B imparfait. Changer, c'est déjà détruire avant de reconstruire. C'est passer par des phases de bâtissage hasardeuses, peu plaisantes et encore moins rassurantes, pour aller vers des horizons incertains. C'est organiser les rouages, les pièces d'un puzzle, différemment. Parfois très différemment, en fonction de besoins nouveaux ou en évolution. Le changement ne peut *pas* s'envisager sans toucher à l'organisation.
Or - et c'est souvent là que le bât blesse - toucher à l'organisation, c'est toucher à la culture d'entreprise.
"On a toujours fait comme ça et ça marchait bien".
Sur chaque point à déplacer, il va donc falloir comprendre où se trouve, à quel niveau d'adhésion agit, quel rôle cohésif ou opérationnel y joue, cette structure informelle de valeurs et de repères. Car l'enjeu final est de permettre à chaque pièce du puzzle, tout d'abord de gagner une certaine mobilité, parvenir à se détacher, pour pouvoir ensuite se mettre en place dans son nouvel emplacement, et ce, sans s'éparpiller en route.
Si vous ne la brusquez pas du tout, vous n'avez aucune chance de mener un changement : les pièces, trop heureuses qu'on les laisse tranquilles, ne bougeront pas d'un poil et resteront telles qu'elles sont.
Si vous la brusquez trop, vous allez produire un effet élastique : la tension sera telle qu'in fine tout craquera, et c'est instantanément le retour à l'état A qui se produira. (pour tout le monde, et en général pour vous le premier)
Si vous anéantissez la culture, les pièces vont se disperser et se perdre, et il ne restera ... rien.
Le rôle de l'accompagnant est donc bien de faire "désadhérer" la culture. Mais ni trop, ni trop peu : juste ce qu'il faut.
La voie de la souplesse.
Comment ? En en proposant une nouvelle. Ou pour le moins, car la culture d'entreprise ne se décrète pas mais se bâtit au fil du temps et des actions quotidiennes, en essayant d'apporter, partout où nécessaire, des réponses de substitution à toutes les questions souvent non posées, auxquelles l'ancienne culture répondait en général sans le dire !
De nouveaux éléments de cohésion, une huile neuve, une colle aussi blanche, un nouveau langage commun, des valeurs d'équilibre, des repères et des liaisons adéquats, qui, maillon après maillon, vont devoir représenter un substitut suffisamment valable et cohésif pour l'emporter.
C'est pourquoi l'accompagnement du changement est un processus long, dynamique et polymorphe, imparfait, humainement complexe et sensible, tout en psychologie, nuances et subtilité de dialogue. Et où vous jouez plus souvent qu'à votre heure les funambules, entre empathie, déchiffrage et compréhension de "cette bonne vieille culture d'entreprise" et des questions que son évolution découvre, pédagogie et fermeté, pour essayer d'orienter les regards vers l'état B.