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A l'aube de la république romaine, la dette, déjà...

Publié le 14 décembre 2008 par Lheretique

J'ai retrouvé sur le journal Le Post, grâce à un diligent auditeur de l'émission A vous de juger, le script de l'entretien d'Arlette Chabot avec Bayrou, Copé et Montebourg. Il y a une petite phrase de François Bayrou qui a attiré mon attention : il répond à Copé sur ce qu'il estime être le rôle du Président en France. Pour lui, un président doit défendre avant tout les plus faibles, et il ajoute, à Rome, il y avait un tribun de la plèbe. Cela me fait fortement penser à ce que j'ai écrit au mois d'août sur les tribuns et le centrisme tribunicien (ce qui m'avait valu tout de même, en plein mois d'août, 241 commentaires pour le second billet, et ce en deux à trois jours !!!).

Du coup, j'ai repensé à la naissance de cette fonction politique à Rome, et notamment à ce qu'en avait dit Tite-Live, et je me suis souvenu des circonstances : on était en pleine crise du crédit ! Mais oui, tout à fait ! A cause des guerres, pas mal de citoyens romains s'étaient retrouvés endettés parce qu'ils avaient du laisser leurs champs, et que parfois, leurs domaines avaient été pillés par les troupes adverses. Du coup, ils avaient du emprunter et chemin-faisant, l'usure les avait réduits à un quasi-esclavage. Tite-Live évoque cela avec une technique très forte : il fait parler un ancien centurion romain. L'homme est couvert de plaies et se jette aux pieds des citoyens assemblés sur le forum. Le récit de ses mésaventures enflamme littéralement le peuple, et, comme le dit Tite-Live, «non iam foro se tumultus continet, sed passim totam urbem peruadit» (le tumulte ne se limite plus au forum, mais se répand de toutes parts dans toute la ville). C'est intéressant, comme formulation, et l'on n'en saisit pas toute la portée si l'on ignore ce que représente le forum pour les Romains. Le forum, c'est l'endroit où l'on traite des affaires économiques et politiques. Que Tite-Live dise texto que le tumulte ne se contient plus dans le forum, c'est qu'il y a un embrasement généralisé. Dans nos sociétés modernes, si les conflits débordent le champ politique, ils envahissent toute la société. On peut voir là une image ancienne applicable à notre monde moderne : forum pour le champ politique, urbs pour la société dans son ensemble. Or, Tite-Live insiste en précisant passim (çà et là) et totam (toute) : c'est un véritable quadrillage ! la colère qui enfle déborde et envahit les moindres recoins de la cité. C'est exactement ce qu'il pourrait se produire pour notre société mondiale si la crise tourne mal. Mais, revenons aux dettes.

Ces pauvres gens qui sont endettés jusqu'au cou, Tite-Live les appelle des nexi. Nexus, en latin, cela veut dire lié, enchaîné. Liés, parce qu'ils ne sont pas encore esclaves, mais, sur le bon vouloir de leur prêteur, ils peuvent le devenir du jour au lendemain. Tout comme les États endettés aujourd'hui, tout comme les individus à la merci d'une créance.

Et je trouve que Bayrou est bien dans le rôle d'un tribun, parce que justement, cette fonction-là n'est pas (plus ?) représentée en France. Ce sont des corps, et pas intermédiaires pour le compte, contrairement aux propositions de Marielle de Sarnez (elle en a encore reparlé dans le Talk du Figaro de cette semaine) qui dominent les strates du pouvoir en France, et, nulle part, le Tiers-État, pour reprendre le titre de l'ouvrage fameux de François Bayrou, ne peut s'y exprimer.

Mais pour revenir au crédit et aux dettes, je m'aperçois que l'histoire se répète, jamais sous la même forme, mais toujours avec la même trame. Rome s'en est finalement sortie, tout du moins, de cette crise-là, mais, les luttes sociales ont fini par l'abattre 450 ans plus tard. La différence, c'est qu'en 494 av J-C, Rome avait su innover en créant une nouvelle fonction politique et de nouvelles dispositions juridiques. Mais, à la veille de son effondrement politique sous les coups de boutoir assénés par des ambitieux de tout poil, à commencer par Jules César qui cherchait à cumuler tous les pouvoirs (tiens tiens...) c'est peut-être l'absence d'issue et d'innovations politiques qui ont finalement mis à bas la République.

Sans être outre-mesure alarmiste, j'aperçois tout de même chez nous les prémisses inquiétants des ingréidents qui ont fait chuter la République romaine.

Tite-Live n'a pas toujours donné des informations exactes (il faut imaginer qu'il décrit les premières révoltes à Rome presque 500 ans après les faits) mais ce qu'il rapporte, il le rapporte avec beaucoup de finesse. Et puis il un autre avantage conséquent : il a vécu l'effondrement de la République ! Il a vu donc jaucher le cycle de vie de la République Romaine et la répétition fatale des mêmes causes dans le temps. Ils pouvaient donc comparer les évènements. Certes, il s'en garde, et c'est tout à son honneur, on devine le souci d'objectivité qui est le sien, mais cela devait être certainement présent à son esprit, lui qui venait de vivre une très violente guerre civile...


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