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Au petit théâtre des cruautés (4): L'Homme moderne

Par Deathpoe
« Tu n’auras qu’à penser à mes prochains coups de bites la prochaine fois que tu t’ennuieras.
-Et si tu n’es pas là, je fais quoi ?
-Bordel, j’en sais rien. T’auras qu’à clouer un balai au sol et t’asseoir dessus.
-…
-Ça devrait t’éviter d’aller te taper n’importe qui, non.
-Je ne t’ai jamais trompé, j’te le jure.
-Tu parles, elles disent toutes ça, Chérie.
-T’es nul de dire ça.
-Mon paternel m’avait prévenu : « Fais des Picassos sur les murs de la salle de bain ou finis curé, mais te marie surtout pas. »
-Je croyais qu’il avait toujours été heureux avec ta mère ?
-Putain, non, j’suis en train de te dire que le vieux avait raison, et tu la ramènes encore.
-Calme-toi, tu t’énerves tout seul.
-C’est toi qui m’énerve, espèce de pute. Qu’est-ce que j’ai été me foutre avec une blondasse dans ton genre, j’aurai mieux fait de continuer à me branler au téléphone. »
Il se lève pour se diriger vers le bar, attrape une bouteille de whisky bon marché et boit directement au goulot. Une bonne rasade qui descend directement dans le gosier et l’échauffe encore un peu plus. On entend une toux d’enfant dans la pièce à côté. Ça l’agasse encore plus, aussi il s’allume une blonde, avant de craquer définitivement. Sa femme s’approche pour le prendre dans ses bras mais il la repousse d’un coup d’épaule.
« Tu ferais bien d’arrêter de boire et de fumer. Le docteur t’as déjà dit que c’était pas bon pour toi.
-Et toi tu vas fermer ta gueule, et fissa. Je t’ai assez répété que ça m’emmerde quand tu l’ouvres pour rien dire. »
Elle se met à sangloter, silencieusement. Ce n’est pas la première fois qu’il la traite comme ça. Elle pensait que ce n’était qu’une mauvaise passe, due à des problèmes au boulot ou au manque d’argent,mais ça empirait chaque fois un peu plus. Elle ne peut s’en empêcher, mais elle sanglote, doucement, pour ne pas l’énerver encore plus. Après tout, c’est une question d’habitude et il suffit simplement de respirer par la bouche pour ne pas être trop bruyante.
« C’est le bouquet, voilà que tu te mets à chialer. Tiens, prends le téléphone, et appelle leur foutu numéro pour femme battu. J’ai bien vu que tu l’avais retenu en regardant la télé l’autre soir. T’étais tellement concentrée pour pas l’oublier avec ta cervelle de moineau qu’on aurait dit que t’en causais toute seule. »
Elle va vers les toilettes pour se moucher. Court instant de répit.
« Dis, tu veux pas aller faire à manger maintenant, ça t’occuperas un peu.
-Mais il n’est que 18h.
-Et alors ? J’ai faim.
-Grignote un peu en attendant, les gosses n’ont pas fini leurs devoirs. »
Il pose sa bouteille sur le sol et s’approche de sa femme. Quelque chose cède dans ses yeux en même temps qu’il trébuche au bord du tapis du salon. Il l’attrape par les cheveux, tire sa tête en arrière, et lui chuchote à l’oreille :
« Putain, si tu continues, je vais tellement te cogner que les gosses ne vont pas reconnaître leur mère. »
Pour lui, quelque chose s’est définitivement brisé. Pourtant, il l’aime encore, a sa manière. Entre le loyer, les réparations de la bagnole et le patron qui le prend pour un esclava, il n’a pas les moyens de partir en vacances.
Alors il faut bien qu’il se défoule.
Maintenant, il n’a plus qu’à espérer qu’elle fera comme les précédentes. Et n’osera pas appeler le numéro vert.


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