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Lettres de Singapour (4): l'homme vertueux, qui lui aussi avait fait un rêve

Publié le 16 décembre 2008 par Chantalserriere

Quelle discipline peu prétendre percer à jour les secrets fondateurs du fonctionnement d’une société? L’anthropologie? La sociologie? La psychanlyse appliquée aux comportements des foules ? La littérature , peut-être et pourquoi pas?

Dans son livre “Singapour, Ville du lion”, présenté dans la lettre N°1, Claude-Michel  Cluny émet une hypothèse explicative de l’organisation si particulière de cette Cité-Etat. Pour lui, le caractère-même de son fondateur,  Stamford Raffles, marque jusqu’à nos jours le système spatial, politique, économique, culturel et social de ce morceau de terre, extrémité insulaire, arrachée à la péninsule malaise, en 1965, date de l’indépendance de Singapour.

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La chaussée Singapour-Johor, traversant le détroit de Johor, est l’un des deux ponts reliant Singapour à la Malaisie et à l’Asie continentale.(photo Wikipedia)

Comme je l’évoquais hier, Raffles était homme de principe et d’ouverture. Envoyé comme Gouverneur à Penang (Malaisie), il apprend le malais et s’intéresse très profondément à la culture qui l’entoure.

Lorsqu’en 1819, il débarque à Singapour, la lutte entre les puissances hollandaises et britanniques pour s’assurer le contrôle des échanges commerciaux entre l’Occident et l’Asie, bat son plein. Le rêve visionnaire de Raffles est immédiat. Ce qu’il perçoit de ce petit port insalubre qu’est alors Singapour comme futur lieu stratégique des échanges sera, comme on le sait, avéré. Il prévoit tout, organise tout, nous raconte ses biographes. Le plan de la ville, la répartition de l’espace, les consultations entre les différentes communautés, le contrôle des activités, l’allègement des charges… C’est un homme vertueux: il fait interdire les jeux, la prostitution, assainit les quartiers les plus pauvres…

Son empreinte est donc tangible. Les communautés diverses, chinoise, hindoue, malaise, occidentale se côtoient sans heurts, même si elles n’habitent pas vraiment les unes chez les autres. Elles pratiquent sans entraves leurs rituels religieux, s’invitant aux fêtes rituelles.

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Ainsi, entre paganisme et dévotion, tout le monde participe à la célébration de Noël en arpentant Orchard road. Chacun peut de même s’arrêter sous une de ces grandes tentes rouges dressées au pied des HLM, pour rendre un dernier hommage à un voisin défunt ou encore se rendre à la mosquée voisine ou pratiquer son culte  dans  l’un des temples taoïstes…

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Bien sûr, d’aucuns diront que dans les faits, la supériorité en nombre de la communauté chinoise impose une moindre égalité des chances aux autres, indienne, ou malaise. C’est qu’il ne s’agit en aucun cas, telle que certains semblent le croire,  d’une société idéale, imaginaire, lisse, parfaite, une sorte de Babel morale et sans histoire. Non, tout juste une construction humaine riche d’enseignement, que son leader éclairé Lee Kwan Yew poursuivant l’oeuvre vertueuse initiale a mené au développement économique que l’on connaît.

Plus de cloaques, terminées les épidémies de malaria, les dysenteries causées par la saleté des officines culinaires, éradiquée la corruption…

C’est pourquoi la condescendance, les ricanements et simplifications des censeurs limités par leurs propres critères d’évaluation sont difficilement recevables. Quand on connaît la misère  de certains pays d’Afrique et même d’Asie, et même de certains quartiers de nos pays nantis d’Occident, force est de constater que le secret de Singapour est un espoir aussi pour les plus démunis.

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On m’objectera l’autocensure, la superficialité, la taille de l’Etat-Cité, on m’objectera ce que l’on veut. Mais il n’est pas étonnant que Raffles, ce voyageur du futur, qui lui aussi avait fait un rêve, cet explorateur d’un futur meilleur et plausible, soit vénéré par ces hommes et ces femmes si différents, formant un peuple, celui de Singapour, vaquant à ses occupations quotidiennes, et qui, malgré ses contradictions, nous donnent quotidiennement à réfléchir sur nos propres activités.

(cf à cet égard le commentaire autorisé et signé “vu de Singapour”, à la suite de la “Lettre de Singapour n°1″)

(A suivre)

Photos 2, 3 et 4: Guy Serrière


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