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Europe sociale : La fin du travail sans fin ?

Publié le 17 décembre 2008 par Slovar
Chez Slovar, nous ne l'avons jamais caché, nous ne sommes pas des eurobéats. En effet, sans faire partie du clan des eurosceptiques, nous sommes souvent critiques (a juste titre) sur les directives émises par la commission européenne qui est trop souvent la chambre d'enregistrement des demandes des lobbies d'employeurs comme Business Europe.
A tel point que nous avions fini par nous demander si le parlement européen (dont les citoyens vont renouveler les députés l'année prochaine) servait vraiment à quelque chose. L'accident Rama Yade (qui ne veut pas être tête de liste UMP pour les prochaines européennes) a d'ailleurs renforcé un peu plus notre opinion : Siéger à Strasbourg est une corvée et certainement pas un privilège.
Aussi, lorsqu'on apprend que des députés européens se sont battus et ont gagné contre une des plus grandes régressions sociales que l'Europe ait pu envisager, on se dit que finalement en 2009 on va regarder de près qui sont les candidats et quels sont leurs programmes.
Mais, de quel combat s'agit-il ?
Le député socialiste Espagnol Alejandro Cercas a présenté un rapport qui améliore les conditions de vie professionnelles et familiales pour des millions d'européens en limitant entre autre le nombre d'heures de travail à 48h par semaine et en mettant fin au régime de dérogation du principe de l'opt-out trois ans après l'entrée en vigueur de la directive. Le temps de garde, même inactif, devrait être considéré comme du temps de travail.
Op out késako ?
Article 18 de la directive 93-104 “ opt out ”
“ Dispositions finales
1. a) Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 23 novembre 1996 ou s'assurent, au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d'accord, les États membres devant prendre toute mesure nécessaire pour pouvoir à tout moment garantir les résultats imposés par la présente directive. (Durée maxima hebdo de 48 h)
b) i)Toutefois, un État membre a la faculté de ne pas appliquer l'article 6 tout en respectant les principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs et à condition qu'il assure, par les mesures nécessaires prises à cet effet, que:
- Aucun employeur ne demande à un travailleur de travailler plus de quarante-huit heures au cours d'une période de sept jours, calculée comme moyenne de la période de référence visée à l'article 16 point 2, à moins qu'il ait obtenu l'accord du travailleur pour effectuer un tel travail,
- Aucun travailleur ne puisse subir aucun préjudice du fait qu'il n'est pas disposé à donner son accord pour effectuer un tel travail,
- L'employeur tienne des registres mis à jour de tous les travailleurs qui effectuent un tel travail,
- Les registres soient mis à la disposition des autorités compétentes qui peuvent interdire ou restreindre, pour des raisons de sécurité et/ou de santé des travailleurs, la possibilité de dépasser la durée maximale hebdomadaire de travail,
- L'employeur, sur demande des autorités compétentes, donne à celles-ci des informations sur les accords donnés par les travailleurs pour effectuer un travail dépassant quarante huit heures au cours d'une période de sept jours, calculées comme moyenne de la période de référence visée à l'article 16 point 2.
Avant l'expiration d'une période de sept ans à compter de la date visée au point a), le Conseil, sur la base d'une proposition de la Commission, accompagnée d'un rapport d'évaluation, réexamine les dispositions du présent point i) et décide des suites à y donner.
Ce qui signifiait que l’Europe envisageait de permettre de travailler 60 h hebdomadaires, (pendant que la Corée du sud a lutté 25 ans pour baisser la durée du travail de 55 h à 40 h - Source : A ceux qui veulent comprendre l’opt out - Comment passer de 48 à 65 h maxima hebdomadaire - Gérard Filoche
L'un de ceux qui ont défendu et voté pour ce rapport s'appelle Jean-Louis Cottigny.
M Cottigny est député européen socialiste et vice-président de la commission emploi et affaires sociales. La majorité des français ignorent ce nom et pourtant l'homme n'est pas un débutant. Son parcours personnel ne manque d'ailleurs pas d'intérêt.
Jean-Louis Cottigny est né le 12 septembre 1950 à Hesdin. Il est un homme politique français membre du Parti Socialiste, présent à son conseil national depuis 1990. Il a été secrétaire national aux entreprises. Ouvrier, puis assistant régional (1970-1989), il a également été président du conseil de prud'hommes du tribunal d'Arras.
Il est autodidacte. Il a été conseiller au secrétariat d'état au logement, chargé des aires d'accueil pour les gens du voyage, de 2001 à 2002. Député européen une première fois, en remplacement de Bernard Kouchner, démissionnaire en 1997, il ne s'était pas représenté en 1999. Il est redevenu Député européen en 2004.
En termes de défense des droits sociaux, il prend les choses au sérieux puisqu'il était au premier plan de la bataille sur la directive services dite BOLKESTEIN
Strasbourg, le 16 février 2006
"J'étais présent ce jour dans l'hémicycle pour participer, avec les socialistes français, au vote sur la directive services dite BOLKESTEIN qui a été adoptée par 394 voix contre 215 avec 33 abstentions.
Aujourd'hui, ce que je peux dire en sortant de cette longue séance de vote qui a duré plus de trois heures, c'est que nous n'avons pas fait un pas en avant sur la voie de l'Europe Sociale.
Certes, le principe du pays d'origine n'est plus formellement inscrit dans le texte, mais il n'y est pas remplacé par le principe du pays de destination, cela laisse donc un vide juridique dans lequel pourra s'engouffrer la Cour de Justice européenne. Les compromis qui ont pu être obtenus, sont effectivement une victoire de la gauche et du mouvement social, mais ils ne sont pas suffisants, les services publics par exemple ne sont pas complètement exclus de la nouvelle directive, l'éducation, la recherche, la culture, les services postaux, la gestion de l'eau sont encore ouverts à concurrence.
Si une partie des travailleurs salariés est protégée par cette nouvelle version de la directive, il n'en est pas de même pour les travailleurs indépendants sur lesquels un accord avec la droite s'est avéré impossible, on peut légitiment craindre de voir apparaître dans le futur de "faux indépendants" travaillant en réalité pour des employeurs étrangers!
Nous ne sommes pas à l'abri avec ce texte de voir s'encourager le dumping social dans certaines branches, une fois de plus ce seront les salariés les premiers touchés. Nous devons nous mobiliser pour préparer le retour de cette directive en deuxième lecture. L'Europe Sociale à laquelle j'aspire aujourd'hui ne reste que des mots, sa construction sera encore longue."
Mais pour en revenir au temps de travail dans l'Union européenne, qu'ont obtenu Jean-Louis Cottigny et les eurodéoputés qui ont soutenu le rapport d'Alejandro Cercas ?
C'est Jean-Louis Cottigny qui nous commente les résultats :
La position du rapporteur s'écarte ainsi diamétralement de celle du Conseil sur trois point principaux :
- Le maintien du principe de l'"opt-out" (clause de renonciation): La position commune du Conseil entend essentiellement étendre le recours à l'"opt-out" individuel pour les Etats qui souhaitent déroger au principe de la durée maximale hebdomadaire de travail de 48h/semaine. Des limites sont posées à l'opt-out avec une durée maximale de 60h/semaine sur une période de trois mois, ou de 65h/semaine en l'absence d'accords collectifs. "Même pour les pays où aucune réglementation n'existait, je ne pourrai pas regarder les ouvriers de ces pays dans les yeux et leur dire que 65 heures par semaine serait un progrès social", estime Jean-Louis Cottigny. "Alors que le chômage menace les ouvriers en ces temps de crise économique, il serait stupide de les faire travailler 65 heures par semaine", ajoute t-il.
→ Par contre, le rapport Cercas voté proposait le retrait de l'opt-out, 36 mois après l'entrée en vigueur de la directive, et prévoyait une durée moyenne hebdomadaire de travail de 48 heures. "La suppression de ce régime de dérogation est une grande victoire pour les socialistes et le monde du travail", déclare Jean-Louis Cottigny.
- la définition du temps de garde: La position commune du Conseil établit que les périodes inactives du temps de garde ne devraient pas être considérées comme du temps de travail au sens de la directive, à moins que la législation nationale ou des conventions collectives n'en disposent autrement. "Ces mesures menacent la santé des médecins et autres travailleurs qui ont des fonctions en période de repos, voire celle des patients et personnes tierces Qui souhaiterait confier un proche pour une intervention médicale à un médecin qui sort de 20 heures de garde sans aucun temps de repos? Pas moi en tous cas."", précise Jean-Louis Cottigny.
Jean-Louis Cottigny a donc participé mardi 16 décembre à Strasbourg, à la veille du vote, aux côtés d'autres collègues socialistes français et européens, à la manifestation organisée par la Confédération européenne des Syndicats (CES) et l'Organisation européenne des médecins, pour le renforcement de la législation européenne sur le temps de travail.
→ Le compromis Cercas demandait le respect des arrêts de la Cour de Justice pour qui les périodes inactives de temps de garde constituent du travail dans leur totalité.
Jean-Louis Cottigny se félicite de l'adoption de cet amendement.
- les périodes de repos compensateur: La position du Conseil prévoit qu'il appartient aux Etats membres de déterminer la durée de délai raisonnable dans lequel un repos compensateur est attribuée.
→ Le compromis Cercas prévoyait que des périodes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs qui n'ont pas pu prendre des périodes de repos normales après des périodes de service. Et ce compromis a également été adopté.
Petite victoire diront certains. Lorsqu'on sait qu'il faut batailler contre une Commission Européenne ultra libérale et les us et coutumes de 27 pays adhérents à l'union pour obtenir quelque chose, nous dirons que c'est un exploit. Cet exploit, nous le devons en partie à des élus socialistes pour qui les problèmes d'égo et de carrière sont secondaires et qui honorent leur mandat d'Eurodéputés. Il leur faudra néanmoins rester vigilants car la contre attaque des lobbies soutenus par leurs parlementaires habituels sera certainement rapide.
Aujourd'hui, notre Président de la République évoquait et mettait en cause à l'Ecole polytechnique à Palaiseau notre "modèle de reproduction sociale" qui serait responsable de la panne de notre modèle d'intégration. Nous attirons son attention sur le fait que des élus autodidactes et ouvriers comme Jean-Louis Cottigny sont très très loin d'être la norme et que les partis politiques à commencer par l'UMP, pourraient donner l'exemple de cette diversité sociale.
"Comment parler de la République quand la réussite scolaire et l'avenir professionnel dépendent non de l'intelligence, du courage, de l'ardeur au travail mais beaucoup du milieu social d'où l'on vient, des quartiers où l'on habite, de nom que l'on porte, de la couleur de sa peau?" a déclaré Nicolas Sarkozy - Source Le Figaro
Nous aurons plaisir à vérifier si les listes UMP constituées pour les prochaines élections européennes intègrent bien (en position éligible) des candidats dont l'avenir professionnel dépend non de l'intelligence, du courage, de l'ardeur au travail mais beaucoup du milieu social d'où l'on vient, des quartiers où l'on habite, de nom que l'on porte, de la couleur de sa peau. Car si l'on s'en réfère à l'actuelle assemblée nationale, on ne trouve (tous partis confondus) qu'un ouvrier contre 39 avocats et 36 hauts fonctionnaires - Source Assemblée Nationale
La République, "ce n'est pas un modèle figé pour l'éternité. Ce n'est pas l'immobilisme, le conservatisme", a-t-il poursuivi. Il n'y pas de "République réelle" sans "volontarisme républicain".
Rendez-vous le 7 juin 2009 pour éventuellement rappeler ces paroles à notre Chef de l'Etat au cas ou les listes de sa majorité serviraient essentiellement à "placer" des ministres sortants, des battus du suffrage universel en France ou des amis politiques cumulards.
Nous aurons plaisir dans le cas contraire à saluer son "volontarisme républicain"

Libellés : emploi, europe, temps de travail


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