Magazine

Nancy Huston

Publié le 17 décembre 2008 par Magdala
L'empreinte de l'ange
Sur fond de guerre d'Algérie, et quelques années après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Saffie, une jeune allemande, rencontre Raphaël Lepage, un flûtiste professionnel. Elle travaille pour lui, et lui tombe amoureux d'elle. Ils se marient et ont un petit garçon quelques mois plus tard. Mais Saffie est absente, comme hors de sa vie, indifférente à ce qui l'entoure, même pendant sa grossesse. Elle semble se soumettre à Raphaël sans même éprouver quoi que ce soit. Elle restera mystérieuse et lointaine face à Raphaël, et c'est au luthier András, juif et hongrois, qu'elle se confiera, et que nous apprendrons son passé et comprendrons ainsi mieux son comportement. Une amour adultère va se développer, qui va transfigurer Saffie, autant dans son rôle de femme, que dans celui d'épouse et de mère.
Les confessions de Saffie et d'András, les événements qui se déroulent tout au long de leur histoire «seront l'occasion pour Nancy Huston, de nous entraîner dans l'aventure du XXe siècle, en dépeçant notre mémoire, en nous rappelant tous les crimes de notre temps, le nazisme bien sûr, les chambres à gaz, mais aussi la guerre d'Algérie, la torture instituée, le massacre du 17 octobre 1961, la haine, la révolte, la responsabilité de chacun, l'innocence perdue…» (littera05)
Pendant toute la première partie, nous nous demandons ce qui est arrivé à cette jeune femme qui a vécu la Seconde Guerre mondiale.
Son point de vue est différent, puisqu'elle est allemande. Dans les années 50, être une allemande en France remuait des souvenirs non désirés, comme le montre la réaction de la mère de Raphaël lorsqu'elle apprend que son fils va se marier avec une allemande, une «boche».
Mais la force du récit est justement de ne jamais juger ses personnages.
Aussi on comprend au fur et à mesure l'enfer que Saffie et sa famille ont vécu, on découvre la guerre d'un point de vue différent, que l'on n'a pas l'habitude de lire.
En France, Saffie va se trouver de nouveau plongée dans la guerre, celle d'Algérie cette fois-ci. De nouveau les horreurs, les tortures, les morts.
Saffie, en côtoyant András, qui la confronte doublement en étant juif et en étant impliqué dans la guerre d'Algérie, va se révéler et parvenir, peu à peu, à pardonner et à vivre, tout simplement.
L'empreinte de l'ange a donc un aspect historique, très documenté et passionnant. L'Histoire est véritablement l'un des personnages de ce roman.
L'autre thème important du livre est l'amour entre deux êtres que tout séparait. C'est une passion dévorante, une renaissance. Cet amour, encore une fois, va au-delà des conventions, Saffie étant mariée. Raphaël, lui, ne soupçonne rien. Seule un personnage, Mlle Blanche, soupçonne Saffie d'avoir un amant, car elle se voit dans cette jeune fille qui court rejoindre son amant dans le quartier du Marais, dès que son mari est parti.
Parallèlement à cet amour fou, et interdit, il y a l'amour de Raphaël pour Saffie. Un amour aveugle, et aveuglant, car Raphaël se jette dans cet amour en sachant qu'il n'est pas aimé en retour. Il ne cherche pas à comprendre les sentiments qui animent son épouse. Il en devient indifférent, comme étranger à sa propre femme et à son fils. Ce dernier lui lance d'ailleurs : «De toute façon, t'as jamais fait attention à nous...», laissant Raphaël effondré. D'autant plus effondré que Raphaël a été le plus présent lors de la naissance de leur fils.
Dans ce livre, l'amour transfigure les personnages, l'amour maternel, l'amour adultère, l'amour aveugle, pour les rendre meilleurs, ou les détruire.
Concernant la structure du roman, on sent que Nancy Huston est une musicienne (elle joue en effet du piano, du clavecin, de la flûte). L'histoire avance comme dans une symphonie jouée par Raphaël Lepage, avec ses crescendo et ses adagio. Nancy Huston a raconté dans une entrevue que lorsqu'elle travaillait sur ce livre, elle jouait de la flûte tous les matins. Une façon inspirante de s'imprégner de son histoire et de ses personnages.
On ne sort pas indemne de ce roman, l'intensité dramatique est à son apogée dès le début. Il y a des moments de bonheur, fugaces mais intenses, et des retombées dramatiques inattendues. Un roman difficile à quitter, on s'attache aux personnages, à leurs failles, à leur destin.

Composé par Fibula

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Magdala 132 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog