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Bilance et président

Publié le 18 décembre 2008 par H16

Traditionnellement, avec la fin de l'année, on s'occupe de bilan. Dans certaines entreprises, il s'agira du bilan comptable, par exemple. Avec la criiiiise qui sévit de plus en plus fort, c'est aussi avec des dépôts de bilan que bruisse les nouvelles économiques. Sur le plan politique, les hommes de pouvoirs profitent aussi de la période des fêtes pour proposer leur propre version de l'année écoulée : après tout, il n'y a pas de mal à se faire du bien et proposer soi-même un bilan de son action. On est sûr, du reste, de faire plaisir à quelqu'un, dût-il être seul. Et comme dans ce contexte l'exercice est avant tout médiatique, le bouillant président français n'allait pas passer à côté de l'aubaine.

Et 2008 aura été l'occasion pour le socialiste de droite d'exprimer pleinement toute la puissance de son interventionnisme. Mieux : avec la présidence de l'Union Européenne, un véritable boulevard s'est ouvert devant Sarkozy qui aura donc profité de l'opportunité pour faire parler de l'Europe, de la France, et, bien sûr et avant tout, de lui.

Soyons honnête (deux minutes - ça changera au libéral profondément fourbe tapis au fond de mon être sournois) : les circonstances furent plutôt difficile pour cette présidence et, comparé à bien d'autres, il n'est pas sûr qu'un autre que Sarkozy s'en serait sorti médiatiquement aussi bien.

En effet, si l'on s'en tient au calendrier, il fut chargé : entre le conflit géorgien et la crise financière, il y a eu de quoi s'occuper. Si l'on prend en compte les gesticulations ajoutées pour faire gonfler le ballon à air chaud de la présidence française, on comprend pourquoi ce dernier est monté bien haut dans le ciel : conférences climatiques et carbonogènes, excitations parlementaires sur le traité de Lisbonne, bidouillages furieux pour une Union Méditerranéenne encore bien floue, tout était réuni pour que ces six mois soient ponctués des déplacements officiels, conférences de presse et sommets gouvernementaux. Les européens ont donc pu mesurer directement la quantité de petits-fours et de cortèges de police que leurs impôts ont payé pendant cette période.

Et toute la force de Sarkozy, finalement, aura précisément résidé dans cette performance : au point d'épuiser son staff, il aura su occuper le devant de la scène. On ne peut pas lui retirer deux qualités : il sait occuper l'espace médiatique et connaît suffisamment bien les rouages de la politique politicienne pour être parvenu à se hisser à son poste. D'ailleurs, pour obtenir une quasi-unanimité des députés lors de son dernier discours en tant que président de l'Union au Parlement Européen, c'est qu'il a réussi à apporter ce que beaucoup de ses prédécesseurs ont échoué à amener : une voix forte pour l'Europe.

Cependant, ne nous y trompons pas. Ce constat, qui rend à Nicolas ce qui appartient à Nicolas, n'est que le petit bout de la lorgnette.

Car en fait, si Sarkozy a plu comme Président Européen, c'est bien parce qu'il a su utiliser les jeux de grossissement que les médias offrent : la mise en lumière des déplacements déchaînés et autres sauteries politiques permet de créer de l'actualité à pas cher, mais une fois les paillettes retombées, les petits-fours engloutis, les coupes de champagnes vidées et débarrassées, que reste-t-il ?

Au niveau du contenu, c'est assez dramatique...

En terme de lutte contre le refroidissement réchauffement changement climatique, le CO2 Vapeur d'eau air chaud les gaz à effet de serre, les ongles cassants, les fourchettes en plastiques et autres fléaux de notre société de surconsommation méchante contre Gaïa, on ne peut pas dire que les engagements pris soient particulièrement flamboyants : Il n'y a pas un continent au monde qui se soit doté de règles aussi contraignantes se réjouit l'impétrant , ce qui veut dire en substance qu'en ces moments pénibles où tous les citoyens européens vont devoir faire de gros efforts, notre joyeux troubadour a réussi à leur coller un magnifique boulet supplémentaire tout en conservant l'objectif du 100m en moins de 10s. Mais ici, ce qui compte c'est finalement que la présidence française aura claironné être parvenu à un accord.

Pour l'Union méditerranéenne, je mets au défi un citoyen moyen de définir ce qui est ressorti des petites papouilles de juillet 2008. D'ailleurs, pour être clair, tout le monde s'en fiche bien de ce Machin supplémentaire qui sent un peu, dans le fond, les odeurs moisies de la politique coloniale française d'un autre siècle. Là encore, ce qui ressort est la joie pétillante de la présidence française suite à ces papouillades enamourées.

Le conflit géorgien aura permis à notre phalange d'activistes des affaires étrangères de montrer toute l'étendue de leur neutralité opérationnelle : dès que l'accord fut signé par personne, les Russes et les Géorgiens se sont empressés de continuer comme si de rien n'était. Le temps, et les exhortations plus ou moins discrète du reste du monde, auront fini par calmer le jeu, probablement au même rythme, d'ailleurs, que si Sarkozy n'était pas intervenu du tout. Mais je suppute bêtement, et nous devons n'en retenir que ceci : le conflit russo-géorgien s'écrira dans les livres d'histoires avec la mention du président français. C'est ce qui compte.

Pour la crise, l'équipe de chic de Sarkozy se sera essentiellement muée en équipe de chèque : mis à part en signer quelques uns, de préférence en blanc, les actions menées jusqu'à présent ont surtout brillé par leur terrible nullité opérationnelle. Les taux des banques centrales continuent à chuter sans que les marchés et l'inflation se ressaisissent, le dollar joue au yoyo, la situation interbancaire ressemble toujours à une furieuse partie de jokari dans une boutique de porcelaine et les perspectives pour 2009 seront passées, grâce ou malgré les incessantes déclarations tonitruantes des chefs d'état et de gouvernement, de sombres à catastrophiques ; pendant que Bernanke a "dérapé" sur File / Print / Number of Copies : 1.000.000.000, Sarkozy et la Commission nous auront proposé un plan à 0.4 Paulson à peu près[1] , visant essentiellement à redonner du souffle au crédit dont de plus en plus d'économistes s'accordent à dire qu'il constitue la raison essentielle de la crise. A l'instar d'un pyromane lâché dans une sèche garrigue avec un kärcher lance-flamme, on a donc choisi de laisser notre président en possession de son chéquier dont il s'est empressé de remplir les blancs et les cases vides avec les montants les plus farfelus. Mais là encore, ce qu'il faut retenir est la parfaite mise en musique médiatique des annonces financières et économiques, tant au plan européen qu'au plan national.

Car en fait, ce qui caractérise tant la présidence européenne de Sarkozy que sa présidence nationale, ce n'est pas les résultats obtenus, dont on peut dire qu'ils sont extrêmement pastels : les marges de manoeuvres étant étroites et les leviers disponibles petits et peu nombreux, il serait ridicule de s'attendre à un résultat quelconque alors que, tous les jours, on se rend compte de la déconnexion entre les "élites" et la vie réelle qui ne les attend pas et ne peut se satisfaire de discours arrosés de champagne léger.


Politique Sarkozienne, début 21è

Non, le talent de Sarkozy ne fut pas non plus de présenter une voix unique en Europe. En réalité, sa force aura été médiatique : il aura simplement réussi à parler plus fort, beaucoup plus fort, que tous les autres. Et, par effet de groupe (les silencieux ayant toujours tort médiatiquement), il sera donc parvenu à fédérer les autres pays sur ses magnifiques envolées lyriques aux traductions factuelles ... floues.

Et finalement, c'est efficace : tant en politique intérieure qu'en politique internationale, les actions menées semblent, après une prise de recul, toujours très modestes et ne méritent pas, pour l'écrasante majorité, tous les débats enfiévrés et les nombreux articles qu'ils ont suscités.

De ce point de vue, Sarkozy a probablement compris qu'il ne pouvait pas, réellement, faire grand-chose, que ses actions seraient à la marge. Mais quoi qu'il fasse, il le fait savoir avec tant de force que la moindre bricole administrative, la moindre broutille parlementaire ou le premier buffet petits-fours entre VIP deviennent une véritable victoire de David contre Goliath à la suite d'une bataille homérique sur un fond musical de Wagner, genre Chevauchée des Walkyries.

On peut se demander combien de temps le vacarme présidentiel continuera. Mais en tout cas, une chose est sûre : l'année 2009 ne le laissera pas roupiller sur ses lauriers européens.

Notes

[1] le cours EUR/USD variant tous les jours dans des proportions importantes, la rédaction s'excuse de l'imprécision


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