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Farscape : Liars, Guns and Money [devenu : Fan, critique et sériephile]

Publié le 18 décembre 2008 par Heather

[Billet initialement supposé évoquer Farscape, mais qui a fini par considérablement dériver dans la deuxième partie du post sur des questions relatives à la qualité de "fan de série", et sur la place du sériephile et du critique.]
J'avais initialement prévu de vous parler des Sarah Connor Chronicles ou bien de Brothers & Sisters -depuis le temps que je vous promets un bilan qui ne vient jamais-, la mi-saison constitue le prétexte parfait. Mais votre apprentie critique en herbe qui blogue sur ces pages, sans doute subjuguée par le dernier épisode sur lequel elle avait zappé d'une rediffusion de L'homme qui tombe à pic, a entrepris d'imiter notre héros et s'est retrouvée sens dessus dessous, un brin immobilisée, un peu ankilosée, pour avoir tenté sans grand succès un demi-salto avant sur les troittoirs enneigés de sa belle blanche ville -figure artistique qui s'est transformée en plongeon sur du verglas plutôt dur. Si bien que la note envisagée fut -à nouveau- remise à une prochaine fois (promis, je vais tâcher d'en produire au moins une d'ici la fin du mois!).
Pour se changer les idées après quelques heures d'attente dans divers services médicaux, il fallait au moins quitter notre galaxie.
C'est donc ainsi qu'après une brève spéléologie dans ma bibliothèque, j'ai ressorti des DVD (série disséminée sur multiples supports particulièrement complexe à centraliser) pour m'offrir une deux soirées de LA série dépaysante s'il en est : Farscape. La neige, l'appel à l'évasion, et puis aussi cette piqûre de rappel délicieuse que constituent les reviews de la Sorcière, sur son blog, qui s'offre aussi quelques réminescences, ont achevé de me convaincre de me replonger dans ce petit bijou de science-fiction. Bijou dont le décor, les personnages et l'ambiance ont l'habitude de faire lever un sourcil perplexe chee tous ceux que j'ai un jour tenté -toujours vainement- de convertir. Farscape, OSFNI ? (= Objet de Science-Fiction Non Identifié)

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Comme la logique chronologique m'a toujours semblée un concept sur-évalué, j'ai opté pour le visionnage de la trilogie qui nous entraîne vers la fin de la saison 2 : Liars, Guns and Money, soit les épisodes 2.19, 2.20 et 2.21. Entre animations, scènes jubilatoires et dialogues cultes : qui n'a pas senti son coeur se serrer lorsque Crichton choisit le moment où Aeryn et lui sont sous le feu ennemi, à l'intérieur de la banque, pour tenter de faire une maladroite déclaration concernant ses sentiments pour la Sébacéenne ? Qui n'a pas éprouvé un frisson lors de la scène finale du 2.20, lorsque Crichton lâchant "You win", Scorpius répond dans son style inimitable "As if there was ever any doubt" ? Qui n'a pas achevé de se ronger les sangs alors que la santé mentale de notre astronaute favori se dilue inéxorablement ? Cette trilogie représente un condensé de tout ce qui fait l'essence et l'attractivité de la série, ce brin de folie conjugué à la tragédie, et notamment le traitement toujours intense et émotionnel des relations entre les personnages et de leur psychologie. D'Argo, à la recherche de son fils, prend une dimension supplémentaire, que ses conflits avec Crichton achèvent de mettre en exergue. De plus, cette trilogie constitue également une forme de récompense pour le téléspectateur assidu, puisque l'équipe de mercenaires à laquelle l'équipage de Moya fait appel est composée de membres de diverses espèces et bandes déjà croisés -souvent dans des conditions très mouvementées- dans les épisodes précédents. Petit clin d'oeil sympathique. C'est bien simple, à chaque fois que je revisionne ces trois épisodes, je trépigne, je jubile, j'applaudis et je savoure chaque scène... Du vrai plaisir sériephile, même pas guilty !
Incontestablement, avant de conclure au summum avec le culte Die me, Dichotomie, les scénaristes de Farscape n'avaient absolument pas ménagé les téléspectateurs, et les fans finirent sans doute la saison fort éprouvés. Pourquoi cette trilogie revêt-elle à mes yeux un aspect si important ? C'est parce que c'est aussi durant ces épisodes que j'ai compris que j'étais véritablement devenue "fan" de la série. Le qualificatif lourd de sens, un brin péjoratif à nos oreilles de critiques rationnalistes, est donc lâché. "Fan d'une série", expression galvaudée s'il en est, mais qui produit toujours son petit effet. Si bien que ce revisionnage m'a amenée à m'interroger sur cet étrange phénomène qui défie la raison du sériephile, pour le prendre directement par les sentiments.

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C'est le moment d'avouer que ce n'est que récemment que j'ai enfin eu l'occasion de me plonger dans l'univers Farscape, il y a seulement 3-4 ans environ. On avait donc eu le temps de m'en chanter les louanges sur tous les tons sur les forums que je fréquentais, où j'étais restée témoin sans opinion des affrontements entre pro-Stargate et pro-Farscape (il fut une époque où c'était un classique de tout forum sur les séries). Les exigences de la diffusion m'avait conduite logiquement vers Stargate (merci M6), mais les remarques autour de Farscape avaient inscrit la série sur mon agenda pour "quand ça serait matériellement possible" (ie, dans quelques années).
Ces bonnes critiques, instinctivement, m'avaient rendue aussi curieuse que méfiante, d'autant que les quelques extraits entrevus ça et là m'avaient plutôt laissée un peu perplexe devant cet esthétique très cheap et ces personnages bigarés. Avouons que durant une bonne partie de la saison 1, je suis restée sur la réserve. Oui c'était fun, sans conséquence et exotique. Mais il manquait manifestement quelque chose pour que l'ensemble prenne. Sans être prête à abandonner (parce que friande de science-fiction en manque), j'avais considérablement revu mes attentes à la baisse, lorsque le déclic se produisit sans que je me rende bien compte du moment précis. Soudain, je ne pouvais plus attendre une semaine avant de regarder l'épisode suivant, voire même je commençais à en enchaîner plusieurs d'affilée en sentant inconsciemment que quelque chose se produisait. Paradoxalement, je ne me suis jamais depuis replongée dans ces épisodes "clés" dans mon addiction à cette série. Je soupçonne que la période charnière se situe autour de l'épisode 15 ou 16 de la saison 1, sans pouvoir dire si c'est l'instant où j'ai compris que j'étais devenue accro, ou si c'est effectivement un de ces épisodes qui a créé le fameux déclic.
Cependant, une fois que l'on aime, voire adore, une série, il y a encore un pas à franchir avant de se déclarer "fan". En effet, ce concept de "fan" ne se réduit pas - à mon sens - à cette extase irrationnelle avec laquelle on peut parler d'une série, ni à la perte de tout sens critique, ni à la collection de tous les objets dérivés avec une vénération proche de l'idolâtrie, ni encore se pâmer devant le beau brun (ou la belle brune) qui incarne le héros. Tous ces éléments sont, tout au plus, des symptômes, mais ils ne caractérisent pas le mal d'origine : la "fan-attitude", c'est-à-dire ce qui constitue l'essence de la sériephilie. En réalité, tout se forme lors d'un moment unique où une série va répondre parfaitement à vos plus secrètes attentes. Dans et par cet unique instant de jubilation intense, les personnages deviennent bien plus que de simples protagonistes, et ainsi un lien quasi-fusionnel se crée, une forme de relation entre l'univers de la série et vous, simple téléspectateur lambda chez qui elle prend soudain une autre signification qu'un simple divertissement. C'est quelque chose de très rare, de magique en ce sens que cela n'a rien à voir avec la raison. Il ne s'agit pas d'apporter la preuve par A+B de la qualité de telle ou telle série, ni aucun autre argumentaire asséné avec force et soutien de tous les esprits estampillés *de bons goûts* de la communauté sériephile.
Ces instants magiques, qui forgent le fan, se chérissent et se savourent. Un seul moment suffit parfois. Mais ce sera le plus souvent la répétition au cours de plusieurs épisodes, où se retrouvera cette jubilation ultime, qui va construire le fan de la série. Dans ma vie sériephile (ouch, il est encore un peu tôt pour tenir des discours de vétéran), c'est un phénomène qui se compte sur les doigts d'une seule main -et pourtant, j'en ai vu et j'en ai adoré des séries, preuve que l'on se situe bien sur un autre plan. C'est lorsqu'on quitte la raison et la froide analytique pour ces minutes sériephilement jubilatoires, que l'on passe alors au stade de "fan". C'est un moment précieux, parfois purement conjoncturel, lié à votre état d'esprit de l'instant et qui ne saura être pleinement recréé. Mais c'est ce qui a forgé la sériephile que je suis devenue, qui a suscité l'envie d'explorer toujours plus en avant cette voie en quête de la rareté, de ce moment unique qui n'est parfois pleinement appréciable que lors d'un premier visionnage. Certes, incontestablement, personne n'a les mêmes attentes, ni le même regard, à quinze ou trente ans. Mais se considérer "fan" implique également une fidélité nostalgique que le temps ne saurait remettre en cause. On peut ne plus apprécier la série comme à l'époque où on l'a découverte, mais on reste à jamais ce "fan" qui conservera jalousement les souvenirs de ce fameux ressenti lors du visionnage décisif. Le jour où les séries ne seront plus pour moi qu'une simple analyse assortie d'un décortiquage en règle, où cette flamme ne brillera plus, où cette espérance sera éteinte, et où tout serait réduit à une comparaison quantitative et qualitative, dans une consommation de séries effrénée sans saveur, logique statisticienne en mode fast-food, alors il sera temps de raccrocher et de partir explorer d'autres horizons. Car, la sériephilie ne sera plus.

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Pourquoi cette note un peu OVNI ?
Parce que tenir ce blog, critiquer les séries ça et là, donne parfois la fausse impression qu'il faut se détacher de tout affectif pour asseoir une crédibilité factice de "critique", en disséquant les quarante minutes qui nous sont soumises. A partir du moment où l'on reviewe, il est en effet nécessaire d'argumenter et d'expliquer le sentiment éprouvé face à tel ou tel épisode, afin de le légitimer. Un lapidaire "j'aime" ou "je n'aime pas" n'a jamais constitué une critique. Cette quête de justifications constitue une spirale qui nous entraîne toujours plus loin dans l'analyse. Les impressions premières ne résistent pas toujours aux feux de la logique. Il arrive, lorsqu'on rédige a posteriori sa review, que notre opinion sur l'épisode finisse par changer du tout au tout. On y découvre des faiblesses scénaristiques jusqu'alors ignorées. On diagnostique des failles dans la construction de l'épisode qui, happé -subjugué ?- par l'ambiance du visionnage, ne nous avaient pas initialement frappés.
En effet, en décortiquant le fond et la forme de la fiction, voire même notre réactivité à la campagne de publicité et au buzz qui l'entoure, on est amené -consciemment ou inconsciemment- à se réfugier derrière une froide rationnalité qui s'affiche détachée de tout affectif. Or cette attitude, dans ses excès, est soit hypocrite (c'est sans doute pour cela que les sériephiles ont inventé le concept de guilty pleasure), soit désincarnée (on perd dans cette démarche artificielle la raison d'être de la sériephilie). On en oublierait presque, alors, l'aspect fondamental qui motive -ou, du moins, a motivé- l'ensemble : l'affectif. Apprécier une série, c'est aussi une façon particulière de la regarder et de se construire, finalement, une forme de relation avec elle. La rationnalité de la critique se heurte alors à des fondements plus troubles. On jette par la fenêtre notre cartésianisme si contraignant pour tomber dans les bras d'un savoureux sensualisme.
Mais attention, il ne s'agit pas de verser dans l'extrême opposé où tout ne serait que ressenti et où, téléspectateur passif, on ingurgiterait un contenu sans le moindre recul, offrant son temps de cerveau disponible à la surenchère des scenarii et aux product placement avisés (lien vers blog de Carrazé). Je ne reconnais pas cette qualité de "fan" décrite plus haut au "fan-atisme" de certains internautes autoproclamés "fans" de telle ou telle série, en raison justement du reniement complet de toute rationnalité, que certaines réactions et/ou comportements révèlent. En réalité -et c'est ce qui est dur-, il faut trouver le juste équilibre, en cette époque de consommation frénétique, où notre emploi du temps ploie sous les choix si nombreux de séries si écclectiques et denses qui nous sont proposées à portée de télécommande ou de clics. Il ne s'agit pas de condamner ce dualisme inhérent au visionnage et à l'exercice de la critique, mais je crois qu'il est nécessaire d'en être préalablement conscient.
Contrairement à ce qu'on peut lire parfois, le débat réel, qui met à mal l'éthique du sériephile, ne se résume pas dans une question d'objectivité et de subjectivité conçus en tant que choix éditorial du critique. Ces deux termes, à mon sens, caractérisent mal l'antagonisme qui naît de l'exercice. En fait, le sériephile se soumet au jeu complexe et parfois capricieux de la raison et de l'affectif.
Dans ces moments de doute, il est aussi bon de se rappeler l'origine de tout ça, ce qui fait que nous en sommes arrivés à ce stade. Or, pour moi, Farscape illustre parfaitement ce nécessaire "retour aux sources".

Et vous, avez-vous aussi, cette impression d'être "fan" de certaines séries, en dépit de l'irrationnalité inhérente à ce qualitifcatif ? Vous avez, vous aussi, votre ou vos "Farscape" ? Comment le(s) reconnaissez-vous ? (Voire, plus simplement, vous aussi, aimez-vous Farscape ?! ^_^)


Petite séquence nostalgie, avec le générique de la saison 3 de Farscape :

PS : Oui, initialement j'étais vraiment partie pour rédiger une review de Farscape... Mais ce thème du rapport du téléspectateur à la série est particulièrement intéressant (il est d'ailleurs valable pour tout type de fiction).
PPS : Pour les râleurs, je rappelle que l'objectif fixé est de parler "séries" dans une ou deux notes par semaine. Je n'ai pas précisé s'il devait s'agir uniquement de reviews ! Je fais de mon mieux. ^_^


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