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Le «Solibail»de Christine Boutin : inutile et dangereux pour les personnes qui ont un emploi !

Publié le 19 décembre 2008 par Kamizole

christine-boutin-solibail.1229675489.jpgChristine Boutin est toute fiérote d’annoncer sa dernière trouvaille : «Solibail» en même temps que montrer qu’elle a du cœur… Ce dont on ne peut que douter devant certaines de ses réactions à l’égard des sans abris, voire des très mal logés : «ils ont un toit» ! Ce qui avait fort courroucé Circé-45 s’il m’en souvient…

Les deux articles que j’ai lus reprennent la dépêche de l’AFP : ils sont presque identiques au mot près qu’il s’agisse de «20 minutes» Logement: Christine Boutin présente le «Solibail» ou du Figaro Boutin lance “Solibail”.

Certes, ce dispositif est tout à fait adapté pour les personnes désinsérées socialement et qui ont perdu tous les repères de la vie en société. Elle ont besoin, outre d’un logement, d’un accompagnement social qui leur permette de retrouver, sinon directement un emploi dans le secteur marchand - il leur faudrait être «performantes» du jour au lendemain, ce qui est bien entendu impossible plus on est «éloigné de l’emploi» - tout du moins des stages ou un travail par l’entremise d’une «entreprise intermédiaire» - sorte d’agence intéri-maire mais s’adressant à un public en difficulté où par ailleurs les travailleurs sociaux font le plus souvent un suivi social efficace et de qualité…

En revanche, il me paraît totalement inadapté voire dangereux ! pour les personnes qui travaillent mais dont les revenus sont trop modestes pour obtenir un logement par leurs seuls moyens (notamment le paiement de la caution).

Il serait quand même surprenant que Christine Boutin n’ait pas connaissance du dispositif «Locabail» - géré dans le cadre du «1 % patronal» et qui s’adresse précisément aux personnes qui travailent (ainsi d’ailleurs qu’aux étudiants et apprentis). Même les intérimaires peuvent en bénéficier.

Ce dispositif permet deux choses :

d’une part, l’avance du dépôt de garantie et ce prêt sans intérêt est remboursable en 36 mensualités maximum.

D’autre part, l’organisme prend l’engagement auprès du propriétaire d’assurer - pendant 3 ans à compter de l’entrée dans le logement - le paiement d’un nombre maximal de 18 mensualités en cas d’impayé.

Enfin, et sans doute surtout, une des modalités du Solibail a bien de quoi faire bondir s’agissant de personnes qui travaillent et dont le seul problème est de ne pouvoir se loger correctement à cause du niveau des loyers :

«Les occupants, des ménages modestes souvent insérés professionnellement, bénéficient d’un accompagnement social et sont logés pour une durée de 3 à 18 mois, avant d’intégrer un logement pérenne»…

MERDALOR ! Parce qu’ils sont pauvres, on ne leur propose que du «provisoire» ! Vous aurez bien lu comme moi «souvent insérés professionnellement»… mais, hélas ! «working poors»… seraient-ils responsables de la si grande faiblesse des rémunérations ?

Auraient-ils besoin d’un «accompagnement social» ? A mon avis, fichtre non ! Il suffit que leurs dossiers auprès des organismes sociaux soient suivis par un assistante sociale, par exemple dans un Centre Communal d’Action Sociale (CCAS). Ils n’ont aucunement besoin qu’on les prenne par la main comme les personnes qui ne sont plus insérées socialement.

J’y vois une certaine façon de les ostraciser pour la seule raison qu’ils sont pauvres. Ah ! les «salauds de pauvres» : sale engeance, « classe dangereuse »…

Je trouve surtout lamentable qu’on les précarise au niveau du logement : 3 à 18 mois… Et ensuite ? On les jette à la rue s’ils n’ont pas trouvé un logement pérenne ?

Alors que Locabail «met le pied à l’étrier» des personnes qui ont un emploi en leur permettant de louer un logement tout à fait pérenne et normal : leur bail ne prendra pas fin à l’expiration des 3 ans pendant lesquels l’organisme se porte caution.

A mon avis, Christine Boutin ignore une chose essentielle pour tout être humain, fût-il désargenté : le besoin de stabilité.

Qui est encore plus important quand il y a des enfants. Envisager systématiquement un déménagement au bout de 3 à 18 mois, c’est leur ôter des repères essentiels : la vie d’un quartier, les copains et copines d’école, etc…

En outre, le dispositif imaginé par les services de Christine Boutin n’est que la simple (mais mauvaise) copie des mesures intelligentes mises en œuvre par la Loi Besson (Louis, pas l’énergumène de Sarko…) du 31 mai 1990 (laquelle déjà affirmait le «droit au logement») dans son volet : «logement des personnes en difficulté».

En effet, outre des avantages fiscaux pour le bailleur, Solibail se limite à «l’intermédiation» des associations - considérée comme «la» solution… s’il y a quelque chose qui m’irrite prodigieusement, c’est bien ce mot et vous remarquerez sans doute comme moi, s’agissant d’un discours ou d’une publicité, l’accentuation tonique sur ce “la”… pour bien marquer les esprits : hors de cette solution, point de salut !

Or, cette intermédiation n’est conçue que comme de «l’accompagnement social». Je ne reviens pas sur le sujet si ce n’est pour dire que l’on considère a priori les pauvres comme de perpétuels mineurs, forcément inca-pables de se diriger eux mêmes.

Sur le plan juridique, c’est l’association qui est le locataire principal et sous-loue aux personnes en difficultés dont le contrat d’occupation est forcément précaire.

Or, la loi Besson a exploré et mis en pratique plusieurs pistes et l’intermédiation des associations par le biais de la sous-location n’était que l’une d’entre elles, et absolument pas «la» solution.

Précisément, le «BAIL GLISSANT» qui prévoyait une évolution du statut juridique des occupants.

Par sa souplesse et les moyens mis en œuvre, ce système pouvait concerner aussi bien les personnes insérées socialement mais ne parvenant pas à se loger aux tarifs du marché (il existait déjà une «bulle immobilière» - qui éclata en 1993-94) que celles qui étaient plus, voire très désinsérées socialement, grâce à un accompagnement social «sur mesure».

Le principe est simple : dans un premier temps, l’association prend à son compte la location des logements qui appartiennent à des propriétaires privés ou publics, afin de les sous-louer.

Elle signe l’état des lieux, le bail et règle le loyer au bailleur. Elle perçoit directement l’allocation logement et le loyer résiduel (loyer moins allocation logement) reste à la charge du sous-locataire.

Après une période «probatoire», pouvant aller de six mois à un an – destinée à évaluer le comportement et les besoins des occupants, avec à la clef, le cas échéant, un véritable «accompagnement social» – le bail «glisse» et le sous-locataire devient ainsi le locataire officiel des lieux.

Or, avec au départ, le même système «d’intermé-diation» des asociations, dans le premier cas (loi Besson) le logement devient pérenne pour le locataire, dans la version Boutin, le locataire devient «jetable» !

C’est qu’à partir du milieu des années 90 (coïncidant sans hasard avec l’amorce de la «bulle immobilière» qui vient d’éclater) la politique du logement en faveur des personnes défavorisées – droite et gauche confondues - a privilégié le traitement de l’urgence tout en élargissant les formules d’hébergement qui n’offraient aux occupants qu’une sécurité minimale.

Le dispositif Boutin donne aux associations un stock de logements que l’on peut qualifier de «très sociaux», à charge pour elles d’y faire «tourner» les effectifs de familles en mal de logement, nettement plus nombreux que le parc immobilier qu’elles gèrent… Un pur jeu de «chaises musicales» !

C’est au moins aussi déstabilisant que l’hébergement dans des foyers, des centres ou des hôtels crades. Loin de l’objectif d’insertion par le logement qui implique précisément d’être «durable».

Enfin, le dispositif Boutin prévoit des incitations fiscales pour les propriétaires (une déduction de 30 % de leurs revenus locatifs).

La loi Besson du 31 mai 1990 prévoyait également des avantages pour les propriétaires. Ils étaient de deux sortes.

D’une part, un réaménagement de «l’amortissement Périssol» pour les locations de droit commun ;

d’autre part, le système des «BAUX DE REHABILI-TATION» qui partait du constat qu’un certain nombre de proprié-taires modestes n’avaient pas les moyens d’entretenir les logements qu’ils louaient et que ceux-ci s’étaient fort dégradés.

Avec le bail de réhabilitation, les associations ou les pouvoirs publics prenaient à leur charge toutes les dépenses de remise en état des logements, le propriétaire s’engageant à louer le logement à un prix inférieur à celui du marché.

Il semble me souvenir que ce contrat portait sur 8 ans, au terme duquel le propriétaire redevenait libre d’augmenter les loyers en fonction du marché, ce qui n’impliquait évidemment pas le départ des locataires pour autant que les loyers restent dans les limites du raisonnable.

10 années de perdues faute d’avoir continué une politique du logement social et «très social» cohérente ! Qui bien évidemment n’a fait que multiplier au centuple les situations «d’urgence» qu’il faut bien traiter comme telles. Mais rien ne changera si l’on n’agit – superficiellement – que sur l’urgence et sans chercher à y apporter sur le moyen et long terme des solutions véritablement pérennes…

Le «stock» des mal et non logés continuera indéfiniment à s’accroître - et la situation sociale actuelle avec sa nouvelle cohorte de licenciements massifs n’arrangera sûrement rien ! - les nouveaux demandeurs chasseront les anciens dans les confins d’un no man’s land fait de taudis, d’hôtels pourris sinon d’hébergement de fortune.


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