Le virtuel soigne pour de vrai
LE MONDE 2 | 28.11.08 | 18h25 • Mis à jour le 29.11.08 | 20h19
Une petite pièce peinte en noir, traversée par deux barres blanches. En leur centre, un cerceau. Le patient, qui s'est glissé dans le cercle, porte un casque avec écran intégré à hauteur des yeux, dont s'échappent deux antennes, capteurs qui détectent ses mouvements de tête. Lentement, souris d'ordinateur en main, il chemine dans une ville virtuelle. Dès qu'il avance, l'image, recalculée en temps réel, respecte son point de vue. L'illusion est parfaite. Il a l'impression de marcher, lui qui ne sort plus de chez lui depuis des mois, terrifié à l'idée de tomber. A tel point qu'avec la souris, il trébuche, au début, lorsqu'il doit enjamber un trottoir un peu haut. Et qu'il rase aussi les murs dans ce monde numérique.
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A l'extérieur de la pièce, devant son ordinateur, la psychologue lui suggère de se placer au milieu de la rue. Elle voit ce que son patient voit, peut l'entendre, lui parler, surveiller ses constantes physiologiques. Comment se sent-il ? Peut-il évaluer son niveau d'anxiété, sur une échelle de 0 à 10 ? Qu'il n'hésite pas à lui parler, surtout, si certaines images, certains souvenirs affluent… Peut-il compter les arrêts de bus ? Moment de panique. La voix le rassure. Il ôte le casque, sort du box de réalité virtuelle, regagne tranquillement le bureau de sa thérapeute.
Science-fiction ? Non, vraie consultation à l'hôpital parisien Pitié-Salpêtrière, dans le service du professeur Roland Jouvent, psychiatre, qui dirige également un laboratoire du CNRS, le "centre émotion". Grâce à la réalité virtuelle, cette représentation informatique du monde en trois dimensions dans laquelle l'homme est immergé avec la possibilité d'interagir, le professeur Jouvent évalue et traite des patients phobiques. Ceux qui ont peur de marcher, notamment, qu'ils soient atteints d'affections neurologiques, de maladies psychiatriques, ou simplement âgés et déjà tombés.
(...)
LES ASSURANCES REMBOURSENT
Evoluer dans un univers numérique spécialement conçu pour traiter tel ou tel trouble : les Américains ont compris depuis le début des années 1990 tout l'intérêt thérapeutique de la virtualité immersive, de cette cybermédecine d'avant-garde. Tandis que les chirurgiens commençaient à peaufiner leur technique en réalité virtuelle, des psychologues ont eu l'idée de s'emparer de ce matériel pour traiter la phobie des hauteurs. Succès. Et première publication en 1995, dans l'American Journal of Psychiatry.
Dans la foulée, des cliniques du virtuel, spécialisées dans le traitement des troubles de l'anxiété, voient le jour. Il en existe une dizaine, aujourd'hui, qui ne désemplissent pas : Virtually Better, à Atlanta ; ou le Virtual Reality Medical Center, installé à San Diego, dans plusieurs autres villes de Californie et de Floride, et même à Bruxelles depuis 2006. Par immersion dans la réalité virtuelle, on y traite toutes les phobies spécifiques (la peur de l'avion, des ascenseurs, des orages, de l'école, des seringues et du sang…) ainsi que les phobies sociales, comme la peur de parler en public. Et même le stress post-traumatique des soldats revenant de la guerre d'Irak ou d'Afghanistan, en les faisant évoluer dans des images évocatrices de petites rues bondées, de fouilles de maisons, de convois attaqués… "Nous avons déjà mené 7 000 sessions de thérapies, assure le docteur Brenda Wiederhold, présidente-fondatrice du Virtual Reality Medical Centre. Nous enregistrons 92 % de succès, alors qu'en psychologie, souvent, il faut compter avec 15 à 20 % d'abandons en cours de traitement. Surtout, il y a un transfert dans la vraie vie des compétences acquises. La preuve : la plupart des assurances remboursent le traitement…"