Mise en scène minimale, pas de décor, performeurs (musiciens devenus ‘danseurs’, plutôt que l’inverse, sans doute) sobrement habillés de noir, impassibles comme des Pierrots lunaires. Si la première pièce,
Pression, pousse à l’extrême ce qu’un violoncelliste peut tirer de son instrument, c’est la seconde,
Salut für Caudwell, qui est la plus accomplie.
Pendant que deux guitaristes jouent, cachés derrière deux paravents, deux autres acteurs, devant ces mêmes paravents, les mains nues, sans guitare, font, présumons-nous, exactement les mêmes gestes que leurs partenaires sonores mais invisibles. On applaudit d’abord la prouesse technique, le show d’une version sérieuse et classique d’
air guitar en quelque sorte, et on se demande ce qu’il peut bien y avoir sur leurs partitions : des notes, des indications de gestes, ou rien du tout ? Puis on est fasciné par la séparation de l’image et du son (on peut penser à
Pierre Bismuth), par la concordance et par les dérapages.
Parfois les gestes se gèlent, mais la musique continue; parfois les gestes deviennent frénétiques alors que la musique suit son train; parfois, au lieu de sa guitare imaginaire, un des danseurs gratte son crâne ou sa cuisse. Le corps est devenu un instrument. Pourquoi
Caudwell (communiste anglais, combattant des Brigades Internationales) ?
Après ce morceau, le troisième, Gran Torso, avec huit acteurs (danseurs ? performeurs ? musiciens ? on ne sait quel mot choisir) est plus complexe, plus organisé, avec des jeux de silence, des jeux de regards. Certes l’attention se dissipe un peu dans ce morceau, où on peut ne pas complètement retrouver la magie du précédent. Mais cette pièce situe clairement Xavier Le Roy parmi les plus innovateurs, les plus réflexifs des chorégraphes d’aujourd’hui.
Photo 1 provenant d’une performance à Essen en septembre 2007. Photo 2 prise de loin et vite par l’auteur au 104. Photo 3 provenant du site du 104.