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Gazprom, l’arme de la Russie

Publié le 30 novembre 2008 par Infoguerre

Le livre de Valery Paniouchkine et Mikhaïl Zygar, deux journalistes russes d’investigation, est sans doute l’un des rares livres de langue française essayant de retracer et de comprendre les liens politiques, historiques et économiques entre Gazprom et l’Etat russe.

Comme le rappelle les auteurs, Gazprom a le monopole du gaz en Russie et Poutine a le monopole de Gazprom. Tout est dit mais le plus savoureux sont les explications… Retraçant l’évolution du monopole gazier et de l’Etat russe depuis la chute du communisme, les auteurs s’attachent à expliquer et à analyser les faits en rencontrant les principaux protagonistes : anciens et nouveaux dirigeants de Gazprom, hommes politiques russes, ukrainiens, turkmènes, etc. Le livre est dense, instructif et fera taire nos naïfs béats (soit disant connaisseur de la Russie !) qui ne voit dans les analyses de Gazprom et du système Poutine que des allégations vagues, des analyses partiales, voire des élucubrations.  

Les auteurs, loin de donner des chiffres parfois rébarbatifs, s’attachent à retracer les liens ambigus entre l’Etat russe, en quasi faillite sous Eltsine, et Gazprom, roue de secours du fragile nouveau régime « démocratique ». Dirigé par le tandem Tchernomyrdine/Viakhirev, respectivement premier ministre et président de Gazprom, le monopole gazier a su, selon les auteurs, complètement retourner la situation en sa faveur, en se dégageant de l’Etat russe et en se retrouvant en position de force vis-à-vis de lui.  

Toutefois le début des années 2000 marque la fin de l’âge d’or du verrouillage de Gazprom (et donc de l’Etat) par le tandem Tchernomyrdine/Viakhirev. L’arrivée de Poutine est suivie d’une purge des principaux cadres du monopole et d’une reprise en main par l’Etat, parfaitement expliquée par les auteurs. Evidemment, nos naïfs béats ne verront rien de choquant à ce que Poutine s’entoure, au gouvernement et chez Gazprom, de personnes qui lui sont proches… Outre les liens étroits, maintes fois commentés, avec le KGB et la mairie de Saint Pétersbourg, les auteurs poussent surtout l’explication à dresser le profil psychologique des nouveaux protagonistes, notamment d’Alexei Miller, nouveau patron de Gazprom, mais personnage terne et sans envergure ni initiative.  

Les auteurs s’attachent aussi à expliquer les relations entre Gazprom et les anciennes républiques soviétiques : Turkménistan , Biélorussie et Ukraine. Dans ce dernier cas, la crise récurrente entre Russes et Ukrainiens est loin d’être purement commerciale. Bataille politique, Gazprom joue du gaz et l’Ukraine du réseau de transport, sous fond de frictions communautaires, afin de gagner en marge de manœuvre. A noter que le livre explique assez bien le rôle des différentes sociétés commerciales (Itera, RosUkrEnergo, Eural Trans Gas, Naftogaz Ukraini, etc.), toutes rattachées à des clans différents, donc à des buts politiques et économiques divergents, dans le débat russo-ukrainien. 

Alors que Gazprom, le nouvel empire est plus une entrée en matière sur le sujet, Gazprom, l’arme de la Russie donne une analyse en profondeur, même si perfectible, des liens entre le monopole gazier et l’Etat russe. Un livre qui tente un début d’explication aux propos de Churchill : « La Russie est un rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme ». 


 

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