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Une infirmière en garde à vue - prolongée !- pour une erreur de traitement… procédure manifestement disproportionnée

Publié le 26 décembre 2008 par Kamizole

hopital-svp-ap-mort-enfant-erreur-ttt-police.1230324521.jpgJe ne voudrais pas donner l’impression de défendre à toute force mon ex-corporation. Mais je suis persuadée qu’aussi tragiques que fussent les conséquences – la mort d’un enfant de trois ans hospitalisé pour une angine – l’erreur de traitement commise par l’infirmière ne mérite sûrement pas qu’on l’ai mise en garde à vue le mercredi 24 décembre à 23H00 dans les locaux de la brigade de répression de la délinquance à la personne (BRDP) et sans doute moins encore qu’elle fût prolongée…

Délinquance à la personne ! Pour une faute absolument involontaire – alors que l’intention ou du moins la conscience de nuire est l’élément essentiel de l’infraction en droit pénal - elle est traitée quasi avec la même rigueur – justifiée – que l’infirmière Christine Malèvre qui, travaillant à l’hôpital de Poissy (si ma mémoire ne me trahit pas) avait envoyé un certain nombre de ses patients âgés ad patres et de façon tout à fait délibérée. Elle fut d’ailleurs condamnée aux Assises, verdict confirmé en appel.

Roselyne Bachelot qui, par ailleurs souligne que “Dès les premiers moments, l’infirmière est venue dire à son chef de service qu’il s’agissait d’une erreur” soutient que la garde à vue constitue la procédure normale dans un tel cas.

Au contraire de Jean-Marie Le Guen - président de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) - dont dépend l’hôpital Saint-Vincent de Paul (SVP pour les intimes) et par aillleurs député socialiste, qui l’a qualifiée de “procédure tout à fait inhabituelle” ajoutant : “Je serai très attentif à ce qu’elle se passe avec le plus grand respect des personnes”.

Ce qui en dit long sur la réputation des policiers au décours de quelques affaires récentes qui semblent leur valoir fort mauvaise presse !

Du point de vue de la responsabilité, il est évident que l’erreur de traitement est la cause première sans laquelle il n’y aurait eu aucun dommage.

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Hier j’ai entendu des versions contradictoires quant à la substance employée, les uns parlant de chlorure de magnésium, les autres de chlorure de potassium, lequel peut être aussi dangereux s’il est injecté sans avoir procédé préalablement au dosage de la kaliémie : il peut provoquer une mort subite si le patient est en hyperkaliémie.

Cela m’a remis en mémoire le cas qu’une collègue nous avait rapporté d’une infirmière qui - n’avait pas compris l’ordre du réanimateur : “faites-lui un potassium”… Au lieu de prélever du sang pour l’examen, elle lui perfusa du potassium… Et il arriva ce qui devait arriver : le malade mourut. Je crois me souvenir qu’intérimaire, elle était novice dans le service.

De ce fait, le médecin a lui-même commis une erreur, en utilisant - par habitude - un terme qui pouvait prêter à confusion, alors même qu’il s’adressait à une infirmière avec qui il n’avait précisément pas l’habitude de travailler : il eût du s’assurer que son ordre avait été bien compris. Mais sans doute était-il loin d’imaginer qu’une infirmière ignorait le B-A-BA : on ne passe jamais du potassium avant d’avoir fait un dosage de la kaliémie…

Perso, quitte à passer pour une parfaite conne, j’ai toujours considéré que mieux valait poser une question conne que risquer de faire une grosse connerie !

Il semble maintenant acquis que c’est bien le chlorure de magnésium qui est en cause. Je suis allée me rafraîchir la mémoire dans mon Vidal. Où je n’ai trouvé, s’agissant de soluté injectable, qu’un article sur le sulfate de magnésium, lequel présente les mêmes dangers que le chlorure.

C’est bien pour cela que je suis stupéfaite de lire dans tous les articles que le chlorure de magnésium serait «un produit habituellement bénin». Je ne sais où ils sont allés pêcher cette belle ânerie !

Je m’inscris totalement en faux contre cette affirmation. A mon avis, la plupart des personnes me semblent confondre le chlorure de magnésium buvable sous diverses formes – y compris en sachets à dissoudre dans l’eau ; dont certains disent monts et merveilles avec une certaine exagération - ou en comprimés, avec le soluté injectable par voie veineuse «dont l’usage est strictement réservé aux services hospitaliers»… c’est bien la preuve qu’il ne s’agit pas d’un produit si bénin !

Tout au plus le magnésium “per os” donne-t-il, en cas de surdosage diarrhées et maux de ventre. Ceci dit, sous toutes les formes, il est absolument proscrit en cas d’insuffisance rénale sévère.

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Il en va tout autrement des troubles provoqués par un soluté injectable et à cet égard, il semble évident que si le service ORL l’a transféré en réa, c’est bien qu’ils avaient conscience des risques.

En revanche, d’après ce que j’ai pu lire, il m’apparaît que le service de réanimation et les infirmiers qui étaient censés s’occuper de l’enfant sont loin d’être à l’abri de sévères critiques et qu’il s’est très certainement produit dans le service toute une série de dysfonctionnements qui n’ont peut-être pas pesé pour rien dans l’issue fatale.

Incroyable désinvolture des infirmiers (et où étaient les réanimateurs ?) selon les déclarations du père de l’enfant : «quand les infirmiers sont venus, il m’ont dit ‘arrêtez de vous affoler Monsieur, votre fils n’a rien. pourquoi vous nous criez dessus» devant des symptômes qui eussent du tout au contraire les alerter… «Les infirmiers lui expliquent alors que l’enfant traverse des phases de somnolence»…

MERDALOR ! Cela fait partie précisément - avec les troubles du rythme cardiaque - était-il sous scope ? - des troubles de la transmission neuromusculaire : hyporéflexie voire aréflexie et surtout… la somnolence ! Autant de symptômes révélateurs d’une hypermagné-sémie… laquelle - en l’absence de traitement adéquat : réhydratation, diurèse forcée voire hémodialyse ou dialyse péritonéale en cas d’insuffisance rénale - conduit à la mort.

Je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi les infirmiers ne surveillaient pas mieux l’enfant, ni pourquoi – selon le père – il ne s’en trouvait aucun dans le couloir ou à proximité pouvant répondre rapidement à un appel. Je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec la date : le soir du 24 décembre !

Sans doute l’équipe était-elle plus réduite que les jours normaux. Il faut bien, à un moment ou un autre accorder quelque congé aux soignants - surtout pour les fêtes - alors même que l’insuffisance des effectifs n’est plus à démontrer et qu’elle est dénoncée à juste titre par les syndicats.

J’espère toutefois qu’ils n’étaient pas en train de «faire la fête» entre eux dans leur poste ou quelle salle ! J’en ai tellement vu, à la fois comme soignante ou soignée. Mais je peux vous affirmer que jamais nous ne laissions un appel sans réponse quand nous prenions le café ensemble le matin ou après le déjeuner, y répondant à tour de rôle, les infirmières comme les aide-soignantes.

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J’ai entendu sur France-Info un responsable du syndicat des urgentistes - je crois qu’il s’agit de Régis Garrigue - affirmer que les infirmier(e)s - notamment en réa - enchaînaient très souvent des gardes de 12 heures pendant 4 jours d’affilée et qu’ils sont complètement lessivés en arrivant à la quatrième et dernière garde et qu’il n’était pas surprenant qu’il se produisît des erreurs.

J’ai déjà eu souventes fois au cours des 20 années de ma carrière d’infirmière l’occasion de travailler 12 heures par jour (ou la nuit, en plus de mes journées normales). Avec parfois l’impression d’être un vrai zombie, tenant grâce au café et à la vitamine C… pas étonnant que je sois devenue insomniaque chronique !

Dans de telles circonstances, la nécessaire vigilance professionnelle ne peut que s’émousser et il faut redoubler de prudence pour ne pas commettre la connerie fatale.

A mon avis y suppléent non seulement l’expérience – les réflexes acquis – mais aussi le fait de travailler en équipe (aussi bien personnel infirmier que médical) ainsi qu’une très bonne organisation du service, qui dépend largement de la surveillante, de sa faculté à jauger ou non l’épuisement de ses «troupes»

Madame T. qui fut la dernière avec qui j’ai travaillé avait une expression bien à elle : “Unetelle «tire le cou»… il faudra lui donner des congés” disait-elle à la patronne… Mais elle était proche de «ses filles» comme elle nous appelait. Et ne rechignait jamais à nous donner un bon coup de main quand pour une raison ou une autre il y avait un surcroît de travail.

J’ai en revanche rencontré à Tenon deux vraies salopes garanties pure peaux de biques. La rumeur les disait issue de la “promotion-canapé” à l’époque où l’Ecole des Cadres n’existait pas ou était encore insuffisamment développée. 40 ans après je me souviens tout à fait de leur nom que je tairais bien évidemment.

La première Madame B. qui sévissait dans un service de médecine générale ne m’aimait pas, pratiquement avant même que j’y sois nommée… Il me semble qu’elle ne pouvait pas non plus blairer ma soeur - ceci explique sans doute cela - qu’elle avait croisée assez peu de temps dans un autre service, ma soeur attendant un poste au rein artificiel. Elle était d’une bétise crasse et nous joua un jour un tour pendable qui eût pu avoir des conséquences aussi dramatiques que le cas qui nous occupe.

Elle avait pris sous son bonnet (pas très instruit) de donner un calmant fort à une malade… Tellement puissant que la tension tomba rapidement “dans les chaussettes” et que je fus chargée de la surveiller toutes les 5 minutes. J’ai toujours été persuadée que si cela avait mal tourné, elle m’aurait volontiers accusée de l’avoir donné moi-même !

La seconde Madame B. (commé bêtise méchante) régnait sur un service de chirurgie où je fis plusieurs stages, dont 6 mois lors de la “3ème année expérimentale” que nous fûmes un certain nombre à suivre (il s’agissait alors de tester le futur DE en 3 ans pour s’aligner sur d’autres pays européens). Là, je n’étais nullement dans son collimateur : elle faisait chier toute l’équipe de jour.

Elle passait le plus clair de son temps enfermée dans son bureau avec la “première” infirmière et la secrétaire et n’en sortait que pour critiquer tout et tout le monde ou suivre le patron pour la visite. Si bien qu’une infirmière - il semble me souvenir qu’elle s’appelait Françoise - qui ne manquait ni de culture ni d’humour les avait surnommées le “triumvirus” !

J’ai toujours connu l’hôpital avec des problèmes de sous-effectifs. Quand je suis arrivée à l’école en 1968, et encore quelques années plus tard, il n’était pas rare du tout de voir confier à des aides-soignantes voire des ASH des tâches normalement accomplies par des infirmières. Je dois dire qu’au demeurant la plupart s’en acquittaient parfaitement.

Cela ne devait pas être propre à l’AP, la meilleure preuve étant que je travaillais très régulièrement en clinique pour me faire un peu d’argent de poche et qu’on me confiait souvent un travail d’infirmière pour un salaire d’aide soignante.

Entre 1976 et 1977, le nombre d’élèves infirmières dans les promotions avait été réduit. Déjà ! Avec pour résultat immédiat une pénurie assez importante pour déclencher en 1978 une grève dans de nombreux hôpitaux… Et le recrutement d’un contingent plus important d’élèves l’année suivante.

Mais la situation actuelle est inextricable car plus les conditions d’exercice sont pénibles moins cela suscite des vocations. Et plus les infirmières ont tendance à déserter rapidement l’hôpital public. De toutes façons, la tendance n’est pas au recrutement de personnel en nombre suffisant !

Les syndicats ont évidemment raison quand ils dénoncent les conditions de travail dans les hôpitaux publics, aggravées par le manque de personnel. C’est le résultat d’une politique délibérée visant à réduire drastiquement le nombre d’infirmières et d’aide-soignantes… Le personnel est trop «budgétivore» ! Résultat : on ne forme plus assez d’infirmiier(e)s ni d’aide-soignant(e)s, on ferme des hôpitaux – prétendus trop petits !

Cela me fait doucement rigoler quand je lis que Roselyne Bachelot prétend défendre l’hôpital de proximité ! Ce doit être pour cela que Montmorency devrait bientôt perdre le peu d’hôpital qui lui restait… dont bien sûr les urgences. On ne remerciera jamais assez François Longchambon, l’ancien maire, d’avoir réussi cette gageure : faire perdre à la ville la quasi totalité des services publics qui y étaient implantés jusqu’en 1995. 13 ans de malheurs !

La stricte rentabilité est devenue le seul paramètre envisagé par les pouvoirs publics. Je veux bien admettre selon la formule consacrée que «si la santé n’a pas de prix… elle a un coût» mais je n’y vois qu’un appel à être rigoureux dans la gestion pour éviter les gaspillages.

Rationaliser le fonctionnement des services hospitaliers, certes oui. Mais depuis 30 ans, la recherche de la rentabilité à tout prix - donnant des résultats au demeurant très irrationnels ! - n’a pas contribué pour rien à détériorer et les conditions de travail du personnel et celles garantissant les meilleurs soins et la sécurité des patients. Celles qui prévalent dans l’hospitalisation privée ne sont pas meilleures.

Au-delà de l’enquête policière et la probable mise en examen, je lis que la direction de l’AP-HP a “demandé un audit interne pour comprendre les circonstances de ce drame”. Fort bien mais j’eus préféré qu’on le confiât à un organisme totalement indépendant de l’Assistance Publique… l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) par exemple.

Parce que je crains que L’AP ne cherche avant tout à se dédouanier de toute responsabilité qui aurait bien évidemment des conséquences financières non négligeables si sa responsabilité était démontrée (je ne puis dire si l’AP est son propre assureur comme certains grands hôpitaux).

Il semble bien que la responsabilité de l’hôpital en tant qu’administration pourraît être engagée devant le tribunal administratif sur le fondement d’une “faute de service”. Service, dans la terminologie de la jurisprudence administrative signifiant n’importe quelle structure et pas forcément un “service” au sens hospitalier du terme.

On ne sait pas dans quelles circonstances l’infirmière a commis cette dramatique erreur, il est donc impossible de présager d’une possible responsabilité de l’administration quant à une faute de service.

Mais, à la lecture des griefs articulés par le père, le manque de rigueur évident quant à la prise en charge et la surveillance médicale de l’enfant dans le service de réanimation me paraît tout à fait constitutif d’une “faute de service”.

Enfin, s’agissant de démontrer la responsabilité personnelle de l’infirmière, il m’apparaît une fois de plus excessif de choisir la voie pénale. S’il s’agit de démontrer la responsabilité de l’infirmière et la faute qu’elle a commise, le code civil et notamment l’article 1383 (faute non intentionnelle) suffisent amplement.

D’ailleurs, la famille ne s’acharne pas sur l’infirmière. Tout au contraire, ils demandent uniquement que la vérité soit faite et les responsables punis, disant clairement que l’infirmière ne doit pas être la seule à porter le chapeau… On ne saurait être plus net à cet égard que l’oncle du petit garçon : «On peut pas mettre tout sur le dos de cette pauvre dame. Je veux pas de bouc-émissaire, je veux que tous les responsable soient punis et je pense pas que ce soit la seule responsable dans cette histoire et j’espère que la justice fera son travail»


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