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Guinée : transition...

Publié le 26 décembre 2008 par Chezfab
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Surprenant comme les médias semblent avoir la mémoire courte. Alors voilà, la mort de Lansana Conté et la prise du pouvoir par une partie de l'armée semble avoir rendu les journalistes amnésiques. Alors, certes, il est clair qu'un coup d'état militaire n'est jamais à prendre à la légère, mais quand il a lieu sans effusion de sang, et avec un appui assez franc de la population, il serait peut être temps de s'interroger sur le pourquoi du comment...

Conté n'était pas un enfant de coeur, loin de là. Arrivé à la tête du pays par un coup d'état (avril 1984), il se refuse à mettre en place la démocratie, préférant se présenter comme le font beaucoup d'homme de ce genre comme "le bon père du peuple". Il dirigera le pays d'une main de fer, l'entraînant dans une spirale infernale, ou la pauvreté se dispute le haut du tableau avec la corruption. En effet, on brisant toutes les barrières du centralisme d'état pour mettre en place le libéralisme économique, il livre sur un plateau à la spéculation la plus vile tout le pays. Mais, au bout d'un moment et suivant la vague de démocratisation qui touche l'Afrique, il décide mettre en place une nouvelle constitution et d'organiser des élections multipartites. Ce sera fait en 1993 (il aura mis le temps) et il est réélu avec 51% des voix. Beaucoup parlent de trucage des votes.

Echaudé par cela, Conté décide de durcir son régime. Il donne plus de pouvoir à l'armée, met à mal la justice, s'octroie souvent les pleins pouvoirs. Afin de garder une image de pseudo démocrate, il fera organiser de nouvelles élections en 1998. C'est une réélection à 57% qu'il obtient, même si les observateurs internationaux parlent de simulacre d'élections. Dictateur de plus en plus sanguinaire, il renoue avec les habitudes de ses prédécesseurs, notamment Ahmed Sékou Touré (premier président de Guinée) : massacres, tortures, emprisonnements de force... En 2001, il soumet un référendum qui fut plus que truqué, obtenant par 98% des voix le droit de briguer un troisième mandat.

La peur qu'il instaure et le trucage des élections entraîne en décembre 2003 sa réélection avec 96% des voix. Il n'avait qu'un seul opposant. Les autres préférants ne pas participer.

En 2006, face à ce dictateur, un mouvement naît en juin 2006 et la grève générale est proclamée. Elle sera réprimée dans le sang, avec une violence inouïe. Conté déclare qu'il ira jusqu'au bout de son septennat (2010) et choisira son sucesseur pour que la Guinée soit protégée de ses ennemis. On en est là, le "père du peuple" veut donc gouverner et adouber celui qui le remplacera.

Janvier 2007 voit se remettre en place une nouvelle grève générale. Face à cela, Conté accèpte de recevoir les leaders syndicaux. Mais ce ne sera que pour mieux les prévenir : "Je vais vous tuer tous, tant que vous êtes. Je suis militaire, j'ai déjà tué des gens." Cela a le mérite de la clareté...

Le 17, il limoge son ministre d'état Fodé Bangoura, numéro deux du régime. La grève dure toujours, malgré les 59 morts liés à la répression. Conté ne cède rien, il ne veut rien entendre. Mais face à la détermination des travailleurs, il accèpte de nommer un premier ministre de consensus. Le 26, il cède aux demandes des centrales syndicales et annonce qu'il cèdera ses prérogatives de gouvernement au futur premier ministre mais.... refuse de le nommer ! Les grèves continues et le 9 février, c'est Eugène Camara qui est nommé. C'est le coup de trop : Camara est un proche, vu par certain comme le fils spirituel de Conté. La rue s'embrase, syndicats et société civile n'acceptant pas ce choix. Le 26 février, face à la détermination du peuple, Conté cède et nomme Lansana Kouyaté premier ministre. C'est la fin de l'insurrection, mais elle aura fait 186 morts et 1400 blessés.

En avril 2007, Conté nomme un ministre de la défense et lui rend le commandement des forces armées. C'est le général Ousmane Camara qui est promu à ce poste. Ce proche de Conté ne satisfait pas les militaires. Ils réclament d'ailleurs en mai et juin 2008 le paiement des arriérés de leurs soldes. Ce qui fait chanceler le pouvoir en place... Les heurts sont nombreux et l'on parle d'une dizaine de morts.

Donc voilà, la mort du dictateur Conté, la nuit du 22 décembre 2008, ne peut que réjouir le peuple. Certes, de suite, certains militaires ont pris le pouvoir. Doit on s'attendre à un autre Conté ? Au retour d'une dictature ? Seul l'avenir nous le dira. Mais le discours prononcé par le nouvel homme fort, Moussa Dadis Camara, à la tête du Conseil national de démocratie et de développement (CNDD), ne peut que rassurer une population aux mains des spéculateurs et mafias locales. Peut être à tord...

Reste maintenant à voir les actes, et si des élections libres vont vraiment avoir lieu rapidement. On ne peut que le souhaiter. Mais il est affligeant de voir dans les journaux que "l'armée aurait pris la tête d'un état démocratique". On en est loin.

Bonne chance aux guinéens !


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