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Nânyah panthâ vidyate ayahâya

Publié le 03 janvier 2009 par Mtislav

Vous avez de la chance. Vous avez lu récemment un billet qui vous rappelle le souvenir d'une soirée entre étudiants. Suffisamment pourvus pour se payer un petit restaurant. Pas assez pour que le moment ne soit pas en lui-même une fête. Cela se passe dans une belle ville du Sud. La fille en noir a du poppers. C'est une histoire qui vous rappellera si vous l'avez lu le chapitre IV de l'ouvrage de Sri Aurobindo intitulé "Les Bases du Yoga". C'est un petit cadeau de retour de voyage qui atterrit entre les mains aujourd'hui. Je l'ouvre directement à la page 90.
"Chapitre IV, Désir - Nourriture - Sexe
"Nous ne devenons conscients du désir que quand il émerge à la surface et que le mental le perçoit. Il nous semble être nôtre parce que nous le sentons monter ainsi du vital au mental et que nous ne savons pas qu'il venait du dehors." Ce poppers est un produit déjà interdit à l'époque, peu importe, il se présente sous la forme d'un spray. Il circule autour de la table, qui veut essaye. Un garçon, disons, 23 ou 24 ans plutôt goulu, Caleb, essaye, une fois, deux fois, trois fois. Il ne sait pas s'arrêter. Sait-il que le produit est un aphrodisiaque ? Il le sait mais ne l'a jamais expérimenté auparavant. La soirée se termine. Il est autour de quatre heures du matin. Ils ont regagné un appartement d'étudiant. Il y a là Caleb, un autre garçon, plus raisonnable que lui. Que nous appellerons Nathan. Comme dans "Le Choix de Sophie" que Cal a lu quelques mois auparavant. Il y a aussi la fille en noir que nous n'appellerons pas Sophie car en fait, c'est une rousse qui vous chante "Put the Blame on Mame" avec conviction, ce sera donc Rita.
Le poppers fiche à Caleb une trique d'enfer. Il ne peut pas s'imaginer bouger un sourcil. Le frottement d'un quelconque grain de matière sur son subconscient provoquerait une telle montée du désir qu'il en éjaculerait immédiatement. Cal se concentre sur la formule physico-chimique qui occuperait sans doute plusieurs tableaux noirs, la formule de la bandaison, complexe dans son mécanisme mais éminemment simple dans ses manifestations.
Nathan est du point de vue de ses préférences sexuelles homo, mais ils sont tous les trois là, un petit peu comme quand on découvre la carte. Il y a un menu hors de prix qu'on ne parcourt que par goût de la poésie. Il y a aussi les tripes, ça vous savez que vous n'en voulez pas. Et puis, il y a ce qui vous arrive parce que vous avez cru bon de vous abandonner aux conseils généreux d'un hôte irrésistible.
Rita est toute en caresses, mouvements provocants qu'elle lance comme des jeux. Chacun participe, se soumet. Surtout Caleb car, rappelons-le, l'excès de poppers l'a transformé en pur esprit turgescent qui n'a pas encore lu Sri Aurobindo. Rita sera qualifiée à l'issue de cet épisode de nymphomane. Comprenez, c'est un jugement de dépit. Prenons une image un peu obscure pour nous dédouaner. Vous sortez de table. "C'était bon ton haddock de rhubarbe à la canaille ?" Des patates servies avec une sardine, c'est vrai, c'est bon. Quand on est mort de faim à l'issue d'un conflit qui a entretenu votre faim plusieurs années, c'est un délice. Rita a bien engagé Caleb vers l'incandescence. 
Caleb est chaud. Il entrevoit le souvenir d'un type à la caisse du bar-tabac qui a pris deux millionnaires et un rapido. Il est en train de se faire avoir mais il les veut ses attrape-nigauds. S'il gagne, il en voudra encore. Caleb est dans cet état. Il lui reste un peu de discernement, le même que celui dont dispose le fumeur à ce même comptoir. Il ne va pas demander qu'on lui échange son paquet parce qu'il a écopé de l'inscription "fumer tue". Il pourrait tout aussi bien réclamer une inscription qui lui promette l'impuissance, mais il n'y croit pas.
Rita joue avec l'un des garçons, l'autre attend vivement son tour. Que fait-elle ? Ce que vous imaginez va bien au-delà de la situation. Elle fait courir ses cheveux sur son visage. Pour cela, elle a contourné la chaise, effleuré une épaule avec sa poitrine en inclinant son buste. Dans l'imaginaire d'un hétéro moyen et terriblement inexpérimenté comme Caleb, à la fin, le garçon saute la fille ou mieux encore elle organise tout ça pour que cela se produise avant qu'il ne se transforme en éjaculateur précoce. Et là, il sent qu'il n'y a pas assez de kilomètres de tableau noir sur la planète pour y inscrire la résolution de cette équation compliquée. Il n'y a pas de cerveau pour en imaginer la solution. A part peut-être Sri Aurobindo : "La différence entre le refoulement et le rejet essentiel est la même qu'entre une maîtrise mentale ou morale, et une purification spirituelle.
Le problème, revenons-y, ce sont les drogues en général, le poppers en particulier. Nous n'en faisons pas l'éloge. Bien des années plus tard, Caleb, Nathan ou Rita ignorent ce qui a pu se passer. Et lorsqu'ils parviennent à se souvenir de tel ou tel moment, c'est avec assurance qu'ils vous assènent que ce soir-là il ne s'est rien passé.              image : source   vidéo : extrait de "Gilda" de Charles Vidor (1946) avec Rita Hayworth, Glenn Ford. Dans l'extrait, Steven Geray.

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