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Jours francs

Publié le 05 janvier 2009 par Hoplite

(…) Il était 4 heures du matin lorsque les chars alliés forcèrent la porte du camp. Les SS s'étaient réfugiés dans les miradors et se barricadaient. De tous les «lags» ce fut une ruée vers les tanks. Bientôt ceux-ci furent entourés d'une foule compacte aux cheveux courts et qui bégayait d'admiration. Les hommes en kaki nous contemplaient. «American, American, American...»

Nos yeux morts regardaient leurs yeux d'un autre univers. Et subitement ce fut une explosion d'enthousiasme. Nous bondîmes sur eux, avec des baisers, des cris, des sanglots et des rires. Des chocolats, des cigarettes, des rations K sortirent de toutes leurs vestes. On mangea comme des brutes et on se retourna contre nos bourreaux. Ah, quelle chasse ! J'avais une barre de fer dans les mains et tout ce qui était gris je le fracassais. Les SS mettaient les bras contre leur figure, la barre volait et cassait l'homme qui s'abattait en petits soubresauts craintifs.

Les «Lags» on y mettait le feu, on déversait de l'essence à seaux et avec des pelles et des fourches, 220 gammés connurent la mort. Ils couraient comme des lapins en furie, on leur sautait à la gorge et dessous le menton s'enfonçait l'acier. Il y en eut qui furent sabrés depuis le ventre jusqu'au coeur. Les Russes coupaient des oreilles et des bras. Un feldwebel eut les deux jambes arrachées et perdit son sang en quelques minutes avec des hurlements de bête hallucinée. Sa femme fut attachée, jupes au vent à quatre piquets fichés au sol et tour à tour une légion de damnés en pantalons ouverts vint prendre sa jouissance. Au début, la gueuse cria. A la fin, elle remuait encore faiblement la poitrine, ses seins étaient lacérés de griffes et ses cuisses où les deux jarretelles pendaient lamentablement étaient recouvertes de glu.

Un petit boche qui nous enlevait les ongles un par un fut ligoté à un poteau. Une corde fut mise à sa tête et huit hommes tirèrent sur cette corde jusqu'au moment où le crâne se détacha du tronc.

Du sang, oh, il y en avait dans cette nuit de vengeance. On cassait des reins, des os, on broyait des muscles dans une atmosphère d'extermination. Le gardien qui me fit fouetter pour une tentative de révolte, cent détenus lui donnèrent des coups furieux et un chien le dépeça. Je revois encore son visage craquer dans la gueule de la bête. (…)

Jean Bradley, Jours francs, 1945.


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