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Paso Doble n°109 : Enrichissons-nous !

Publié le 06 janvier 2009 par Toreador

A las cinco de la tarde…

Réforme enterrée et Pub à terre

C’est l’événement du jour : deux disparitions, coup sur coup. La première disparition concerne le projet de loi sur le travail dominical, qui vient d’être escamotée du calendrier parlementaire, en profitant subrepticement des vacances de Noël pour attirer ailleurs l’attention de l’opinion publique. On hésite entre le kidnapping ou l’assassinat maquillé en suicide. Après le blitzkrieg, Sarkozy découvre la Campagne de Russie.

La deuxième, c’est celle de la publicité sur les chaînes publiques, qui occupe le haut de l’affiche en ce moment. Notamment – on le comprend bien – dans la petite lucarne. Jamais mesure n’aura connu plus de publicité. On périt toujours par là où l’on a péché !

Au risque de déconcerter, je vous dirais que je vois derrière ces deux faits apparemment déconnectés une même logique. Avec, en prime,  l’illustration de ce que j’appellerai une mauvaise réforme et une bonne réforme.

Dimanche, c’est le jour du con-table

Sur le travail dominical, malgré un travail méthodologique parfait, la finalité était éminemment discutable. Je parlerai donc de mauvaise réforme et de bonne disparition.

Mon opposition à la réforme Sarkozy recouvre une multitude d’arguments. Le premier est que je reste persuadé qu’il ne faut pas continuer à laisser l’Economie dicter nos modes de vie. C’est un débat qui est d’ailleurs susceptible de s’envenimer en fracture politique au sein de la Droite, thème qu’a repris mon collègue Seb de Kiwis cette semaine.

Oui, en travaillant le Dimanche, nous gagnerions « plus ». La nuit aussi. Et en juillet-août également. En même temps, à la fameuse maxime comptable de l’Elysée, qui me rappelle le « Enrichissez-vous » de Guizot, j’opposerai volontiers cette maxime : on travaille pour vivre, et non l’inverse. 

Sens et Indifférence

De plus, je donne raison en partie aux arguments d’Autheuil et n’ai pas peur de l’écrire :  je me reconnais parfaitement dans la culture occidentale, c’est à dire judéo-chrétienne. Je considère que le magma commercial nivellant que l’on nous sert en soupe dans nos économies modernes est en train de tuer à la fois notre sensibilité culturelle, notre connaissance de notre histoire, et notre capacité à réfléchir. Le Dimanche est le « jour du Seigneur » depuis l’an 40, gardons-le. J’ai vécu en Asie (scoop) et je ne plantais jamais mes deux baguettes dans mon bol de riz, car c’est un présent pour les morts. Même si on n’y croit pas, on respecte les autres et leurs traditions. Rétablir un peu de sens ne fait jamais de mal.

Autres exemples : l’un de mes amis me disait récemment que les grandes surfaces ne mettaient plus de fèves religieuses dans les gateaux des rois, au profit de spidermen et de goldoraks. En voilà une drôle de tyrannie de la pensée qui ne dit pas son nom. Les plus anti-religieux se féliciteront peut-être de cette sécularisation. Moi, j’y vois un risque : une fête comme Noël sans signification aucune est amenée à disparaître. Regardez Halloween qu’on a cherché à importer en France en dépit de toute tradition cuturelle hexagonale. Un feu de paille. Que restera-t-il à nos sociétés si elle se coupe de ses racines et si elle ne s’anime que pour des fêtes commerciales ?

Ce point de vue peut paraître réactionnaire, j’en ai conscience, mais je pense que l’Indifférence est la première maladie de nos sociétés pixellisantes. L’Indifférence, on la retrouve partout : vis-à-vis des étrangers et des SDF, qui meurent sur le trottoir d’en face; vis-à-vis des personnes âgées, que plus personne ne respecte dans les bus et les files d’attente; vis-à-vis des convictions politiques et de la vie démocratique, ce qui nous fait glisser dangereusement vers la dictature. 

Bénéfices en petites coupures

La deuxième disparition, c’est la publicité. Là, je prends la position inverse de celle d’Autheuil. C’est l’exemple même de la réforme avec une « bonne » finalité mais dont la méthodologie a été catastrophique. Nicolas Sarkozy a fait un effet d’annonce (ou de manche) sans réfléchir aux conséquences.

Et pourtant, je pense que, comme pour la disparition du tabac dans les bars et restaurants, bientôt nous plébiciterons cette télévision publique sans coupures publicitaires. Car la publicité, comme le tabac, est belle et bien une nuisance. C’est une coupure qui nous est imposée. On nous force à regarder un programme avec pour seule alternative de quitter la pièce ou de zapper (quitte à retrouver les mêmes spots sur une autre chaîne). On nous gave comme des oies, en rééditant à chaque minute la même ruse : la tentation du toujours plus. 

L’Homme n’est pas un produit comme les autres

On le voit bien, derrière ces deux disparitions, il y a donc des thématiques communes. D’un coté, un modèle de société où l’on pense d’abord au consommateur et ensuite à l’homme. De l’autre, un modèle où la qualité de vie prime sur les contingences financières. Face à ce lent glissement du mode de vie occidental, l’ennemi n°1 c’est l’indifférence, qui empêche la mobilisation et facilite la solitude du citoyen. Les autres clivages – messe ou pas messe à minuit ? crèche ou pas crèche dans les mairies ? – sont devenus secondaires, pourvu que ceux qui veulent aller à la messe trois fois par jour n’emmerdent pas ceux qui préfèrent siroter une anisette en terrasse.

Je préfère quelqu’un qui s’oppose à moi parce qu’il a des convictions totalement inverses aux miennes que quelqu’un qui ne sait même pas pourquoi il ne fait pas ou il ne pense pas. C’est toute la différence entre le citoyen et le dindon

Oui, enrichissons-nous, mais pas comme certains le voudraient. J’espère que le corps de la publicité, mis en terre, fertilisera le terreau de la société. Alors, une bonne pelletée de terre et bon enterrement !

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