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sur les traces de l'ami Franz (#1)

Par Richard Gonzalez

Kafka copy
Café Franz Kafka, quartier Josefov, Prague, le 1er janvier 2009

Il est venu s’asseoir, distraitement, un journal plié sous le bras. Table bancale. Chaise en bois raidi par les ans. Son regard très noir a percé la brume qui ensemençait la rue presque déserte, par delà les carreaux embués. Où sommes-nous aujourd’hui, s’est-il interrogé à voix basse. Comment crier, se répétera-t-il un peu plus tard, avant de commander un vin chaud. Une phrase jetée par dessus son épaule : « Il existe une possibilité de bonheur parfait: croire à ce qu'il y a d'indestructible en soi et ne pas s'efforcer de l'atteindre ». Le bonheur ? J’ai connu quelqu’un qui voulait l’atteindre dans l’alcool. Il creusait des petits trous dans le sable pour déposer ses vomis entre deux rasades mélancoliques de whisky. Il se croyait lui aussi indestructible. Par la fenêtre de ce premier soir de 2009, Kafka a vu juste un peu plus grand ce désespoir individuel, insoluble dans la collectivité : "Nous creusons notre fosse de Babel". Ces paysages de tranchées, de cratères et de trous d’obus éclairent la vérité immorale de l’existence humaine : le territoire des famines est d’autant plus infini qu’il commence à l’intérieur de soi.


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